Une larme pour le peuple et pour l’État angolais

Les autorités “compétentes” de l’administration dirigée par le gouvernement de José Eduardo dos Santos ont autorisé la démolition du Marché de Kinaxixe. En autorisant un tel fait, ce gouvernement a détruit un patrimoine africain hérité de la colonisation qui nous a co-engendré en tant que nation. Il a détruit et jeté à la poubelle une partie de la mémoire collective de la ville de Luanda et du pays. Un centre commercial moderne va être érigé à la place du Marché de Kinaxixe, par des personnes qui détiennent le pouvoir et/ou en sont clients.

Avant le Marché de Kinaxixe, le Palais de D. Ana Joaquina avait déjà subi le même sort. Réagissant à ce délit, Lúcio Lara, député du MPLA, a apporté à l’Assemblée nationale un morceau des décombres de cet édifice. En protestant, il a pleuré comme les millions de victimes de cet acte. Un geste osé avec lequel [selon mon entendement] il a remis en cause le chef de son parti [le MPLA], du gouvernement et de l’État angolais, José Eduardo dos Santos.

Si l’on tient compte de la grande concentration du pouvoir qui caractérise son mandat, ainsi que de l’énormité de cet agissement de la part de ses agents et de l’impunité totale dont ceux-ci ont bénéficié, cet acte ne peut pas lui être étranger.

En outre, dans plusieurs bidonvilles, les maisons des pauvres ont été démolies. Leurs habitants ont été abandonnés dans les décombres de leurs maisons ou, sous la menace des armes de l’Etat, ont été jetés dans des dépotoirs de pauvreté comme ceux implantés par le gouvernement du MPLA à Calemba, Zango et Panguila, ces emblématiques quartiers endo-coloniaux pour « indigènes », paradoxalement construits en Angola après la « décolonisation ». Le chansonnier populaire auquel le MPLA a eu recours lors de la mobilisation populaire chantait : Nous avons été envoyés à l’étable comme si nous étions des bœufs>, alors que l’administration coloniale portugaise inaugurait cette façon d’agir à Luanda. Aujourd’hui, objectivement, le gouvernement du MPLA reproduit les agissement du colonialisme portugais. ?

Ces dépotoirs – “post coloniaux” – de pauvreté sont la matérialisation du paradigme d’urbanisation des banlieues de notre capitale adopté par le gouvernement du MPLA. Ce sont des réceptacles de personnes issues de la majorité pauvre et exclue de la population de Luanda, expulsées de la ville, de l’État [des services et des revenus] pour que le gouvernement et des particuliers réalisent, dans les lieux qu’elles occupaient, des projets, y compris des « projets sociaux » où ces victimes d’une exclusion extrême n’ont pas de place. Ces quartiers pour « indigènes », construits après le colonialisme portugais, donnent corps à la phase planifiée de l’apartheid social, [économique, politique et culturel], avec lequel José Eduardo dos Santos engendre un régime endo-colonialiste en se servant de sa fonction de président du MPLA et de président de la République. ?

L’intention manifestée publiquement, liée à des actes administratifs en phase d’exécution, indiquent que d’autres “espaces du peuple” et beaucoup de nos maisons seront démolies pour que d’autres particuliers se servent de nos espaces. Il y a suffisamment d’indices, tout particulièrement au niveau des revenus qui seront générés, pour faire croire que ceux qui seront servis sont ceux que la guerre n’a pas empêché d’accumuler des richesses pharaoniques, alors qu’elle a empêché de faire ce qu’il fallait pour le bien-être général.

Nos espaces publics et privés sont en train d’être spoliés et utilisés, ou de devenir propriété privée pour la réalisation de projets dits à des « fins également publiques ». Nous savons tous, évidemment, que toute entreprise commerciale sert toujours le public, vend au public, etc. Mais est-ce que le « service public » de particuliers doit nécessairement être obtenu par la destruction du patrimoine collectif et par l’expulsion de tous les autres ?

C’est publiquement connu qu’en Angola les entreprises d’État étant déjà privatisées, des lieux de la ville et d’autres patrimoines publiques ont été, ou sont objet de gestion ou d’appropriation par des particuliers après avoir subi les effets d’une « administration gouvernementale » négligente aux effets désastreux. Ceci au nom d’un prétendu « redressement » et de « l’intérêt de l’État », comme il a été souvent dit.

