Vivre comme réfugié Lgbt et requérant d’asile en Afrique du Sud
Trois récits, trois histoires personnelles qui illustrent comment la discrimination xénophobe et homophobe connaît une escalade et finit par réprimer et opprimer. Ces récits sont adaptés d’entretiens réalisés dans le cadre de témoignages.
Ils sont parti en quête d’un sanctuaire, de paix, de la fin d’une discrimination interminable dans leur propre pays. Abandonnant famille, amis, amants de nombreux réfugiés et requérants d’asile Lgbt essaient de se refaire une vie en Afrique du Sud, un pays doté des lois les plus progressistes du continent africain contre la discrimination. Toutefois, les réfugiés et requérants d’asile Lgbt se trouvent souvent en bute à de nouvelles menaces, résultant d’une homophobie et d’une xénophobie généralisée.
Trois récits relatent ci-dessous leur expérience dans leurs propres mots. Ces histoires personnelles illustrent comment la discrimination xénophobe et homophobe escalade et finit par réprimer et opprimer. Ces récits sont adaptés d’entretiens réalisés dans le cadre de l’élaboration d’un rapport
(http://leitnercenter.org/files/2013_Leitner_SouthAfricaLGBTreport.pdf"> sur l’injustice économique à l’endroit des refugiés Lgbt et les chercheurs d’asile, par le Walter Leitner International Human Rights Clinic, au Leitner Center for International Law and Justice et People Against Suffering, Oppression and Poverty, une organisation caritative sud-africaine qui plaide pour les réfugiés et les chercheurs d’asile.)
Tous les noms ont été changés pour des raisons de sécurité
TABIA
« J’ai été violée, assaillie et menacée depuis que j’ai reçu l’asile en Afrique du Sud. Lorsque je suis arrivée, j’ai vu comment mes amis ouvertement homosexuels et lesbiennes étaient horriblement traités dans la rue et j’ai donc décidé de changer ma façon de m’habiller et de me présenter. Lorsque j’étais moi-même, tous mes problèmes ont commencé.
Dans la rue, les gens m’interpellaient en lançant "kwere kwere" (un terme péjoratif pour les étrangers en Afrique du Sud). Ils menaçaient de me battre pour "leur avoir pris leur copine". Une fois, deux hommes m’ont suivie, moi et ma copine, à la sortie d’un bar et nous ont battus. "Vous volez toutes nos femmes" criaient-ils tout en me donnant des coups de poing. "Nous allons vous apprendre comment être une véritable femme !"
Une autre fois, quatre hommes m’ont attaquée, moi et trois copines avec qui j’étais. Après m’avoir battu jusqu’au sang, un des hommes m’a tiré dans un chemin sombre et m’a violée jusqu’à ce que je m’évanouisse presque de douleur. Il m’a abandonné à mon sort. Lorsque j’ai porté plainte, la police se moquait de moi et m’a demandé pourquoi j’étais dehors de nuit. Ils n’ont jamais trouvé les agresseurs.
Eviter les agresseurs et les quartiers dangereux est particulièrement difficile parce que je n’ai jamais eu d’emploi formel. Personne ne m’emploie parce que je suis réfugiée. Lorsque quelqu’un est prêt à m’employer, c’est pour un salaire injuste, en dessous de celui des autres travailleurs. Parfois, lorsque je trouve du travail, le harcèlement est insupportable. Mais lorsque je travaille pour mon propre compte en vendant des CD ou en faisant du ménage, je ne peux joindre les deux bouts. Raison pour laquelle je dois vivre avec trois autres personnes dans une seule pièce. Souvent je ne peux avoir d’invités et mes voisins ne font que commérages à l’égard de mes colocataires et de moi-même. Mais si je ne vis pas là, je n’aurais pas même un toit sur la tête. J’ai été sans domicile des jours et des semaines. Presque n’importe quoi est mieux que d’être dehors dans ces rues dangereuses, vulnérables aux attaques.
En Afrique du Sud, les lois sont en notre faveur mais la réalité est une grande déception. La discrimination a vraiment un prix : on se sent petit et on se désintéresse. Peut-être que c’est inutile de continuer à revendiquer nos droits parce que nous n’obtiendrons jamais ce pour quoi nous luttons. On ne sait jamais ce qui va arriver le lendemain. »
JEREMY
« J’avais ouvert ma propre épicerie et il semblait que tout allait très bien. Après avoir été appelé constamment "kwere kwere" dans mon emploi précédent et là où j’habitais, j’avais finalement une entreprise prospère et un foyer établi. Tout cela a changé lorsque certaines personnes dans ma communauté ont découvert que j’étais homosexuel. Ils ont mis le feu à mon magasin pendant que j’y dormais et j’ai juste réussi à sauver ma vie. En une nuit j’ai tout perdu : tout mon argent, toutes mes possessions et mes documents de réfugiés.
