Le grand développementalisme : Une note critique sur les Odm et les Odd en Afrique subsaharienne

Les idées et pratiques du développement durable qui viendrait après 2015 doivent être développées en relations avec les complexités des problèmes de développement dans les pays les plus pauvres et non être basées sur des agendas abstraits et des stratégies qui constituent un cadre universel.

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A l’aube du 21ème siècle, les efforts internationaux de développement se sont fondus dans le cadre des Objectifs de développement du millénaire (Odm). Les Odm sont une série d’objectifs ambitieux et de cibles nationales proposées et acceptées par l’Assemblée générale des Nations Unies en l’an 2000, afin d’éradiquer l’extrême pauvreté et la faim. Toutefois, un progrès significatif en direction de ces objectifs a été réalisé ou estimés aboutis dans certains pays, pendant que dans d’autres, en particulier en Afrique subsaharienne, le progrès est insignifiant ou estimé inexistant.

Cet échec est attribué à une variété de facteurs : des objectifs trop ambitieux et des attentes irréalistes (Clemens & Moss, 2005), une dépendance à l’aide au détriment de la croissance et de l’autonomie (Manning, 2010), le manque d’appropriation et d’engagement (Amin 2006 ; Ogunrotifa 2012), des capacités étatiques limitées et des insuffisances de gouvernance (Mishra 2004, et Oya 2011), le manque d’attention pour le développement durable (Sachs, 2012), les problèmes d’évaluation et de mise en œuvre (Fukuda-Parr & Greenstein), ainsi que l’absence de prise en compte des particularités nationales, des capacités et des niveaux de développement (Rippin, 2013).

Ces facteurs ne sont que les symptômes et non la véritable raison qui a miné les Odm en Afrique. Le problème fondamental associé aux Odm est la façon dont les objectifs, les cibles et les indicateurs ont été articulés dans le programme des Odm, la façon dont ils sont conçus, définis et formulés et qui sont en sévère contradiction avec la situation réelle du monde et ne reflètent aucunement la véritable situation sur le terrain africain.

Ceci est considéré comme du " grand développementalisme", la généralisation et le regard étriqué par lesquelles les questions de développement sont définies et conceptualisées et qui prennent la préséance sur le monde empirique. Ceci a toutefois des implications importantes sur les discussions internationales concernant l’agenda de développement post-2015, qui met l’accent sur l’intégration des chemins visionnaires indigènes et indépendants, des idées pour le successeur des Odm qui parviennent à leur terme (l’agenda de développement post 2015 et les objectifs de développement durable, Odd) qui sont actuellement en discussion.

QU’EST-CE QUE LE " GRAND DEVELOPPEMENTALISME" ?

Le terme de " grand développementalisme" a été forgé sur la base de la notion de Fétichisme conceptuel, formulé par C. Wright Mills dans son traité « Sociological Imagination » (1959). Mills argumente que l’empirisme abstrait perd de son impact sur la réalité sociale en mettant la priorité sur la méthode plutôt que sur les problèmes du monde empirique. La position de Mills est de dire que la grande théorie s’engage dans la fétichisation de concepts abstraits en lieu et place des véritables problèmes du monde empirique.

En d’autres termes, ce sont les concepts plutôt que les problèmes qui revêtent la plus grande importance pour les grands théoriciens. Toutefois, la grande théorie est particulièrement pertinente en raison de son implication dans le discours sur le développement. Le grand développementalisme est l’engagement dialectique de grande théorie qui va au-delà de ses attributions. Dans le grand développementalisme, les problèmes de développement sont conceptualisés sur la base de définitions générales et étroites, sans enracinement empirique adéquat, de sorte que les cadres conceptuels et les schémas sont établis sur une définition étroite du problème. Si la définition du problème est bancale, le schéma conceptuel, les variables et la méthodologie pour évaluer le problème et parvenir à une solution applicable sera aussi bancale, pendant que l’évaluation et la mise en œuvre du processus seront aussi problématiques.

Dans ce document, je définis le développement comme suit : résoudre les problèmes sociaux dont la population (citoyens) a fait l’expérience, selon sa perception et sa compréhension, de sorte à être acceptable au plan socioculturel et durable dans cet environnement. Cette définition tranche de façon aiguë avec le paradigme de développement centré sur l’Occident qui conçoit le Nord global comme "développé" et le Sud global comme "sous-développé". Ce qui signifie que le Sud doit être plus moderne et rattraper le retard sur le monde du Nord. Les agences internationales, (comme appendices de l’establishment impérialiste occidental) renforcent ce paradigme, en garantissant qu’elles contrôlent les aspirations du Sud global et redéfinissent leurs problèmes, priorités et réalités d’une façon qui n‘a rien à voir avec la réalité.