Ainsi, les souhaits et les droits des membres de toute une société sont en train d’être annulés au bénéfice de la constitution du patrimoine et du remplissage de coffres de particuliers qui, de cette façon, s’imposent aux autres comme s’ils étaient les « propriétaires » de notre pays. Cette façon d’agir, vu la dimension qu’elle prend, place José Eduardo dos Santos, les agents et les clients du pouvoir, dans la condition de co-propriétaires d’un pays transformé en une immense « Ferme Angola ». Mais ce qui est étonnant c’est que la « Ferme Angola » continue à être référée par ses prédateurs comme étant un pays et un État de droit démocratique, avec l’approbation de la Communauté internationale.

La Communauté internationale – pour qui les Droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie sont essentiels au développement humain – reste muette face au fait endo-colonial qui s’agrandit en Angola chaque jour. Elle est devenue complice pour ne pas mettre en péril ses affaires avec la « Ferme Angola ». Elle n’a pas honte de cet agissement qui ne peut plus être dissimulé, comme le dévoilent les éloges faits à la gouvernance dont le chef du gouvernement du MPLA est destinataire. Tel a été le cas avec le Premier ministre portugais, José Socrates, à l’occasion de la Foire internationale de Luanda, la FILDA 2008. Mais pour ces représentants de la Communauté internationale «démocrate», au regard de la considération qu’ils ont réellement pour les questions humaines, tout est ou reste une question d’économie et de « développement ». Les justifications présentées par leur partenaire endo-colonialiste son alors « bien » comprises et dûment accueillies.

Le développement local, construit avec et pour ceux qui vivent dans ces espaces, allié à la conservation des symboles de l’histoire du développement de la ville, de la configuration de son espace urbain, de son mobilier et de sa culture ancestraux, en tant que fondements de la culture angolaise, ne donnent pas de garanties ni ne génère des recettes pour la caisse des « chefes-de-posto1 » de la « démocratique économie de marché » angolaise en construction, en pleine réfection selon le modèle colonialiste. Au contraire, tel que l’indique sa destruction, il constitue une menace ou un frein aux facteurs du développement endo-colonialiste.

Les valeurs et les espaces identitaires d’une société dominée représentent toujours une menace pour toute dictature. Ils gardent vivante la mémoire collective des communautés, ils maintiennent leur cohésion et ils préservent leur capacité de résistance. Dans le cas angolais, ces valeurs sont en train d’être effacées pour que nous soyons effacés en tant que citoyens et devenions un zéro dans le calcul général d’une économie politique qui nous réserve, à l’avenir, la place consolidée de serviteurs dociles d’une dictature endo-coloniale. Objectivement, le projet de société endo-coloniale reproduit en chacun de nous le monangabê2 colonial dont, de nos jours, aucun Jacinto – poète irrévérent – ne se satisfait, ni n’incite à la rébellion devant ce que cet état de choses est en passe de générer.

A ce rythme, à l’avenir, notre mémoire ne retiendra que l’œuvre du chefe-de-posto José Eduardo dos Santos et du MPLA, « son » parti. Le MPLA est le premier et le principal otage de l’hégémonie personnelle que dos Santos exerce sur l’Etat et sur le pays. Nous courrons le risque d’arriver à une situation où les registres diront qu’avant lui il n’existait rien. Tout ce que nous serons en tant qu’êtres humains et en tant que pays, nous le devrons à la saga prédatrice des biens matériels et culturels de la communauté angolaise perpétrée par l’endo-colonialisme. Cette dernière n’est qu’une réédition du colonialisme qui l’a précédé. Nous aurons alors la perception que l’Angola est une invention de José Eduardo dos Santos. L’histoire l’enregistrera comme étant le démolisseur du patrimoine et de la mémoire collective de l’Angola et le bâtisseur des plus grandes fortunes du capitalisme angolais le plus réactionnaire, dont bénéficie une minuscule minorité de personnes.

Le nom d’une certaine Isabel [comme celui de la sainte portugaise qui a fait le Miracle des roses, en transformant les pains en roses] survolera, indifférent à la souffrance « générale », le « paradis » capitaliste réactionnaire angolais. Tout près, à côté et/ou en dessous, dans l’enfer de la pauvreté angolaise, les enfants ont de moins en mois de pain ! Ils meurent massivement avant l’âge de cinq ans ; leurs parents ne vivent pas au-delà de quarante ans. C’est connu, n’est-ce pas ? Après une existence sans avoir été reconnu par l’Etat [sans même avoir eu une carte d’identité], ils sont enterrés dans des cimetières clandestins qui seront ensuite enfouis par des propriétés privées qui, dans certains cas, ne laissent même pas les morts reposer en paix. Par conséquent on peut conclure que ni pendant ni après leur vie ils n’ont eu une existence humaine. N’est-ce pas ?

