Thomas Sankara et la nouvelle renaissance africaine
L’Afrique d’aujourd’hui est violemment patriotique, pleinement consciente du nouvel environnement mondial et prête à s’engager dans le commerce et le soutien des uns aux autres. La jeunesse d’aujourd’hui est violemment patriotique, panafricaniste et réagira. C’est l’Afrique de Sankara.
Alors que l’Afrique célèbre le cinquantenaire de la fondation de l’Organisation de l’unité africaine puis de l’Union africaine, nous devons remercier Pambazuka d’oser promouvoir la renaissance africaine et notre unité. Malgré nos différences de culture. Mais plus que cela, nous devons célébrer les héros et héroïnes africaines. Thomas Sankara a été porteur d’une des idéologies progressistes en Afrique de l’Ouest dans les années 1980, à un moment où les régimes militaires étaient à l’ordre du jour et que la jeunesse cherchait la pertinence dans les identités néocoloniales imposées par la contrainte.
Les écoles fermaient à un rythme rapide, le chômage était à son niveau le plus élevé, les centres sociaux pour la promotion des jeunes étaient inexistants et la mortalité maternelle était à son comble. La Banque mondiale et le Fond monétaire international (Fmi) avaient imposé leurs Programmes d’ajustement Structurel (Pas) qui conduisit à l’effondrement des économies africaines, à la perte d’emplois et aux troubles sociaux. A Londres, à Paris et dans d’autres capitales occidentales, les vieux briscards coloniaux époussetaient leurs tenues de safari afin de retourner en Afrique pour la recoloniser. Les Etats-Unis préparaient leur flotte de mort et de destruction pour intervenir dans les "conflits" africains. Le débat concernant la recolonisation de l’Afrique par les meneurs de l’opinion publique occidentaux et par les politiciens faisait rage, féroce et agressif.
Des dirigeants africains dynamique comme Jerry John Rawlings, Yoweri Museweni, Paul Kagame, Meles Zenawi, Aferworki en Erythrée et plusieurs autres, ont alors marché dans les pas des pères fondateurs de l’Afrique, cherché à inverser le déclin du continent et à construire des nations progressistes dans lesquels les droits des gens seraient respectés, où les différents groupes ethniques vivraient harmonieusement en paix, et un monde dans lequel les Africains seraient respectés et traités sur un pied d’égalité avec les autres nations. "Le dévelopementalisme" est alors devenu la nouvelle idéologie du jour. Les générations futures les jugeront, mais pour l’heure, célébrons leurs bonnes intentions.
On se souvient de Thomas Sankara pour ce qu’il a cherché à réaliser dans sa jeune et courte vie comme dirigeant de la Haute Volta, aujourd’hui le Burkina Faso. Qu’est-ce qui a fait de Thomas Sankara le héros de la jeunesse africaine ? Sankara était dévoué à l’indépendance de l’Afrique, comprenait le regard global posé sur l’Afrique et comment l’Afrique devait y réagir. Il était direct, honnête et brutal dans ses évaluations des relations entre l’Europe et l’Afrique. Il ne donnait pas la priorité au profit et à ses intérêts personnels au détriment de l’honneur et de la dignité de son peuple. Il disait la vérité aux puissants.
Sankara était violemment patriotique, aimait les humains et ne les abusait pas. Sankara était capable de mettre en relation la jeunesse de la diaspora et celle du continent et faisait appel à tous comme si ces jeunes vivaient dans le même village. Dans une large mesure, Thomas Sankara avait des vues progressistes et positives pour le futur du Burkina Faso et pour l’Afrique et croyait aux capacités des Africains à résoudre leurs propres problèmes, sans aller chercher les solutions à Paris, Washington ou Londres. Comme Patrice Lumumba, il n’a pas vécu pour récolter les fruits de ses efforts.
Il faut noter que le Burkina Faso et sa capitale Ouagadougou est l’un des plus anciens pays de l’Afrique de l’Ouest. Il a été le théâtre d’une renaissance intellectuelle et culturelle avant que la colonisation ne profane cette terre. A l’instar de Kwame Nkrumah au Ghana, de Julius Nyerere en Tanzanie et plusieurs autres, Sankara a cherché à restaurer la dignité et l’honneur de son pays, à instiller dans la jeunesse l’idéal de la solidarité, de la dignité et de l’honneur panafricains. Il était violemment en faveur de sa population, en faveur de son développement et estimait que la pauvreté était superflue, qu’il pouvait transformer le désert en riches terres agricoles. Il croyait en l’éradication de la pauvreté. Il croyait au pouvoir du peuple, en son honneur et en sa dignité en tant que peuple.