Le grand développementalisme a perdu tout contact avec la dimension sociale, culturelle et historique du développement des sociétés auxquelles il prétend apporter des solutions parce qu’il fonctionne à un haut niveau de généralité et de superficialité. Compte tenu du degré de généralité dans la définition du problème, le grand développementalisme crée des concepts appropriés pour des problèmes définis de façon étroite, pendant que les concepts auraient dû dériver du monde empirique. Ceci par conséquent occulte le problème spécifique et contextuel du développement qu’il s’efforce d’analyser et pour lequel il propose des solutions.

ODM : UNE FORME DE GRAND DEVELOPPEMENTALISME

Les Objectifs de développement du millénaire résultent du sommet du Millénaire aux Nations Unies, qui a eu lieu en l’an 2000. Mais l’origine des Odm remonte à plus loin dans le temps et quelques uns de ces principaux composants seront discutés ici. En fait il est important de décortiquer les Odm afin de pouvoir étayer leurs bases, compositions et essentiels.

Les Odm comprennent 8 objectifs, 18 cibles et 48 indicateurs. Ces objectifs devaient être atteints principalement en 2015, avec 1990 comme point de départ. Ils proviennent de "résolutions résultant de 23 conférences internationales et sommet tenus entre 1990 et 2005" (Rippin 2013). Ils ont été clairement élaborés par "un groupe inter agences d’experts pour les indicateurs des Objectifs de développement du millénaire, les experts provenant du Dac, de la Banque Mondiale, du Fmi et du Pnud". (Manning, 2009 ; cf Hulme 2009 et Hulme 2010)

Le développement, tel que compris dans les Odm, sont le reflet de l’approche néolibérale et de la modernisation qui cherche à renforcer l’hégémonie du modèle économique de l’Occident sur le Sud global ainsi que le discours dominant sur le développement. Les 8 objectifs, 18 cibles et 48 indicateurs formulés dans les programmes des Odm sont quantitatifs, dans leur nature, leur conception et leur apparence. Ils sont élaborés afin de pouvoir être évalué et mesuré par des statistiques. [1]

Le défaut le plus évident associé à l’approche quantitative est qu’il ne dit rien sur la situation de la vraie vie ou de la dimension subjective de l’environnement vital de la population, du contexte et des situations étudiées. Ces objectifs, cibles et indicateurs sont le parfait exemple et reflet du grand développementalisme parce qu’elles impliquent que la recherche sur le développement "commence avec une préoccupation pour les chiffres et les mesures qui sont élevées au-dessus des qualités spécifiques du monde empirique qu’elle tente d’analyser". (Gane 2012 : 154)

Les technocrates des diverses agences sont excessivement rigides en faveur de l’utilisation de méthodologies et de techniques, ce qui n’est pas faux en soi. Mais dans ce cas, cela implique l’imposition de techniques quantitatives à tous les aspects et dimensions des questions et problèmes de développement, sans considération de la spécificité des contextes et des exigences du monde empirique. Le genre de difficultés inhérentes aux Odm provient de leurs fondations philosophiques et méthodologiques qui sous-tendent la conception du programme lui-même. Les exemples de grand développementalisme tel que contenu dans les Odm sont illustrés ci-dessous :

REDUCTION DE LA PAUVRETE ET DE LA FAIM
Les objectifs et indicateurs utilisés pour définir, mesurer et aborder la pauvreté et la faim obscurcissent la nature de la réalité ou de l’expérience vécue de la pauvreté dans des pays en voie de développement. Les questions qu’il convient de poser sont : quelle est la nature de la pauvreté dans les différentes parties du Sud global (mais aussi dans le Nord global) ? La situation de pauvreté au Nigeria est-elle de même nature et du même niveau qu’au Bengladesh et au Vietnam ? Comment la pauvreté est-elle vue et définie par la population des pays en voie de développement ? Quelles sont les politiques qui engendrent la pauvreté ? La pauvreté laisse-t-elle les gens avec moins 1 dollar par jour ce qui est du critère global (1993 Purchasing Power Parity (PPP), ou plutôt quelles sont les dimensions culturelles, sociales, historiques et morales de la pauvreté ? Les cibles établies qui visent à réduire de moitié le nombre de personnes vivant avec moins 1 dollar par jour et la proportion de gens qui souffrent de la faim sont des critères généraux qui ne peuvent mesurer de façon adéquate la pauvreté et la faim. Voilà le danger du grand développentalisme

