Plus de Promesses brisées: Augmentez le Financement pour la Santé Maternelle
Entre 2010 et 2011, au moins trois des Etats d’Afrique de l’Est organiseront des une élection – le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda. Au moment où les dirigeants politiques retournent à la population pour lui demander un mandat aux postes politiques les plus élevés, pensent-ils à propos de ce qui se passe à plus de la moitié de leurs citoyens – les femmes? Se soucient-ils du fait que la première cause de décès pour les femmes en Afrique sub-saharienne peut être prévenue? Les décès maternels et les taux de mortalité restent les plus élevés en Afrique sub-saharienne où pour chaque femme qui meurt, on a jusqu’à 30 autres qui souffrent de maladies ou d’infirmité.
Chaque minute, au moins une femme meurt de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement, et ce selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Ceci signifie que dans le monde entier, à peu près 592.000 femmes meurent chaque année, la majorité étant de l’Afrique subsaharienne. La mortalité maternelle a tant des conséquences sociales qu’économiques sur les familles, l’ensemble de la communauté et la nation notamment des risques plus grands de mortalité néonatale et de mauvaise croissance, de traumatisme psychologique sur les membres de la famille, de perte de moyens de subsistance économique au niveau du ménage avec plus de vulnérabilité vis-à-vis de la pauvreté, la perte de ressources humaines de production pour la nation et ainsi la perte de revenus.
La mortalité maternelle se définit comme le décès d’une femme en cours de grossesse ou endéans 42 jours après avoir interrompu une grossesse suite à une cause en rapport avec ou aggravée par la grossesse ou sa gestion. La cause la plus commune de décès maternel est le saignement, qui peut tuer même une femme bien portante en 2 heures si on ne s’occupe pas d’elle. La moitié des décès causés par l’hémorragie en Afrique sub-saharienne se produisent essentiellement dans les zones rurales où il n’y a en général pas de soins d’accouchement de qualité.
Les autres causes de mortalité maternelles sont la pauvreté croissante, l’impact du Vih/sida, les avortements à risques, la qualité de soins médicaux de même que l’accès à ces derniers tous en baisse, personnel médical non approprié, manque d’équipement médical et de médicaments essentiels, mauvais réseau routier et de communication, taux élevé et non réglementation de la fertilité ainsi que le mauvais espacement des naissances ; taux élevés de grossesses de mineures, manque d’information sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, insuffisante mobilisation pour assurer que la demande de services au niveau local est satisfaite, de même que le faible niveau d’implication masculine dans la santé maternelle et les droits y afférents et le manque de responsabilité des leaders civils et politiques.
Les gouvernements africains, y compris les gouvernements des pays d’Afrique de l’Est, ont signé la plupart des engagements internationaux et régionaux qui traitent de la santé sexuelle et reproductive, notamment le Plan d’Action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (ICPD POA, 1994), la Plate-forme d’Action de Beijing (BPFA, 1995), les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM, 2000), la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples, le Protocole à la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique (le Protocole de Maputo, 2003), le Plan d’Action de Maputo sur les Droits Sexuels et Reproductifs en Afrique (Maputo POA, 2003).
Plus récemment en 2009, l’Union Africaine (UA) a lancé une Campagne de toute l’Afrique sur la Réduction Accélérée de la Mortalité Maternelle (CARMMA) avec pour slogan, “Agissez Maintenant ! Aucune Femme de devrait mourir en donnant la Vie!”. CARMMA est l’un des moyens par lesquels l’UA est en train de vulgariser le Plan d’Action de Maputo qui vise à réaliser l’accès universel aux services inclusifs de santé sexuelle et reproductive et concrétiser le droit à la santé sexuelle et reproductive (DSSR) pour chaque personne en Afrique d’ici 2015.
Et pourtant, très peu de pays sont passés à la mise en œuvre des engagements pris dans leurs discours en matière de politiques. L’un des principaux domaines de mise en œuvre auxquels les gouvernements africains n’ont pas encore répondu est l’accroissement du financement pour la santé, particulièrement la santé reproductive qui réduirait considérablement le taux de mortalité maternelle (TMM) sur le continent. En effet, au moment où le monde prépare la revue des ODM en 2010, peu de pays en Afrique atteindront les cibles régionales et mondiales dans le cadre de la santé conformément aux ODM et à la Déclaration d’Abuja d’assurer que le budget de la santé constitue jusqu’à 15% du PIB.
Pour atteindre les ODM, les experts estiment que la proportion des dépenses des gouvernements sur la santé devrait se multiplier six fois et que plus de 12 pour cent du PIB devraient être dépensés sur la santé. Pourtant, en 2008, la moyenne des dépenses au niveau régional en Afrique Orientale et Australe est de 4,7%. La situation s’améliore légèrement dans certains pays comme l’Ouganda où dans le Budget 2010/2011, le gouvernement a pour la première fois augmenté ses dépenses sur la santé, et particulièrement sur la santé reproductive. Le Rwanda a également investi de manière consistante dans son système de la santé, ce qui a eu pour conséquence la baisse du TMM du pays.