Tout indique que si nous laissons cette stratégie se mener jusqu’à ses dernières conséquences, une fois que notre mémoire collective nous aura été totalement arrachée, il ne restera de notre citoyenneté que son « écorce ». Nous ne serons alors, en tant que citoyens, que de simples enveloppes. Nous aurons été ainsi transformés par notre réduction, du point de vue politique, au statut de « citoyens en apparence », ce qu’en fait la majorité d’entre nous est déjà, dans le contexte politique actuel.

Dans cet avenir sombre que laisse prévoir l’endo-colonialisme de José Eduardo dos Santos, notre essence citoyenne - qui de nos jours pose déjà problème – sera ce que pourra produire notre abandon dans des entrepôts de pauvreté et de décombres matériels et culturels, où [dans l’apartheid eduardin] notre citoyenneté s’affaiblira sous la surveillance des chimbas et autres sipaios3 qui utilisent contre nous les armes de « l’État » de la « Ferme Angola », devenue pays spolié à «des inutiles sauvages », devenue aussi otage sous la garde de la bande des collaborateurs de ce dictateur.

Répondant à l’appel endo-colonialiste pour la réalisation de ce projet, des partenariats ont déjà été créés entre de compétents prédateurs étrangers et des prédateurs angolais, via la création de sociétés prétendument « nationalistes », avec des critères de co-propriété selon lesquels les agents économiques angolais détiennent plus de 50% du capital de la société. Citant un Angolais surnommé « le poète majeur », on peut dire que nous sommes effectivement devant le becqueter du corps africain inerte qu’il a dénoncé. La seule différence c’est que cette fois-ci la becquée a été autorisée et réalisée les yeux secs, sous la direction de José Eduardo dos Santos, l’héritier du sceptre du pouvoir du poète-médecin qui a été le premier président de l’Angola, Dr. Agostinho Neto.

Si nous tous nous nous résignons, si nous nous laissons anesthésier par les miettes qui tombent de la table du palais du chefe-de-posto endo-colonial ou par la peur de lutter pour la liberté, ce pervers projet économique, politique et culturel endo-colonial qui est en train de structurer l’existence de l’Angola sera concrétisé comme une violation réussie, extrême et élaborée, de notre condition naturelle d’êtres [humains], libres et pourvus de droits, à peine formellement « respectés » dans la « démocratie » eduardine.

Et alors, comme l’a dénoncé le chanteur angolais Dog Murras, l’Angola sera toujours un bon pays pour tout le monde sauf pour les Angolais. Comme je l’ai déjà dit et il n’est pas de trop de le répéter comme le démontre la complicité de la Communauté internationale [de toute façon, silencieuse, absente et/ou déjà complice aussi par agissement], la situation de l’homme angolais n’est pas la principale préoccupation des « démocrates humanistes » occidentaux. En effet, on ne voit pas une préoccupation se manifester sur ce sujet, de la part des États du Nord occidental « plus développé » représentés en Angola.

Cependant, au niveau du discours et des normes nationales et internationales, avec des répercussions sur leurs dispositifs juridiques, ces États sont les champions mondiaux des Droits de l’homme. Comment comprendre cette incongruité entre la pratique et la norme juridico-politique à laquelle ils doivent se soumettre ?

La situation des Droits de l’homme en Angola n’est pas une préoccupation des États européens et de la Commission européenne [représentée en Angola par sa Délégation], dont les agents et les investisseurs dans l’économie endo-coloniale eduardine [tels que des « mendiants aveugles de la rue », pliés par le besoin d’obtenir la générosité du chefe-de-posto Dos Santos] ne prennent position qu’en fonction de leur appétit pour le pétrole, l’expansion de leurs marchés et l’exploitation d’autres ressources naturelles de notre pays, tels que le diamant et autres minerais, qui, après la guerre, sont redevenus accessibles comme au temps de la colonisation.

Ils ne voient l’Angola que comme un el dorado, où ils peuvent facilement réaliser des richesses, au lieu de, et avant tout, la percevoir comme un espace d’êtres humains semblables à eux. Ils ne nous voient pas comme des êtres qui leur ressemblent, dotés d’une sensibilité et de ce fait capables de souffrir et d’avoir du plaisir à vivre, possédant des faiblesses qui les font faillir, mais aussi des potentialités pour se développer.