EGALITE DES GENRES ET LE POUVOIR DES FEMMES
La question du genre et du pouvoir octroyé aux femmes figure de façon proéminente dans le troisième objectif des Odm et ceci se recoupe avec l’instruction primaire en ce qui concerne l’égalité des garçons et des filles dans le domaine de la scolarisation. Toutefois, il n’est pas clair dans les Odm, quelle forme les genres vont prendre dans les pays en voie de développement. L’incapacité de comprendre comment les genres sont enracinés et formés dans la vie de tous les jours des différentes populations en différents endroits affectera les efforts déployés pour résoudre l’inégalité de l’accès à l’instruction et le pouvoir des femmes.

Les Odm n’ont pas réussi à capter de façon adéquate les contextes sociaux, culturels, et historiques qui sous-tendent et forment les genres dans les pays en voie de développement ainsi que le genre de pratiques qui cultivent l’inégalité dans les pays les moins développés. En fait, à défaut de se plonger dans la question des pratiques culturelles qui empêchent les filles de s’instruire et les politiques nationales qui promeuvent l’inégalité dans la scolarisation et la réussite scolaire, réaliser l’égalité des genres et donner du pouvoir aux femmes restera vague et irréaliste.

DURABILITE ENVIRONNEMENTALE
Les cibles les plus importantes pour atteindre la durabilité environnementale - ce qui est le 7ème objectif des Odm - doivent être intégrées dans les politiques nationales et globale : réduire de moitié les gens qui n’ont pas accès à l’eau potable et à des conditions sanitaires de base et améliorer les conditions de vie des résidents des bidonvilles. Les indicateurs pour y parvenir semblent irréalistes et impossible à mettre en œuvre. Ceci résulte du fait que les Odm n’ont pas pris en compte le faible niveau d’industrialisation, la contribution des émissions de carbone aux émissions globales et les politiques et programmes qui minent des provisions durables d’eau potable dans le Sud global.

La complexité inhérente aux réalités locales de la durabilité environnementale rend les cibles et les indicateurs impraticables. De plus, il est problématique que le monde occidental, qui est entièrement responsable pour les problèmes environnementaux auxquels le Sud global est confronté, n’est nullement mentionné dans ces objectifs, et plus remarquable encore, il ne lui est pas même demandé de diminuer ses émissions ou de rendre l’eau potable disponible en empêchant des compagnies comme Nestlé et autres de privatiser l’eau du monde ! Comme forme de grand développementalisme, les Odm n’abordent pas la question des politiques capitalistes qui créent les problèmes environnementaux dans le Sud global, lorsqu’ils parlent des problèmes de durabilité environnementale. Ceci indique que les cibles importantes pour les problèmes environnementaux du Sud global, en ce qui concerne les ODM, sont négligées cependant des objectifs irréalistes sont avancés

SOURCES DE FINANCEMENT NON FIABLES

La mise en œuvre des programmes et projets requiert un trésor de guerre garanti afin d’atteindre tous les objectifs et cibles. Pourtant, en ce qui concerne les Odm, il n’y a pas de plans financiers ou d’épargne spécialisée et de réserves internationales d’or pour atteindre les objectifs. Les moyens pour financer les mesures pour les Odm sont basés sur des promesses de dons et les engagements du Nord global.

L’engagement financier des pays du Nord global est conditionnels, la condition étant que les pays bénéficiaires opèrent ouvertement et de façon indiscriminée à l’égard du système commercial et financier global. C’est la signification de "partenariat global pour le développement". Cela signifie, en substance, que les pays les plus pauvres doivent participer au système néolibéral qui exige des pays bénéficiaires qu’ils ouvrent leur marché à tous les biens du Nord avant de pouvoir recevoir l’Assistance officiel de développement (Aod), de l’aide et des prêts et des annulations de dettes précédemment contractées. Ceci est non seulement problématique, parce que les pays donateurs peuvent faire l’expérience de crises financières et de récessions économiques et peuvent s’avérer incapables d’honorer leurs engagements et promesses financières. Ceci peut rendre futile les relations dépendantes de l’aide et mettre les Odm en péril. Compte tenu que la source du financement n’est pas basée sur l’importance du Pib dans les économies des divers pays, mais dépendent de l’aide étrangère comme principale source de financement, il n’y a pas de voie financière indépendante pour les pays en voie de développement qui veulent atteindre les Odm autrement que par l’Aod, l’annulation de la dette, de l’aide et des prêts comme présenté dans le 8ème objectif

