La rupture des négociations à l’OMC est bénéfique pour l’Afrique ; bénéfique pour les femmes

La rupture des négociations de l’OMC à Doha est bénéfique pour l’Afrique et pour les femmes. Elle représente une opportunité pour se distancer du mythe que les négociations de Doha sont des discussions en faveur du développement. Rien n’est plus éloigné de la vérité. Dès le début, l’objectif des pays développés était d’obtenir des pays en voie de développement de plus grandes ouvertures de leur marché tout en faisant des concessions minimales. Evoquer le développement était totalement cynique.

La rupture des négociations est un tournant pour l’Afrique qui peut ainsi contribuer à développer un système de commerce multilatéral centré sur le développement de l’Afrique, les droits de la femme et du développement durable.

Au cours du mois de juillet, en prévision de la réunion du 27-28 juillet du Conseil général de l’OMC, une opération de sauvetage de grande envergure a été mise sur pied afin d’éviter l’échec des négociations de Doha. L’effort le plus éminent a eu lieu à St Petersbourg où les chefs d’Etat des économies les plus puissantes ont lancé un appel pour l’aboutissement des négociations de Doha, les dépeignant comme « une opportunité historique de générer de la croissance, de créer du potentiel pour le développement et d’augmenter le niveau de vie dans le monde entier ».

La rupture des négociations de Doha offre à l’Afrique une opportunité unique de revoir et de reconsidérer le système commercial multilatéral dans son entier et d’initier une approche nouvelle du système de commerce global qui doit promouvoir la justice sociale et des genres, la protection de l’environnement et conférer du pouvoir aux femmes. Cette rupture offre aussi à l’Afrique un répit qui lui permet de récupérer son espace politique confisqué au cours du processus de négociation.

L’Afrique peut dénoncer l’hypocrisie des politiques commerciales bancales dans le domaine agricole. Même si les Etats-Unis avaient accepté les termes du compromis proposé par le directeur général de l’OMC, qui préconisaient une diminution des subside à leur agriculture, il leur aurait toujours été possible d’allouer des subsides pour le montant colossal de 20 milliards de dollars.

De même, si la Communauté Européenne avait accepté de réduire graduellement les subsides à l’exportation, il lui serait resté la possibilité d’octroyer 55 milliards d’Euro sous une autre forme d’aide à l’exportation. En échange de leurs concessions minimales, les USA et la Communauté Européenne et d’autres pays développés tel le Japon, exigeaient des droits de douanes drastiquement réduits pour leurs produits agricoles d’exportations vers l’Afrique et d’autres marchés de pays en développement.

Si ces discussions avaient abouti, ces conditions bancales auraient contraint les pays africains à couper les subsides à l’agriculture les empêchant du même coup de maintenir la sécurité alimentaire. Ceci est la recette pour une famine massive et la menace d’une paupérisation accrue pour des millions d’Africains

L’impasse actuelle est le fait des pays développés, principalement les USA, qui ont refusé ou n’ont pas pu réduire substantiellement les subsides à l’agriculture. La rupture des négociations de Doha génère une dynamique qui permet à l’Afrique de revoir les négociations passées et d’analyser les défaillances du système de l’OMC dans son entier. L’approche des systèmes commerciaux multilatéraux du courant néo-libéral actuel subordonne les besoins des hommes et des femmes africains aux intérêts des grandes compagnies.

Le biais des négociations de Doaha sert les intérêts particuliers des plus grandes compagnies au détriment de la majorité des Africains. Des études récentes de la Banque Mondiale et d’autres institutions comme la Carnegie Endowment Centre, mettent en évidence que le programme actuel de libéralisation du commerce ne sert pas la majorité des hommes et des femmes qui vivent dans des pays africains pauvres et que particulièrement les femmes tendent à être le plus vulnérables à ses effets pervers.

Le commerce peut être un moyen de développement,mais la libéralisation du commerce n’est pas la panacée pour le développement, l’éradication de la pauvreté et l’égalité des genres. L’heure est venue pour l’Afrique de prendre l’initiative et d’entreprendre une approche nouvelle des systèmes commerciaux multilatéraux afin qu’ils assurent la promotion de sociétés équitables et viables, l’égalité des sexes et qu’ils bénéficient à tous les hommes et à toutes les femmes.

A cette fin, les politiques commerciales internationales doivent être contenues et les traités internationaux qui promeuvent les Droits de l’Homme, la protection de l’environnement et la dignité humaine doivent être respectés. Elles doivent viser l’élimination de la pauvreté et promouvoir le bien-être.

Les politiques commerciales ne peuvent être dictées plus longtemps par les intérêts des grandes multinationales. Les négociations futures dans le cadre de l’OMC ne doivent pas éroder les engagements des gouvernements en faveur du droit national et des conventions des Nations Unies.

Notes :

1) Une série de rapports dévastateurs sur les issues potentielles des négociations de Doha ont été publiés par la Banque Mondiale, les Nations Unies et différents centre d’études et de recherche, dont le document de Kym Anderson et Will Martin et al « Agricultural trade reform and the Doha development agenda » (Rapport de la Banque mondiale Nov.1 2005)
2) « Winners and losers : impact of the Doha round on developping countires » Sandra Polaski (Carnegie Endowment for International Peace, Washington DC, 2006)
3) « Global overview trade sustainability assessment of the Doha development agenda » in the EU final draft report

* Mohau Pheko est co-ordinatrice du Gender and Trade Network. Pour d’avantage d’informations veuillez écrire à : [email][email protected]

* Cet article a d'abord paru dans l'édition anglaise de Pambazuka News n° 268. Voir :
www.pamabazuka.org