Le problème des Accords de partenariat économique
Si nos gouvernements ne veulent pas prendre la liberté de sortir de la Zone franc, faisons, en attendant, une proposition à l’Union européenne qui peut nous apporter des moyens pour notre développement.
Fuyant leurs responsabilités, les gouvernements des Etats demandent à la Cedeao de se prononcer sur les propositions de la Communauté européenne, pour leur indiquer la voie à suivre et de dégager une position commune. Cette attitude montre le degré de la domination des Etats africains par l’Europe. En effet, ils ont les mêmes intérêts à défendre dans ces accords, mais ils n’osent pas se prononcer ni individuellement ni ensemble. Ils se déchargent sur la Cedeao qui a la lourde tâche de dicter ce qu’ils feront.
Les experts de la communauté ont ainsi un travail très difficile pour transformer l’accord commercial que l’Europe veut renouveler avec les Etats africains en un accord économique avantageux pour notre développement. En effet, ils comprennent bien que les aspects économiques qu’il y a dans le texte présenté par les Européens ne constituent pas un apport significatif au développement économique des Etats africains. Ils devront faire appel à toute leur imagination créative pour proposer des modifications et ajouter des amendements pour amener l’Europe sur un accord économique qui renforce notre capacité de développement ou un accord commercial ayant des impacts très positifs sur notre développement. Je les y encourage et les félicite pour toutes les recherches qu’ils font pour rendre la communauté économique des Etats effective.
Je crois que l’Europe ne pourra maintenir sa croissance économique qu’en s’impliquant dans le développement de l’Afrique. Mais ça doit être une coopération par la coproduction entre partenaires dans l’équité. En effet, l’Europe se heurte actuellement aux limites de la croissance dans une économie mondialisée par les entreprises multinationales, avec une répartition des revenus en leur faveur de telle sorte que, comme disent les sociologues, les riches deviennent plus riches et les autres deviennent de plus en plus pauvres. La quasi totalité des pays sont dans une crise sans issue.
Dans l’Ue, seule l’Allemagne assure sa croissance pour le moment, en partie parce que l’euro lui assure la place qu’occupait le mark dans les monnaies européennes avant l’instauration de la monnaie unique. Cela signifie que l’euro convient parfaitement à l’économie allemande, ce qui n’est pas le cas pour les économies des autres pays européens, pour lesquels l’euro est surévalué. On le constate avec la crise économique de ces pays qui pose des problèmes à l’Union. L’économie française souffre de cette surévaluation de l’euro pour sa compétitivité en majeure partie.
Evidemment, le franc Cfa se trouve automatiquement surévalué et nous partageons la crise qui sévit en Europe. Mais il ne doit être dévalué qu’avec la dévaluation de l’euro pour nous éviter les répercussions néfastes de celle de 1994 sur tous les pays de la Zone sauf un. Si nos gouvernements ne veulent pas prendre la liberté de sortir de la Zone franc, faisons, en attendant, une proposition à l’Union européenne qui peut nous apporter des moyens pour notre développement.
La coproduction se fera sur la base d’un contrat de société industrielle et commerciale entre deux ou plusieurs pays qui définit l’objet de la société, le montant de son capital, la répartition des apports et le montant de l’investissement. Le facteur naturel dont l’exploitation constitue l’objet de la société est fourni par le pays africain moyennant une rémunération dont le montant sera évalué à la détermination des montants des différentes charges de structure. Il fournit des ressources humaines à très bas prix et ouvre notre vaste marché au produit de la société.
Le pays européen doit avoir la maîtrise de l’évolution de la branche industrielle de l’unité qu’il faut créer dans le secteur secondaire pour fabriquer un produit qui répond à la satisfaction de nos besoins directement ou après transformation sur place. Le pays européen, sans être majoritaire au capital de la société, doit jouer un rôle primordial dans la gestion de la production et de la commercialisation de l’entreprise dans les cinq premières années pendant lesquelles tous les emprunts seront remboursés. Par sa présence, le pays européen accroît le crédit de la société devant les organismes financiers bancaires et non bancaires, c’est-à-dire ici l’augmentation de la confiance des banques, des fournisseurs et des bailleurs dans la société.
En contrepartie, il y aura des avantages pour le pays européen en dehors des dividendes attendus avec certitude. En effet, il amène ses experts européens sous contrat à durée limitée avec l’entreprise dont il a le monopole de l’achat de la partie du produit à exporter à un prix plus bas que partout. Ce qui lui permettra d’être plus compétitif dans le monde et de pouvoir développer ses productions dans son pays avec ses activités à l’extérieur.
La participation du pays européen peut être facilitée par l’existence d’une grande société nationale dans la branche ; l’Etat peut aussi participer au capital et désigner une société privée pour le représenter. Celle-ci profitera et fera profiter l’économie de son pays des avantages tirés de la coproduction sans léser le pays d’accueil.
En restant sur ses pratiques habituelles en Afrique, l’Europe risque, dans un avenir proche, de perdre ses positions par le contre coup de l’émergence de nouvelles puissances économiques dans l’économie mondiale. Les signes sont visibles à travers la crise persistante que connaissent la plupart des pays européens. Seule une participation correcte à l’industrialisation des pays africains peut sauver l’Europe.
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** Ely Madiodio Fall, professeur d'économie, est leader du Rassemblement patriotique sénégalais/Jammi Rewmi, un parti politique sénégalais, dont le chef est Ely Madiodio Fall
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