EVALUATION, MISE EN ŒUVRE ET RENFORCEMENT DES ODM

Les déclarations du millénaire qui pavent le chemin pour l’endossement des Odm dans l’espace global ont été faites en l’an 2000, pendant que le fondement de sa mise en œuvre remonte à 1990. Techniquement, une période de 15 ans était prévue pour la mise en œuvre des Odm dans les différentes sociétés des pays les moins développés. Mais il n’est pas clair comment les Odm seraient mis en œuvre dans le Sud global au cours de cette même période. Les Odm produisent-ils les effets escomptés ? Y a-t-il des cibles pour chaque année ? Comment seront-elles atteintes ? Quel est le coût de ces objectifs ? Quelles sont les agences ou institutions chargées d’évaluer, de surveiller et de mettre en œuvre les Odm ? Les bénéficiaires des projets de développement font-ils part de leurs commentaires et évaluations des effets de ces projets ? S’ils le font, leurs voix sont-elles classées "indigènes" ou sont-elles traduites en des points de vue institutionnels ?

Pendant que dans certaines situations dans le Sud global, les mesures, évaluations et mises en œuvre sont prises au sérieux, l’incapacité dans d’autres situations de les prendre en considération constitue un problème pour mesurer le progrès et les prestations des Odm. De sorte que même "dans le cas de pays où il y a une accélération perceptible du progrès, il y a des doutes quant à savoir si cette accélération est le résultat d’un véritable engagement national ou plutôt un effort de "poudre aux yeux" afin de s’assurer le soutien des donateurs" (Rippin 2013 :19) le problème de l’évaluation et de la mise en œuvre fait des Odm une forme de grand développementalisme.

LE DEFICIT DE DURABILITE

La troisième critique vise l’immense déficit de durabilité des Odm. Le développement devrait être entièrement dédié à la satisfaction des besoins de la population et à l’amélioration de leur schéma existentiel. Le développement devrait répondre aux besoins ou aux demandes de la population et non ce que les gouvernements nationaux ou les institutions globales pensent que les gens nécessitent ou demandent.

Les Odm, résultant de la modernisation ou de l’idéologie néolibérale, ont été élaborés et présentés par les agences internationales comme étant "un développement véritable" ou des solutions légitimes aux problèmes de développement des populations des pays respectifs du Sud global. Mais en réalité, ils n’ont pas appréhendé les priorités et problèmes auxquels sont confrontés les populations dans ces contextes. La question de la durabilité s’enracine dans ce que la population demande et les gens sont au centre du développement durable. Les auteurs des Odm ne cherchent pas à savoir ce que les gens veulent vraiment et ils ont formulé et élaboré des objectifs sur la base de différentes hypothèses, consolidant ainsi la relation de pouvoir existante dans la structure globale du pouvoir.

La durabilité est directement liée à l’appropriation, la participation et aux relations de pouvoir. Le point central du développement durable indique que l’appropriation et la participation dans la conception et l’élaboration feront la promotion de la durabilité d’un tel projet. Je crois que la population protège et maintient des projets de développements qui émanent d’elle et qui s’intéressent à leurs besoins et souhaits. Les Odm sont affligés de déficit de durabilité parce qu’il n’y a pas de dispositions sur la façon dont la population fera perdurer les projets qui lui sont destinés.

UNE NOTE SUR LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLE PROPOSES (ODD)

Les Nations Unies et d’autres agences internationales de développement sont entrain de plancher sur l’agenda de développement post 2015. Suite à la conférence de Rio des Nations Unies, (2012) un Open Working Group a été établi afin de développer une série d’objectifs de développement durable qui sera intégré dans l’agenda de développement des Nations Unies après 2015. [2]

Dès l’esquisse des propositions des Odd, il était déjà clair que les prémisses qui sous-tendent le développement demeurent inchangées. Le paradigme du développement est toujours une affaire, qui va de haut en bas, impliquant que le Sud global est incapable de faciliter son propre développement sans assistance extérieure et cherchent à promouvoir des relations dépendantes de l’aide. Les Odd impliquent la notion que les pays respectifs du Sud global sont incapables de conduire et de générer leurs propres initiatives de développement.

Les propositions des Odd, comme programme de développement, sont fondées sur la modernisation et l’approche néolibérale qui servent de critères pour orienter et mandater les agences internationales comme uniques dépositaires des solutions "légitimes de développement" et qui garantit un développement sur la voie rapide dans le Sud global vers le développement du Nord global, sans devoir passer par les circonstances historiques et les processus de ce dernier.