Sankara pontifiait longuement sur l’autosuffisance, l’autonomie et sur la capacité des Africains à surmonter l’adversité au milieu de la marginalisation et des abus coloniaux et néocoloniaux. Il rejetait aussi les états d’esprit néocoloniaux culturels.
La renaissance culturelle a toujours été soulignée par des gens comme Frantz Fanon, Aimée Césaire et d’autres auteurs de la diaspora africaine. Sankara l’a portée à un autre niveau pour mobiliser la jeunesse. Sankara croyait en la libération mentale des Africains parce que la colonisation a conduit à des états d’esprits qui parfois frisaient la haine de soi. Sankara a été le premier apôtre de la renaissance africaine, reprise et perfectionnée par l’ancien président Thabo Mbeki en Afrique du Sud.
Aujourd’hui, l’Afrique vit dans un optimisme renouvelé à l’égard du futur. De la richesse est générée à l’interne. Les économies africaines sont en croissance cependant que celles de l’Occident et de l’Europe s’effondrent comme des châteaux de cartes. Il est certain que l’Europe va mener une contre-offensive par la déstabilisation, le sabotage et la recolonisation culturelle. Ils seront obligés de trouver des ressources ailleurs comme ils l’ont fait avant l’ère coloniale. L’Afrique est dans leurs viseurs. Toutefois, l’Afrique d’aujourd’hui est loin de l’Afrique de 1884, lorsque les racistes coloniaux ont découpé l’Afrique comme un gâteau insuffisamment cuit. L’Afrique d’aujourd’hui est violemment patriotique, pleinement consciente du nouvel environnement mondial et prête à s’engager dans le commerce et le soutien des uns aux autres. La jeunesse d’aujourd’hui est violemment patriotique, panafricaniste et réagira
Qu’est-ce que Sankara aurait pensé de l’Afrique d’aujourd’hui ? Comme Jerry Rawlings au Ghana, Yoweri Museweni en Ouganda, Paul Kagame au Rwanda, et de nombreux autres dirigeants africains, il aurait rejeté la Cour pénale internationale (Cpi) comme une création néocoloniale engagée dans la "chasse raciale" des Africains, comme à l’époque de l’esclavage. Sankara aurait fait usage de son patriotisme pour soutenir le panafricanisme et la renaissance africaine et appelé à la libération totale de l’Afrique des donateurs occidentaux et leur variante de "réduction de la pauvreté". Sankara aurait soutenu le président Uhuru Kenyatta et sa nouvelle direction économique favorisant le commerce inter-africain et son projet de lap top pour les enfants africains. La crise persistante en République démocratique du Congo (Rdc), les insurrections en Ethiopie, les procès de dirigeants africains dans la Cour de justice à la Hayes, sponsorisée, menée par l’Occident et le manque de respect implicite pour les Africains, auraient grandement troublé Sankara .
Mais plus que cela, Sankara serait resté un authentique ambassadeur des intérêts de la jeunesse, des femmes et des enfants africains. Il était charismatique, honnête et direct, disait ce qu’il avait à dire et n’a pas plié devant les pressions des dirigeants occidentaux. Ce sont là les caractéristiques de la nouvelle génération d’Africains. Comme Steve Biko, Sankara a vécu et disait la vérité aux puissants.
L’Afrique en 2063 ne sera pas l’Afrique que nous voyons aujourd’hui. Elle sera riche, un continent indépendant plein d’optimisme, unie et prête à défendre ses ressources. C’est l’Afrique dont Sankara rêvait. C’est l’Afrique à laquelle nous devons parvenir. Nous devons célébrer cette merveilleuse Afrique, mais plus que cela, la jeunesse d’aujourd’hui doit incarner les aspirations, les orientations idéologiques, l’authenticité et être les Africains auxquels Sankara croyait.
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** Sakosablig Agun Mod – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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