Comprendre les négociations sur le changement climatique
Alors que les négociations sur les changements climatiques s’intensifient en vue du COP 17 à Durban, en Afrique du Sud, les pays développés font de gros efforts pour saboter le processus engagé par les Nations Unies et les mesures qui pourraient sauver la planète de l’abysse, écrit Lim Li Lin.
Il y a deux traités principaux dans les négociations sur le changement climatique : d’abord la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (UN framework Convention on Climate Change - UNFCCC) qui faisait partie du paquet de traités environnementaux adoptés à Rio en 1992 et entrés en vigueur en 1994, puis le Protocole de Kyoto, lié à l’UNFCCC et adopté en 1997. Le traité de Kyoto est entré en vigueur en 2005
Un aspect important de ces traités tient au fait que ce sont des traités multilatéraux sous l’égide des Nations Unies, avec deux organes subsidiaires, le Joint Implementation Committee (JIC) et le Scientific and Technological Committee (STAC), qui soutiennent le traité de Kyoto et le UNFCCC. De plus, il existe une Conference of the Parties (COP) qui est l’organe de décision suprême de l’UNFCCC. Tout comme le traité de Kyoto a aussi un organe suprême connu sous le nom de COP MOP (meeting of the partie). Les organes subsidiaires (JIC et le STAC) appuient les deux organisations et, parfois, lorsque l’une des parties souhaite déplacer un sujet, elle le remet à ces organes.
Les principaux thèmes traités par l’UNFCCC sont l’atténuation - aussi bien pour les pays développés (Pays de l’Annexe 1) pour que les pays en voie de développement (pays non Annexe 1), l’adaptation, les finances et le transfert de technologie.
Un des principes-clé dans ce domaine consiste à poser les fondations pour une responsabilité commune et équitable, quoique différenciée. Ceci en raison du fait que les pays de l’Annexe 1 portent une plus grande responsabilité que les autres, dans le domaine du changement climatique et ont donc des responsabilités différentes quant aux mesures à prendre. C’est le marché qui a été conclu à Rio et la raison pour laquelle les pays développés sont supposés être à l’avant-garde des actions concernant le changement climatique.
Un autre principe reste la promotion du développement viable et son intégration dans les programmes de développement viable nationaux. Il aborde aussi la question du système économique international et touche à un élément-clé par rapport au changement climatique : si les pays doivent se résoudre à se diriger vers un niveau réduit ou zéro d’émissions de carbone, les économies et le développement économique pourraient en être affectés. D’où la grande peur pour l’économie et la compétitivité économique.
Les pays qui s’engagent doivent revoir leurs législations afin de s’assurer de la réduction des émissions de carbone. Ceci peut aussi nécessiter que ces pays mettent en place des législations nouvelles qui obligent les industries à produire des biens plus écologiques. Ceci a un coût, d’où l’argument selon lequel les pays qui ne prennent pas de telles mesures sont avantagés.
L’atténuation repose sur deux branches : l’atténuation de l’Annexe 1 et l’atténuation des pays non Annexe 1 qui sont traités dans le Protocole de Kyoto. Un Protocole qui requiert que les pays développés diminuent leurs émissions de carbone pour une quantité X. Dans le premier engagement pour la période 2008-2012, ce chiffre se montait seulement à 5% pour tous les pays de l’Annexe 1. Des engagements individuels existent pour des pays de l’Annexe I de l’Union européenne, le Japon, la Russie, etc. Ceux-ci varient, mais ensemble ils se montent à environ 5% par apport aux émissions de carbone de 1990.
Les pays vont maintenant négocier la deuxième période d’engagement qui commence en 2013. Une négociation qui comporte aussi une date d’échéance et des objectifs en termes de réduction d’émissions. Jusque-là ceci s’est avéré être la pierre d’achoppement des négociations.
La discussion ici porte sur le délai qui s’installerait si les parties ne peuvent se mettre d’accord d’ici 2013. Si les négociateurs n’adoptent pas de mesure à Durban, en décembre 2011, le monde connaîtra probablement un "trou". Car même si on parvient à un accord à Durban, cela ne laissera qu’une année pour qu’il entre en vigueur. Or le processus de ratification prend habituellement quelques années.
Pour la deuxième période d’engagement, de nombreuses propositions sont sur la table :
- le groupe africain demande une réduction des émissions de carbone de 40% d’ici à 2020, alors qu’à Copenhague il en demandait 45% ;
- Les petits Etat insulaires et les pays les moins développés ont constamment demandé une réduction d’au moins 45% d’ici à 2020 ;
- La Bolivie et d’autres pays, y compris le Venezuela, la Malaisie et, à l’époque, l’Ethiopie, ont demandé des réductions de 49 % puis, plus tard, de 50% et ont précisé que celles-ci devaient être des réductions domestiques sans compensation. Ceci pour la période de 2013-2017.
Le contraste entre ces demandes et les concessions des pays développés éclairent mieux l’image globale qui se présente. L’addition des promesses globales – les Etats Unis non compris - se montent approximativement à 17-25 %. Ce qui est bien loin des 40-50%. Si la réduction des émissions de carbone des Etats-Unis est intégrée dans ces chiffres, le résultat final peut donner une augmentation de 6% et une diminution de 16%.