L’imposition de ces stratégies de développement et de ces idées au Sud global est la base du grand développementalisme parce que les populations du Sud global ne sont pas autorisées à contrôler la destinée de leur développement et définir leurs problèmes et priorités en relations à leurs réalités locales. Ceci empêche le Sud global de se développer à son propre rythme, selon ses capacités et réalités.

Ce qui est douteux dans ce programme, c’est la façon dont les différentes priorités et réalités nationales sont prises en considération. Les Odd fixent des objectifs globaux pour mesurer le développement, avec les auteurs des Odm, supposant que les objectifs et cibles sont des solutions légitimes aux problèmes de développement auxquels sont confrontés les pays respectifs du Sud global et auxquels ces derniers n’objecteront pas. Ce qui sera problématique dans les odd proposés est que la définition des problèmes de développement et des priorités seront élaborés dans une capitale du Sud global où "les politiques sont ainsi bureaucratisées et dépolitisées par des pratiques de "bon sens" comme la planification et les stratégies". (Escobar 1991 : 667) qui sont étrangères à la situation politique et sociale ou ont dérivés de mouvements de la base.

Troisièmement, les Odd sont les Odm réchauffés en matière de financement. D’immenses projets et de programmes de développement implicites dans les Odd requièrent un financement assuré pour qu’ils puissent voir le jour. Pour l’instant, la manière dont se présentent les financements garantis, les épargnes spécialisés et les réserves d’or pour la réalisation des Odd n’est pas claire. En outre, il reste à voir si la troisième conférence sur le financement en juillet 2015 [3] clarifiera la situation.

Enfin, la notion de "durabilité" est vague dans le document des Odd. Quelles sont les relations sociales avec la base impliquée dans l’élaboration, la planification et la mise en œuvre des projets de développement ? Quel genre de relations de pouvoir les Odd favorisent-ils ou érodent-ils ? Le nœud du problème dans les Odd proposés est que la notion de développement, tel que formulée dans les documents des agences internationales, privilégie la définition institutionnelle et bureaucratique du problème au détriment des problèmes véritables tels que perçus dans le contexte local.

La durabilité est absente des Odd parce que les populations du Sud global ne sont pas le moteur, ni ne sont au centre de ces initiatives de développement durable et ainsi ils sont incapables de faire perdurer des projets de développements qui ne sont pas leur propre création.

CONCLUSION VERS UN AGENDA DE DEVELOPPEMENT POST 2015

L’argument que le Sud global est confronté à des problèmes peut être généralement vrai, mais les problèmes ne sont pas compris et définis dans le contexte des situations et des réalités quotidiennes dans les pays concernés. Par conséquent, il est important de ne pas faire de déclarations générales sur le développement, mais de les concrétiser en relation avec les contextes et les situations où ils sont supposés être mis en œuvre. Aussi bien les Odm que les Odd, en tant que cadre universel pour les pratiques du développement global, n’ont pas envisagé comment ce problème général s’exprime dans les divers pays. Ainsi, il est important d’éviter les déclarations générales sur le développement, mais de les concrétiser dans le cadre du contexte et de la situation où ils sont mis en œuvre. Aussi bien les Odm que les Odd, comme cadre universel et général du développement global, n’ont pas pris en compte la façon dont le problème général trouve son expression dans les pays concernés

En ce qui concerne les discussions sur l’agenda post 2015, un processus participatif doit de toute urgence être mis en place. Il doit commencer avec la recherche effectuée à la base où des militants locaux, des anthropologues, des sociologues et des Ong sont engagés à définir les véritables problèmes de développement auxquels est confrontée la population et à identifier les solutions durables. Le processus participatif doit tendre à une consultation nationale lors de laquelle les politiciens, les économistes et les experts du développement s’engagent dans des débats, délibérations et discussions à propos des résultats des recherches de la base sur le développement. Par ce moyen participatif, la capacité nationale, les caractéristiques économiques (par ex. le Pib) et l’état financier du pays seraient pris en considération et formulés en terme de priorités nationales, de cibles et d’indicateurs pour la réalisation des objectifs nationaux de développement. Suite à quoi, une consultation thématique entre les gouvernements nationaux et les institutions globales devrait être facilitée. Ceci garantirait que d’importants objectifs de développement nationaux, avec des cibles différentiées qui reflètent le cadre des objectifs universels, dérivent du processus participatif.