Face au regard silencieux de la Communauté internationale, nous sommes en train de subir l’assaut pour la conquête du marché par des agents ou des clients d’un pouvoir qui est exercé dans une promiscuité avec des affaires privées. C’est inauguration d’un conflit en Angola qui peut évoluer vers une nouvelle guerre civile, indésirable à tous points de vue. Par conséquent, ceci n’est pas un souhait. Ce n’est qu’une lecture de la réalité des faits, que nous présentons ici en guise d’alerte. Parler de guerre sera certainement considéré par beaucoup comme une exagération, car jusqu’à présent ce conflit est perçu, de façon erronnée comme étant pacifique. Cependant, dans ce conflit, des armes ont déjà été utilisées.

Cette guerre a déjà des morts et des blessés. Seul celui qui n’a pas encore compris ce conflit dans sa forme réelle et la menace potentielle qu’il constitue pour la paix, peut minimiser cette alerte. Tout particulièrement, minimisera ce conflit celui qui est désinformé et/ou perturbé par les registres de la galopante croissance économique angolaise et par la méconnaissance des rituels de la « démocratie » [pratiqués (ndt)], qui définissent le contexte angolais comme étant une farce de démocratie. Cependant, à plusieurs reprises, la conquête du marché a déjà été tachée par la privation abusive de liberté, par des coups de bâton et même par le sang de beaucoup de citoyennes et de citoyens. Jusqu’à présent nous n’avons enregistré que le sang versé par des victimes de l’assaut sur la terre urbaine et sub-urbaine de Luanda.

La Guerre de la Terre, initiée en Angola par la spoliation des terres, est dénoncée par des organisations de la société civile, elles-mêmes ignorées et poursuivies par les institutions nationales, celles-ci étant soutenues par une attitude minimaliste de la Communauté internationale. C’est ce que je pense sur ce qui est en train d’arriver. Car, jusqu’à présent, dans cette guerre, seuls ceux qui détiennent le pouvoir, leurs agents et leurs clients, utilisent la violence. Ils utilisent l’autorité, les armes de l’Etat et les entreprises de sécurité privées contre le peuple qu’ils expulsent de ses espaces. D’ailleurs, des membres du personnel des Nations Unies et d’ONG européennes ont déjà été témoins de ces faits et les ont rendus publiques. Que veut-on obliger le peuple à faire pour que son cri de secours soit entendu et suscite une action adéquate pour garantir le respect de ses droits ?

Heureusement que jusqu’à présent, en défense des victimes, on n’a eu recours qu’à la dénonciation de l’accaparement des terres. Une dénonciation qui reste pacifique et publique, menée en accord avec les dispositions de la Loi angolaise et des normes internationales et adressée aux entités nationales et internationales. Malgré cette dénonciation, les agents qui accaparent les terres bénéficient d’une totale impunité en Angola et à l’étranger, où beaucoup de violeurs (des Droits de l’homme, ndt) se promènent en toute dignité, comme si un mérité était attaché à cela. Par contre, l’accès à la justice est interdit aux victimes, alors qu’elles en ont besoin.

Ce sont là les faits qui caractérisent l’accaparement de la terre en Angola. Quels que soient les jugements qui en découlent, ces faits ne changent pas et ne peuvent être traités que par des organes judiciaires autonomes et impartiaux pour que les victimes puissent bénéficier de la justice qui leur fait défaut.

Ce conflit qui se développe est, à grande échelle, une conséquence des résultats de la guerre civile précédente entre les « mouvements de libération », inaugurée dans les années soixante pour l’emprise sur l’État et menée alors essentiellement par le MPLA et le FNLA. C’est le MPLA qui a réussi à s’emparer du pouvoir en 1975, dont la violence [interrompue à l’occasion de plusieurs trêves après la fin de la guerre froide] ne s’est arrêtée qu’en 2002, avec la victoire militaire du MPLA sur l’UNITA. Le FNLA s’était retiré de la guerre dans les années quatre-vingt, quand l’UNITA est devenue le principal opposant politico-militaire du MPLA. En effet, depuis la fin de cette guerre (mais aussi pendant sa phase finale), tant le pouvoir politique que les biens publiques sont utilisés comme des butins de guerre aux mains des vainqueurs pour la création de richesse privée. Ce qui est en train d’engendrer le conflit généré par l’assaut vers le marché et vers la terre.

