Beijing + 15 ne devrait pas exister !

Banjul, la capitale gambienne, accueille, du 16 au 20 novembre, la 8e conférence régionale africaine pour l'évaluation du processus de Beijing + 15. Depuis que la capitale chinoise a abrité, en 1995, cette grande conférence devenue une référence mythique dans le processus d'affirmation de l'identité et des droits de la femme, la perception de celle-ci comme "une partie entière de la société universelle jouissant des mêmes droits que les hommes sans aucune restriction et sans aucune discrimination" est loin d'être une évidence. Et pour Dr Morissanda Kouyaté, ce qui manque le plus à cette fin, c'est la volonté de franchir les étapes décisives.

C’est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a lancé pour la première fois la stratégie de l’objectif mondial avec >. Si ce slogan a attiré l’attention du monde sur les problèmes de Santé, après l’An 2000, face au constat du mince résultat, beaucoup de personnes l’ont considéré comme un vœu pieux qui aura vécu. Cela n’enlève rien aux immenses efforts et au mérite de l’OMS dans un monde globalisé où la vie des esquimaux est étroitement liée à celle des Massaye, des pygmées, des Aïnous, des corses, des Guédébursi, des Abénaquis et de tous les autres.

Nous sommes en 2009, c'est-à-dire 9 ans après le fatidique An 2000, le paludisme continue son ravage, les maladies diarrhéiques déciment des milliers de populations, le VIH-SIDA anéantit des familles entières, la faim considérée par les anciens comme la mère de toutes les maladies continue de menacer et de tuer des millions d’enfants, de femmes et d’hommes. Face à ces fléaux, il n’y a pas suffisamment d’argent et de ressources, pendant que des milliards de Dollars sont investis dans les armes qui serviront à aider ces maladies à anéantir les habitants paisibles de la Terre.

Alors si c’est ce chemin que doit prendre ‘’Beijing + X’’ il faut dès maintenant refuser de donner la valeur infinie à X dans cette équation du statut des femmes dans la société universelle. ‘’Beijing’’ n’était pas fait pour être célébré tous les 5 ans en vue de compter les victimes de la discrimination et des violences à l’encontre des femmes. Il s’agissait et il s’agit toujours d’y mettre immédiatement fin. Pour ce faire, le seul obstacle est le manque de volonté ; je ne dis pas seulement volonté politique mais VOLONTÉ à tous les niveaux de considérer les femmes comme une partie entière de la société universelle jouissant des mêmes droits que les hommes sans aucune restriction et sans aucune discrimination, au nom de quoi que ce soit.

Volonté du mari de se convaincre que l’épouse n’est pas juste là pour être une mère, mais aussi et surtout pour être un parent responsable et respecté dans la prise des décisions familiales ;

Volonté des parents de scolariser leurs filles au même titre que les garçons, et non de les envoyer à l’école pour juste savoir lire et écrire leurs noms avant de les soumettre aux mutilations génitales féminines et de les jeter dans un mariage forcé et précoce;

Volonté des familles et des pouvoirs publics de s’opposer à toutes formes de violences domestiques physiques et psychologiques à l’encontre des femmes et des filles ;

Volonté de tous les vrais leaders religieux musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes, etc., d’interpréter fidèlement les prescriptions des Livres Saints qui protègent et accordent aux femmes les mêmes droits que les hommes, et non, de faire des Ecritures Saintes des instruments de domination sociale et politique des femmes ;

Volonté des pouvoirs publics partout dans le monde de légiférer et d’appliquer les lois qui répriment les violences et discriminations à l’encontre des femmes ; et non à se retrancher derrière un simulacre de nécessité de pédagogie pour éviter tout bouleversement rapide des mœurs, coutumes et traditions ;

Volonté des organisations internationales de secours de mettre fin au viol et à l’exploitation sexuelle de victimes fragiles de conflits ;

Volonté des Gouvernements d’ouvrir grandement la porte de la maison politique aux femmes, et non de faire d’elles de simples votantes pour élire des leaders hommes très souvent irrespectueux des droits humains des femmes, et champions dans la corruption et la dilapidation des richesses nationales ;

Volonté de la communauté Internationale de mériter sa titulature au moins une fois en plaçant les femmes au centre du développement ; et non à en faire des personnes à secourir en permanence pendant des conflits savamment orchestrés pour des intérêts inavoués.

Je dis VOLONTÉ dans l’espoir que chacun va se ressaisir et dire : « ça suffit ! Soyons simplement justes avec les femmes dans leurs droits.» Mais vu la gravité et la flagrance du tort fait aux femmes aux quatre coins du monde, je doute que je m’achemine moi aussi vers la naïveté de croire qu’il peut apparaître une génération spontanée d’hommes de bonne volonté pour mettre fin aux violences et aux discriminations à l’encontre des femmes.

En termes mathématiques: Notre Objectif = Beijing + X, où X= le plus proche de 15.

Je sais que l’on va dire : « il y a du progrès, regardez une femme présidente de la République en Afrique, une majorité de parlementaires femmes dans cet autre pays, trois femmes ministres de plus par-ci, une femme premier ministre par-là, deux femmes ministres des Affaires étrangères dans tel ou tel coin du monde et surtout en Afrique, etc. » Ce sont certes des acquis, mais ce sont surtout des arbres qui cachent la forêt.

Nous ne voulons surtout pas entendre parler de ‘’progrès’’, nous voulons des résultats finaux, concrets et appréciables. Après 15 ans, nous ne voulons pas entendre parler de processus, car nous ne sommes pas en Diplomatie ; nous sommes en conquête des Droits des femmes, de toutes les femmes.

A tous ceux qui ont une part de responsabilité dans la marche inexorable du monde vers les pleins droits des femmes ; à tous ceux qui ont envie de faire de la terre une planète de justice et de paix ; à tous ceux qui ont honte de voir l’humanité se priver de sa portion la plus vaillante et la plus importante, c'est-à-dire les femmes, il est temps de se battre davantage pour que le bateau HUMANITÉ soit mené à bon port par la participation de tous ses occupants et non uniquement par des capitaines autoproclamés.

Nous sommes tous inquiets aujourd’hui de la dégradation de l’environnement : couche d’ozone perforée, effet de serre, déforestation, pollution etc. Il faut évidemment se mobiliser pour stopper ce phénomène. Mais l’environnement le plus dégradé et qui a le plus besoin d’être assaini avant de faire face à la couche d’ozone, c’est celui des rapports hommes-femmes dans lequel les femmes sont privées de leurs Droits naturels à vivre sur le même pied d’égalité que les hommes pour participer pleinement à relever les défis de la nature.

(Beijing + 5), (Beijing +10), (Beijing +15)…, STOP ! Pas de suite de Fibonacci dans l’évaluation du statut des femmes.

Pour nos filles, nos sœurs, nos épouses, nos amies, nos compagnes, nos camarades, nos partenaires et nos Co-terriennes, battons-nous afin que Beijing soit une réalité et non un mirage.
Bon Anniversaire quand même !

* Dr Morissanda KOUYATÉ est Secrétaire Général CPTAFE, Directeur des Opérations du Comité Inter-Africain (CI-AF) - [email][email protected]

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