Deuxièmement, une commission indépendante pour le développement devrait être mise sur pied par l’Assemblée générale des Nations Unies dans chaque pays signataire de l’agenda du développement post 2015. Cette commission devrait pouvoir assumer ses responsabilités de façon indépendante, sans ingérence sauvage de la part des gouvernements ou des institutions internationales. Cette commission devrait inclure des militants locaux et des Ong, des responsables gouvernementaux nationaux, des chercheurs locaux, des experts du développement, un représentant du Pnud et un représentant des institutions internationales.

La commission devrait se préoccuper des questions du financement global, du déboursement des fonds, du monitoring, de l’évaluation et de la mise en œuvre des projets de développement. La commission devrait aussi s’assurer que les fonds vont vers les projets approuvés, que les projets sont exécutés selon des standards reconnus et reflètent le coût réel des projets. Lors de l’évaluation des projets, la commission devrait développer ses propres critères pour mesurer le degré d’achèvement d’un objectif de développement particulier. Ceci permettrait de mettre en échec la triste réalité des Etats dont les institutions sont faibles, où la corruption et la malgestion minent la performance des Odm, particulièrement en Afrique subsaharienne.

Enfin, un réexamen de fond en comble du financement global du développement, d’une relation de dépendance à l’aide (dépendance excessive de l’Aod comme prévu par les Odm) à une fiscalité domestique raisonnable est nécessaire. Ceci permettra aux pays les plus pauvres de trouver des chemins financiers indépendants pour mener à bien des projets de développement à leur propre rythme et selon leur degré de développement. Plutôt que de dépendre des agences donatrices et des institutions internationales pour mettre en œuvre tous les objectifs de développement, le fossé entre les possibilités fiscales d’un pays et les priorités nationales peut être comblé par l’annulation de la dette, l’Aod et l’aide financière des institutions internationales.

Pour conclure, les idées et pratiques du développement durable qui viendrait après 2015 doivent être développées en relations avec les complexités des problèmes de développement dans les pays les plus pauvres et non être basées sur des agendas abstraits et des stratégies qui constituent un cadre universel. Ceci intégrerait les points de vue du Nord et du Sud global dans un processus participatif qui conduirait à l’élaboration d’un nouvel agenda qui refléterait une situation gagnant/gagnant, dans laquelle "des engagements stratégiques de mobilisation locale avec le discours global et du discours local avec les structures globales de pouvoir" comme l’a brillamment formulé Cooper (1997 : 85), sont enracinées.

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** Maurice Oudet Service d'Edition en Langues A. Bayo Ogunrotifa, Université d’Edimbourg ([email protected]) - Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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**** Les opinions exprimées dans les textes reflètent les points de vue des auteurs et ne sont pas nécessairement celles de la rédaction de Pambazuka News

NOTES
[1] The 8 goals with their targets and indicators are listed here: http://bit.ly/1J9Fe9x

[2] http://www.un.org/esa/ffd/overview/third-conference-ffd.html

REFERENCES

Amin, S. (2006): “The Millennium Development Goals: A Critique from the South.” Monthly Review, March 2006, accessed January 6, 2015, http://bit.ly/1EHjWIs

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Clemens, M.A., Kenny, C.J & Moss, T.J. (2007): ‘The Trouble with the MDGs: Confronting Expectations of Aid and Development Success’.World Development, 35 (5): 735–751,

Cooper, F. (1997): Modernizing Bureaucrats, Backwards Africans, and the Development Concept in Cooper, F. & Packard, R. (eds) International development and the Social sciences: Essays on the History and Politics of Knowledge. Berkeley: University of California Press

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Fukuda-Parr, S. & Greenstein, J. (2010): How should MDG implementation be measured: faster progress or meeting targets? Centre for inclusive growth working paper 63. Accessible at http://www.ipc-undp.org/pub/IPCWorkingPaper63.pdf

Gane, N. (2012) ‘Measure, value and the current crisis of sociology’. The Sociological Review, 59(S2) 151-173.

Hulme, D. (2009): The Millennium Development Goals (MDGs): a short history of the world’s biggest promise, BWPI Working Paper 100, 2009

Hulme, D. (2010): Lessons from the making of the MDGs: human development meets results-based management in an unfair world, IDS Bulletin 41(1), 15-25

Manning, R. (2009): Using indicators to encourage development: lessons from the Millennium Development Goals, DIIS Report

Mills, C.W. (1959): The Sociological Imagination. Harmondsworth: Penguin.

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