La lutte de Che Guevara en Afrique : le prolongement de l'expérience de Jose Marti
Le 9 octobre 1967, Ernesto Che Guevara tombait sous les balles d’un peloton d’exécution. La veille, un détachement de l’armée bolivienne l’avait encerclé, avec une dizaine de guérilleros et procédé à son arrestation à quelques kilomètres de La Higuera, petit village de Bolivie. Trente huit ans ont passé, l’ex-compagnon de Fidel Castro dans le combat contre l’impérialisme américaine et la réussite de la révolution cubaine, est passé au rang d’icône. Adulé par les mouvements révolutionnaires à travers le monde, symbole de toute résistance contre la domination impérialisto-capitaliste, son image reste omniprésente. Mais son expérience africaine au Congo reste encore peu connue.
Quand, six ans après la libération de Cuba des griffes du dictateur Batista, représentant de l'impérialisme américain, le guérillero Commandant Ernesto Che Guevara arrive à la conclusion que Cuba était assez solide pour se passer de ses efforts, il décide, en accord avec son ami Fidel Castro, de prolonger l’expérience de Jose Marti. D'abord en Afrique, plus tard en Bolivie.
Répondant à la demande d'appui militaire émise par les dirigeants du Conseil national de la révolution congolaise (Cnrc), le Che, à la tête d'un contingent de cent Cubains, la plupart des Noirs, débarque à Kibamba (Congo Belge), base des Lumumbistes. Sa mission : combattre Moïse Tshombé, le bourreau du défunt Premier ministre congolais Patrice Lumumba.
Pendant sept mois qu'à duré la guérilla contre le pouvoir de Tshombé, d'abord, et de Mobutu, ensuite, le Che a dirigé les opérations militaires de cette lutte. L'issue de son combat en Afrique est dramatique : lourdes pertes en matériels, en hommes et en positions. Les revers infligés par les mercenaires belges et américains qui étaient à la solde de Mobutu l’obligent, avec ses hommes, à renoncer aux combats et à se replier sur la Tanzanie par le Lac Tanganyika par où ils étaient venus.
Le Che, très lucide, tire les conclusions de cette défaite : «Nous avons échoué (…) J'en suis sorti avec plus de foi que jamais dans la guerre de guérilla (…) J'ai appris au Congo (…) l y a des erreurs que je ne commettrai plus», etc.
Ces conclusions courageuses, sincères et honnêtes, permettent de situer les facteurs qui ont contribué à cette défaite en Afrique :
- L'appréciation du problème congolais : pour les Lumumbistes, cette question doit rester africaine, donc pas de présence étrangère. Pour le Che et les Cubains, le problème est international. Cette divergence a démobilisé beaucoup de combattants congolais qui, par la suite, se sont positionnés en adversaires pour ne pas dire ennemis de la guérilla.
- La même appréciation a créé des désaccords profonds entre militants politiques de l'extérieur et combattants de l'intérieur.
- Les armes qui étaient fournies par les «grands frères» soviétiques et chinois n'étaient pas bien maîtrisées par les congolais en terme d'utilisation.
- Le Che qui dirigeait les opérations militaires ne parlait aucune langue du pays ; ni le swahili ni le kimbembe.
- La rigueur et la discipline de fer propres à une guérilla qu'imposait le Che étaient insupportables pour les Africains. D'où des refus d'obéissance multiples préjudiciables à la guérilla.
- Le Che avait des difficultés pour localiser les zones d'occupation des Lumumbistes, d'évaluer leurs effectifs, de prendre contact avec les chefs militaires.
- La faiblesse idéologique, le manque de sérieux révolutionnaire et d'esprit de sacrifice caractérisaient pour beaucoup de ces chefs rebelles. Laurent Désiré Kabila, dont le Che disait qu'il était le seul des leaders Lumumbistes qui avaient d'authentiques qualités de dirigeant, avait beaucoup de faiblesses aussi.
- Il y avait une ignorance des facteurs culturels chez le Che, due à un manque d'étude approfondie sur le terrain et des réalités et des mentalités congolaises.
C'est la combinaison de tous ces facteurs négatifs qui a engendré l'échec du Che au Congo. D'aucuns y ajoutent le fait que la révolution cubaine ne pouvait pas s'exporter dans d'autres pays du Tiers Monde. Mais cette assertion est contestable. La révolution cubaine (l'expérience s'entend) peut bien s'exporter dans d'autres pays du Tiers Monde. Il suffit que les techniques, les méthodes et les pratiques de la théorie de l'expérience cubaine soient ajustées et adaptées aux réalités locales. Que l'armée de guérilla compte plus d'autochtones que d'étrangers. Que les autochtones soient bien formés pour tenir la direction des opérations et que la guérilla bénéficie de l'appui total des masses. Pour ce faire, il faut que celles-ci reçoivent une éducation politique permanente.
Près de trente ans après, l'échec du Che s'est transformé en victoire. Laurent Désiré Kabila, dont le Che disait qu'il avait d'authentiques qualités de dirigeant mais devait beaucoup changer compte tenu de ses faiblesses, a changé et mûri. Il a bien assimilé les leçons de "Tatu", le Commandant Ernesto Che Guevara, jusqu'à transformer la défaite de ce dernier en victoire en chassant le valet de l'impérialisme américain, Mobutu, et en prenant le pouvoir que contrôle maintenant après sa mort son fils Joseph Kabila.
Les mouvements de libération nationale que furent le Paigc (Guinée-Bissau et Cap Vert), Mpla (Angola), et Frelimo (Mozambique) qui ont bénéficié des instructions du Che ont pris le pouvoir dans leurs pays respectifs. Il y a plus de victoires que d'échecs dans l'expérience africaine du Che. Globalement son bilan en Afrique est positif. Le Congo n’est que l’arbre négatif qui cache la forêt positive de ses actes en Afrique.
Comme nous l'a recommandé le Che, il faut continuer à créer beaucoup de Vietnam et le sort de l'impérialisme mondial sera réglé.
* Moustapha Fall, est le secrétaire général de l’Action patriotique de libération, un parti d’opposition au Sénégal
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