Une clause du Protocole de Kyoto permet une certaine flexibilité ou l’usage de mécanismes mercantiles comme l’échange des émissions de carbone et le mécanisme du Développement propre (Clean Development) pour remplir ses obligations. Ceci permet aux pays développés d’atteindre leur objectif de 5% à l’extérieur de leurs frontières, car pouvant payer pour des projets dans des pays en voie de développement et utiliser leurs crédits pour atteindre l’objectif fixé.
Le Protocole de Kyoto a aussi des règles contraignantes et très strictes sur la façon de rendre compte, mais aussi les méthodes comptables et les mesures prises pour s’y conformer. Ceci n’a pas encore été pleinement réalisé parce que la période d’engagement n’est pas achevée. Il reste donc à voir dans quelle mesure le système a réellement été respecté. Du moins sur le papier, c’est là l’une des mesures les plus contraignantes dans le cadre des accords concernant l’environnement.
En 2007, à Bali, les parties se sont essentiellement mises d’accord sur le Plan de Bali qui prévoit deux pistes de négociations. La première se tiendrait dans le cadre d’un groupe de travail ad hoc du Protocole de Kyoto et concerne les prochains engagements sous l’égide du Protocole de Kyoto pour la seconde période d’engagement qui commence en 2013. La nouveauté issue de la conférence de Bali est le Groupe de travail ad hoc sur les actions de coopération à long terme"(AWG-LCA) établie sous l’égide de UNFCCC. Son mandat est de renforcer l’application de la convention sur le climat.
Les deux voies sont supposées conduire à des résultats différents, quoique le groupe de travail ad hoc n’a jamais réussi tout à fait à se mettre d’accord sur ce que ce résultat devrait être. Donc il pourrait être tout et son contraire. Il reste à décider si ceci sera formulé lors des décisions du COP ou prendra la forme d’un nouveau protocole. Un nouveau protocole serait un nouvel instrument légal international contraignant. Une décision du COP n’est pas exactement aussi contraignante qu’un traité. Toutefois il est contraignant dans son application.
Il y a une large désinformation selon laquelle le Protocole de Kyoto prend fin en 2012. Cela relève d’une désinformation délibérée, répandue par les pays développés qui ne veulent pas du Protocole de Kyoto. Ils parlent de "post Kyoto", insinuant ainsi que ce texte a une durée de vie limitée et que les parties auront besoin d’un nouveau traité afin de le remplacer. Ceci est simplement faux.
Le Protocole de Kyoto ne va pas s’achever. Seule la première tranche d’engagement arrive à son terme en 2012, tout le reste demeure en place. Lorsque la première tranche d’engagement se termine, les pays sont légalement obligés de négocier une deuxième période et c’est ce à quoi ils ont été occupés depuis 2005.
Pourquoi cette désinformation a-t-elle été répandue ? Simplement parce que les pays développés ne veulent pas du Protocole de Kyoto. Derrière l’idée de le "tuer" et d’avoir un seul accord, il y a en substance la volonté d’annuler la distinction entre pays de l’Annexe 1 et les autres pays et d’abolir le principe de responsabilité commune mais différenciée.
Les Etats-Unis constituent l’autre problème. Ils ont refusé de participer au Protocole de Kyoto et ont pris l’autre direction. Or ce pays est le plus gros émetteur de carbone de l’Histoire et, aujourd’hui, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre per capita. Donc les Etats Unis constituent un grand problème alors qu’ils ne participent pas au Protocole de Kyoto. Certains pays de l’Annexe 1 veulent aussi que certains des pays qui ne figurent pas dans cette annexe y figurent dorénavant et acceptent davantage d’objectifs légalement contraignants. Ce qui sous-tend toute l’idée, c’est de se débarrasser d’un système d’objectifs internationaux contraignants au profit d’engagements, un processus d’évaluation et des nouveaux mécanismes de marché. Tout bien considéré, ceci serait fâcheux.
Le problème fondamental est que si un nouveau traité existait, rien n’empêcherait des pays comme la Russie ou le Japon de choisir d’avoir des obligations moindres que celles prévues par le Protocole de Kyoto, surtout si les Etats-Unis deviennent partie au traité.
Ce que la société civile déteste particulièrement dans le Protocole de Kyoto, ce sont ses mécanismes de marché. De nombreux groupes ont mené campagne contre le Protocole de Kyoto pendant des années, en raison de ces mécanismes mercantiles qui doivent être repoussés et éliminés. Il ne devrait point y avoir de nouveaux mécanismes mercantiles, mais sous le couvert des nouvelles négociations avec l’AWG-LCA les pays de l’Annexe I essaient déjà de faire passer tous les mécanismes de marché contenus dans le Protocole de Kyoto dans un nouveau traité.
Nous devons être conscients de cette dynamique et être vigilants afin de nous assurer que nous ne sommes pas en train de créer un nouveau bateau qui permet aux pays développés de s’échapper. De même, il ne doit pas être permis aux mécanismes mercantiles de migrer vers une autre voie de négociation. Au final, il est possible que les pays en voie de développement requièrent un processus à l’intérieur du COP MOP afin de revoir et de tenter d’éliminer les mécanismes mercantiles.
* Lim Li Lin est expert juridique à Thirld World Network (TWN) – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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