Sénégal : La délinquance économique et financière, un fléau ravageur

Ce n’est pas par impuissance de l’Etat qu’il manque encore des solutions efficaces dans la lutte contre les biens mal acquis au Sénégal, mais c’est à cause de la complaisance et des complicités avérées au plus haut niveau de l’Etat. Il est donc parfaitement compréhensible que nous ne soyons pas encore parvenus à juguler cet état de fait. Toutes ces soi-disant mesures annoncées jusque-là, pour mettre les incriminés hors d’état de nuire, ne sont que de l’hypocrisie et du bluff. La volonté réelle n’y est pas.

En grande partie, la perte des valeurs morales et civiques, ainsi que l’instauration d’une impunité quasiment totale pour les prédateurs font partie des causes principales favorisant la pérennité de la délinquance financière et l’appropriation illégale des biens de la nation. N’est-il pas enfin arrivé le moment de sévir avec célérité pour mettre fin à ce fléau ravageur, par des moyens coercitifs radicaux et finir avec cette race de délinquants financiers nuisibles et incorrigibles ?

Cette catégorie de malfrats a accru de manière exagérée au Sénégal, au cours de la dernière décennie sous le président Wade. Ces individus ont provoqué et continuent encore de provoquer de graves hémorragies financières préjudiciables à l’économie du pays. Pire, après avoir dilapidé allégrement les deniers de la nation, ils se sont transformés en richards artificiels avec l’aval de Wade, qui se glorifiait d’ailleurs honteusement, de ce triste fait.

Par conséquent, ce n’est pas par impuissance de l’Etat qu’il manque encore des solutions efficaces à cela, mais c’est à cause de la complaisance et des complicités avérées au plus haut niveau de l’Etat. Il est donc parfaitement compréhensible que nous ne soyons pas encore parvenus à juguler cet état de fait. Toutes ces soi-disant mesures annoncées jusque-là, pour mettre les incriminés hors d’état de nuire, ne sont que de l’hypocrisie et du bluff. La volonté réelle n’y est pas.

(…) Il ne doit pas y avoir de complaisance envers les auteurs de fraude ou de corruption, car cela fragilise la démocratie, le contrat social et le pacte républicain.
Après la délinquance juvénile des bandes d’agresseurs et malfaiteurs qui ont envahi l’espace public, c’est le tour de la délinquance financière, beaucoup plus nocive encore, qui fait son apparition avec ses méfaits incalculables sur la marche normale de l’économie. (…) Il ne se passe plus un jour au Sénégal sans qu’il soit annoncé, dans les médias, des cas de graves scandales financiers qui s’opèrent par des détournements impressionnants de deniers. Ce phénomène se passait plus fréquemment dans le secteur public et parapublic, car en leur sein manquaient et manquent encore l’orthodoxie de la rigueur de gestion, ainsi que les moyens efficaces de contrôles financiers.

Actuellement, le mal s’est propagé dans le secteur privé. La frontière entre les deux secteurs est devenue ténue. Il faut tout de même reconnaître, que ce phénomène se manifeste rarement dans le privé formel organisé.

Tous les scandales dissimulés jusque-là se dévoilent facilement après un audit anodin. Ceux qui avaient été découverts par les institutions habilitées et organes de contrôle, mais mis dans les tiroirs par le président Wade, durant tout le temps qu’il était aux affaires, commencent à apparaitre au grand jour. Leurs auteurs qui bénéficiaient de la couverture de l’impunité sont aux abois. Certains trouvent comme solution sécurisante la thésaurisation des fonds volés, gelant ainsi, pour un moment, leur circulation dans les rouages économiques. Car les coffres forts des banques ne sont plus une garantie absolue et le risque de se faire alpaguer par la Section de recherche de la Gendarmerie est devenu plus pesant.

(…) Il est évident que tout cela n’a pu se passer que grâce à un environnement d’impunité presque totale accordée par Me Wade, qui a fermé les yeux sur les actes de prévarication jusqu’à la fin de ses deux mandats.

(…) Avec l’alternance de 2000, l’Administration générale fonctionnait en informel et tous les verrous de contrôle avaient sauté, facilitant les malversations et fraudes de toutes sortes. Le Trésor public aussi était devenu informel. Selon le bon vouloir de Wade, on vivait un éparpillement des points de décaissement et d’encaissement hors de la Trésorerie générale. Des points sur lesquels le Trésorier général n’avait certainement aucun contrôle effectif. Le principe de l’unicité de caisse était rompue et du coup aucun contrôle efficace n’était plus possible faute d’une parfaite visibilité des opérations.

C’est ainsi que la Présidence de la République était devenue un démembrement du Trésor public, sous la direction du chef de l’Etat qui usait des fonds comme bon lui semblait. Plus grave, l’autonomie de gestion des fonds a été libéralisé dans un désordre anarchique, avec l’autorisation d’ouverture de comptes propres aux ministères, aux sociétés d’Etat, aux sociétés nationales, aux agences, etc., dans les banques privées. Cette entorse grave aux règles de gestion financière orthodoxe et efficiente a été la véritable porte ouverte aux abus sous Wade qui ont conduit à tous ces détournements incalculables et dont les auteurs se sont volatilisés dans le pays et à travers le monde.

Nous devrions, à l’image des Français ou d’autres pays qui combattent avec intransigeance la délinquance économique et financière, adopter des lois à la mesure de la dimension des forfaitures accomplies, lois qui ne laissent aucune possibilité de récidiver aux délinquants pris, comme cette loi : « Loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière » dont le Titre 1er stipule «Disposition renforçant la poursuite et la répression des infractions en matière de délinquance économique, financière et fiscale». Par conséquent, l’Etat et nous tous devons déclarer sans exception une guerre sans merci, à tous les auteurs de biens mal acquis. Par ailleurs, en dehors de la discipline, de l’ordre, de l’équité, d’une justice équitable et indépendante, de la rationalité dans l’examen des questions, globalement, point de développement.

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** Mandiaye Gaye est écrivain et auteur de ''Le Pouvoir De Wade – Autocratie, Impunité et perte de valeurs''

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