Il est important et pertinent de rappeler ici que la guerre civile entre Angolais a été initiée et poursuivie au nom de la « légitimité » idéologique d’une « révolution » générée par le MPLA. Une «révolution » qui appelait la fin du capitalisme en Angola et l’éradication de la domination impérialiste occidentale en Afrique.

Cependant, compte tenu de l’actuelle insertion économique et politique des dirigeants du MPLA, aux antipodes des postulats de ce processus révolutionnaire, cette « révolution » n’a pratiquement servi qu’à la création d’un parti-État super puissant, garant de l’absolutisme conquis. Et seule, dans une certaine mesure, la nécessité de fabriquer une farce « démocratique » pour sa préservation arrive à le mitiger.

Cette « révolution » a été aussi jetée à la poubelle de notre histoire, trahie par les ex « révolutionnaires » qui, eux mêmes, l’avaient imposée et continuent à imposer l’hégémonie du MPLA sur l’Administration de l’Etat. Cette hégémonie, héritage de la dictature du monopartisme constitutionnel du MPLA, est l’élément clé du maintien au pouvoir, dont les ex « révolutionnaires » [maintenant des capitalistes réactionnaires – « opprobre » que le MPLA utilisait pour désigner les capitalistes] auraient déjà du s’être débarrassés en la jetant à la poubelle de l’histoire, comme il l’ont fait avec la « révolution » qui l’a installée. Mais le parti-État n’est plus constitutionnel depuis 1991. Où en sommes-nous alors ?

Dans un absolutisme « révolutionnaire » mitigé par une « démocratie », ou dans une démocratie avec un Etat de droit de fait, formellement institué ? Qui peut décider de la mise en place de cet Etat de droit et comment ?

A ce rythme [tant au niveau national qu’au niveau international], il me paraît qu’une réorientation de la politique angolaise vers une situation qui freine vraiment l’évolution de l’endo-colonialisme en Angola ne peut avoir lieu que quand un autre février inscrira les noms de nouveaux héros dans l’histoire de la libération de l’Angola. Malheureusement, sur cela j’ai des doutes.

Sincèrement, je manifeste ce doute parce que, jusqu’à présent, l’impression que j’ai c’est que les protestations honnêtes et pacifiques des communautés lésées, associées à nos protestations ainsi qu’à celles d’entités non gouvernementales internationales, n’ont pas servi à grand chose. Par ailleurs, l’expérience – de ceux à qui le pouvoir de José Eduardo dos Santos accorde plus importance qu’à nous – nous a appris qu’il nous servira moins encore, après chaque nouveau coup, de continuer à apporter à l’Assemblée nationale, de façon angélique [comme l’a fait le député du MPLA, Lúcio Lara] « des morceaux de nous mêmes démolis et de les mouiller avec nos larmes » dans cette cathédrale de production d’apparences qui créent la fantaisie de la « démocratie angolaise pour montrer et plaire aux autres ».

M. dos Santos, lui même, a contribué directement à la fin de nos illusions quand [ tout en étant au moins honnête envers sa personne, même s’il montre qu’il ne se soumet pas à la loi] il a dit aux Angolaises, aux Angolais et au reste du monde que la démocratie et les droits de l’homme ne nourrissent pas quiconque. Cependant, il faut reconnaître que le régime endo-colonial, que dos Santos est en train de mettre en place, non seulement n’est pas une vue de l’esprit, mais ses incidences et revenus révèlent la cohérence de la pensée de José Eduardo dos Santos avec la pratique de ce régime.

A ce stade de l’oppression endo-coloniale, il ne nous reste qu’à rappeler à M. dos Santos – chefe-de-posto de la « Ferme Angola » - et à tous ses serviteurs et clients, que celui qui sème le vent récolte la tempête. Cependant, c’est aussi avec ma plus profonde conviction que j’exprime ici mon souhait que cette récolte ait lieu dans un septembre d’électeurs plutôt que dans un février de héros. Toutefois il me paraît que c’est la deuxième hypothèse que la gouvernance prédatrice de M. dos Santos semble semer. Après les élections législatives du 5 septembre 2008, il n’y a plus d’indicateurs sur l’avenir qui nous est réservé. Il nous faut de la patience, de la lucidité dans la perception de l’évolution du contexte, de l’intelligence et de la fermeté dans la prise de positions pour que nous puissions effectivement nous libérer avec l’urgence qui s’impose. ?

* Luiz Araujo est le Directeur SOS Habitat, une ONG angolaise. ? ?

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