« Depuis que j’ai fui en Afrique du Sud, j’ai compris que de rester dans un même endroit pendant trop longtemps pouvait être dangereux, en particulier si vous êtes ouvertement homosexuel ou séropositif. Si je veux survivre, je dois constamment me déplacer, cacher qui je suis et éviter les immigrants de mon pays qui sont très homophobes
« Après que j’aie perdu mon magasin, j’ai dû aller au Cap pour échapper à la discrimination. J’ai réussi à trouver un emploi dans une autre épicerie, mais lorsque mon patron a découvert mon vrai nom et que j’étais homosexuel, il m’a immédiatement licencié. J’ai réussi à garder mon emploi dans un restaurant indien en cachant à mon patron mon homosexualité et ma situation concernant le Vih. Mais après quelque temps j’ai eu le sentiment de vivre un mensonge. J’ai dû clarifier la situation et mon patron m’a licencié en raison du Vih.
« Fort heureusement, j’ai maintenant trouvé un emploi stable dans un restaurant qui m’accepte pour ce que je suis. Mais je dois constamment être sur mes gardes. Je ne peux aller dans certains endroits ou être associés avec certains groupes. Il n’y a vraiment pas de répit pour la peur et le harcèlement ici. »
FATOUMATA
« Lorsque j’ai révélé la vérité à ma famille, ma mère a essayé de me tuer. C’est là que j’ai compris que je devais quitter mon pays. Je vivais avec ma copine à ce moment-là et nous avons dû vendre tout ce que nous possédions pour pouvoir acheter nos billets d’avion pour le Cap en Afrique du Sud. Nous savions que l’homosexualité était légale ici et c’est la raison pour laquelle nous sommes venues. Nous avions cru que nous serions à l’abri de la discrimination. Avant même d’arriver au Cap, nous avons compris que nous avions fait une erreur de jugement sur ce pays.
Notre voyage comportait une escale à Johannesburg et nous avons passé la nuit à l’aéroport. Pendant que nous y étions les gens nous regardaient de travers et nous insultaient ma copine et moi. Depuis que nous sommes au Cap la situation n’a fait qu’empirer. Dans la rue nous sommes menacées. Dans les restaurants nous sommes harcelées. Au foyer où nous vivons nous sommes menacées. Nous ne sommes en sécurité nulle part et parfois on a le sentiment que l’on ne peut faire confiance à personne.
« Le pire c’est que nous avons eu beaucoup de difficulté à obtenir le statut de réfugié en Afrique du Sud, parce que le département de l’Intérieur n’accepte pas de nouvelles demandes. Sans cela, de nombreux employeurs ne nous engageraient pas. Lorsque j’envoie mon Cv, je reçois habituellement de nombreuses réponses parce que j’ai une bonne expérience professionnelle et j’ai été à l’université dans mon pays d’origine. Mais en raison de mon orientation sexuelle ou de l’absence de documents, je n’obtiens jamais le poste. Chaque fois je suis pleine d’espoir et à chaque fois je suis déçue.
« J’ai eu 7 entretiens d’embauche et aucun n’a abouti à un emploi. Deux employeurs ont refusé parce que je n’avais pas de permis de travail. Je me suis entretenue au téléphone avec quelques autres employeurs qui m’ont demandé d’aller les voir. Aussitôt qu’ils m’ont vu avec mon apparence, ils ne m’ont plus rien demandé. Subitement le poste n’était plus disponible. Pour les quelques emplois que j’ai réussi à obtenir j’ai été sous payée ou même jamais payée du tout. Et des employeurs m’ont insultée aussi bien en raison de mon statut de réfugié qu’en raison de ma sexualité, disant que ces deux éléments font que nous ne pouvons pas garder un emploi.
« En raison du fait que ma partenaire et moi-même sommes sans emploi, nous ne pouvons quitter le foyer pour sans abri. Nous sommes coincées là, sans espace privé et avec des voleurs qui nous volent nos maigres possessions. Nous n’avons aucun endroit où nous établir. Les Sud Africains racistes ainsi que les immigrants nous traitent de racistes, nous jettent des insultes homophobes et nous menacent constamment de déportation.
Bien que je ne souhaite vraiment pas retourner dans mon pays, je ne suis pas sûr que ça ferait une différence dans nos vies si nous sommes déportées. Chez moi, ma famille et ma communauté m’ont rejetée et je n’avais aucune opportunité. En Afrique du Sud, il n’y a pas de sécurité, pas de sécurité d’emploi et aucun endroit où je sois chez moi.
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** Elizabeth Gyori est un chargé de programme au Leitner Centre for International Law and Justice at Fordham Law School – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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