Alors que ces efforts devraient être applaudis et reproduits, la plupart des gouvernements est africains continuent de ne pas traiter la santé reproductive comme une priorité mais plutôt comme un domaine réservé en grande partie aux partenaires du développement et aux donateurs qui parfois financent plus de 80% des programmes de santé reproductive tel que le planning familial. Il faut que les gouvernements soient tenus pour responsables par leurs citoyens en ce qui concerne le respect de la promesse d’Abuja de 15% pour les dépenses dans le domaine de la santé. Au rythme actuel de financement, aucun pays d’Afrique de l’est ne pourra atteindre la cible des OMD d’ici 2015.
Comme le dit l’Archevêque Desmond Tutu, “alors que la santé mondiale est une responsabilité mondiale, les leaders africains ont également une responsabilité morale envers notre peuple. Juste comme nous nous attendons à ce que la communauté internationale honore ses engagements envers la santé mondiale, nous attendons aussi que les leaders africains honorent les engagements africains”. En outre, dans le cadre du suivi des stratégies multisectorielles testées, différents secteurs qui ont un impact sur la santé sexuelle et reproductive tels que l’éducation (mariage précoce, éducation sexuelle), l’agriculture (nutrition, droits de propriété), le transport (infrastructures routières et de communication), la justice (violence sexuelle), et d’autres devraient se voir imposer par le gouvernement de réserver un pourcentage des budgets de leurs secteurs au traitement des DSSR.
Les gouvernements doivent également se pencher sur les niveaux élevés de corruption et de mauvaise gestion qui bloquent les pays et les empêchent de répondre à leurs obligations. La corruption est responsable du niveau élevé de fuite des ressources limitées qui sont allouées aux secteurs de la santé. Les derniers scandales de corruption du Fonds Mondial, aussi bien au Kenya qu’en Ouganda, sont des exemples de niveau de corruption et de mauvaise gestion dans le secteur qui a des effets dévastateurs sur les citoyens, en particulier les femmes pauvres.
Enfin, si les gouvernements doivent franchir des pas positifs afin de réduire la mortalité maternelle, il faut qu’il y ait séparation entre l’Etat et la religion. Actuellement, des distorsions religieuses et culturelles individuelles s’infiltrent dans les programmes et interventions nationaux visant la santé reproductive. Les preuves parlent d’elles-mêmes. L’égalité dans les rapports entre les sexes et la liberté de choix en ce qui concerne le corps de l’individu et la sexualité sont la clé d’un processus et d’un système reproductif sain et fonctionnel. Il s’ensuit que l’abus des droits sexuels, que ce soit à travers la violence contre la femme, le mariage précoce ou la mutilation génitale féminine entre autres, compromet l’habileté et le degré auquel on peut jouir de ses droits reproductifs.
Au moment où l’Ouganda se prépare à accueillir le Sommet de l’UA du 19 au 27 juillet 2010 sur le thème, “Santé Maternelle, Néonatale et Infantile et Développement en Afrique”, la société civile notamment ABANTU for Development, Campagne du Millénaire des Nations Unies, le Réseau de Développement et de Communication des Femmes Africaines (FEMNET), Akina Mama wa Afrika (AMwA), Save the Children, White Ribbon Alliance, et d’autres organisations partenaires vont accueillir une caravane est-africaine sur la santé maternelle du 3 au 16 juillet 2010 pour faire du lobbying auprès des leaders africains afin qu’ils accordent la priorité au programme de santé maternelle.
La caravane se déplacera du Kenya en Tanzanie, puis au Rwanda et enfin en Ouganda. Les forums publics se tiendront avec des communauté de la base tandis que le personnel médical et des agents de la SR voyageant avec la caravane fourniront des services médicaux et de SR aux femmes et filles sur tout le parcours. Des histoires réelles relatant des expériences de filles et de femmes dans le domaine de la santé maternelle seront recueillies le long du trajet de la caravane et ces témoignages seront présentées aux décideurs de politiques quand la caravane arrivera en Ouganda.
En plus, une Conférence Régionale de Femmes Rurales sera organisée par le Mouvement de Solidarité pour les Droits des Femmes Africaines (SOAWR) du 21 au 22 juillet 2010 en Ouganda, ce qui assurera aussi que les voix des femmes atteignent les décideurs de politiques avant le Sommet de l’UA. Les femmes, les hommes et les enfants de l’Afrique de l’Est appelleront les gouvernements qui ne l’ont pas fait (l’Ouganda et le Kenya) à ratifier le Protocole de Maputo, et ceux qui l’ont ratifié (le Rwanda et la Tanzanie) à passer à la mise en œuvre afin d’assurer que les femmes mènent des vies saines et sûres. Les leaders et les gouvernements africains doivent faire preuve de leur volonté politique de mettre fin à la mortalité maternelle sur le continent et agir, Maintenant!
*Christine Butegwa est Coordinatrice Régionale des Programmes d’Afrique auprès d’Akina Mama wa Afrika, une organisation féminine régionale et internationale basée à Kampala, Ouganda.
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