RD Congo: Six pistes de solution pour un nouveau départ
La crise congolaise relève de lourds facteurs exogènes, mais les responsabilités endogènes ne sont pas moins lourdes. D’une part, le gouvernement de Kinshasa n’a pas su chercher des solutions par elle-même et a souvent subi les oukases de la communauté internationale. D’autre part, les partis politiques congolais ont eu accepter des alliances les plus compromettantes pour un éventuel partage du pouvoir. Mais tout cela n’a pas tué l’idéal d’une RD Congo unie et pacifiée et Vital Kamarhe explique «que faire».
On ne peut dire que tous les malheurs de la RD Congo viennent de la communauté internationale et de ses voisins. Que, comme le disait Jean Paul Sartre, «l’enfer c’est les autres» et qu’ au niveau de nos gouvernements successifs, nous n’avons commis aucune erreur. En effet, à son époque, le président Mobutu avait cru en la communauté internationale en acceptant d’accueillir les ex-FAR sans conditions, Il était même entré en contradiction avec son propre gouvernement qui avait une position contraire devant cette question de l’afflux des réfugiés rwandais au Zaïre.
De même, Laurent Désiré Kabila, décidé d’en finir avec le régime de Mobutu, avait minimisé les vraies intentions de ses alliés rwandais et ougandais qui, au delà du soutien à lui apporté, visaient en réalité le contrôle du Zaïre et de ses immenses richesses. Cette erreur fut fatale à Laurent Kabila qui, voulant la corriger quelques mois après, subit une agression de ses anciens alliés. Dans ces entrefaits, il sera assassiné. Quelle perte pour la nation congolaise !
Le gouvernement congolais en place a péché, sous la pression de la communauté internationale, par un excès de confiance vis-à-vis du régime de Kigali en acceptant d’organiser des opérations conjointes de traque des FDLR sur le territoire national, alors que, de toute évidence, le Rwanda cherche plutôt à disperser les FDLR sur le territoire de la RDC. Le rapport de la mission des Nations Unies rendu public au quatrième trimestre de l’année 2009, ainsi que ceux des ONG internationales et nationales, sont éloquents a ce sujet.
L’analyse serait incomplète si l’on ne soulignait pas les erreurs de certaines organisations politiques nationales comme le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), qui ont accepté l’alliance respectivement avec le Rwanda et l’Ouganda, deux puissances étrangères qui ont fini par se battre sur le territoire congolais. Enfin, la classe politique congolaise de manière générale, friande des occasions de partage équitable et équilibré du pouvoir, a, au gré de ses intérêts, soutenu tel ou tel mouvement rebelle, espérant finir autour d’une table des négociations pour le partage du gâteau.
C’est finalement le sens élevé du nationalisme du peuple congolais, entendu ici comme son attachement à sa nation dans ses frontières héritées de la colonisation, qui a permis à notre pays de résister et de faire échec à toutes ces erreurs dont l’effet pouvait être la partition de fait de la RDC.
En effet, de l’arrivée des réfugiés hutu rwandais à l’opération Kimia Il, le peuple congolais a payé un lourd tribut qui, malgré tout, ne le départit pas de son idéal de vivre ensemble dans une nation que Dieu a bénie et qui n’attend que le travail dans un cadre de paix et de sécurité pour tous afin de participer dignement au concert des nations. Mais alors, on peut se poser la question de la voie à suivre pour la paix pour tous et durable dans la région des grands lacs.
Que faire ?
Nous devons nous rendre à l’évidence que toutes les solutions militaires, y compris même les opérations conjointes avec l’Ouganda et le Rwanda sur le territoire congolais, n’ont pas apporté la solution escomptée, à savoir l’anéantissement des rebellions et des groupes armés du Rwanda et de l’Ouganda sur le territoire congolais. A notre humble avis, toutes ces solutions se sont plus attaquées aux effets qu’aux causes profondes de l’insécurité dans la sous région des grands lacs. Nous devons tous oeuvrer pour une solution globale, durable, juste et équitable pour tous les pays de la sous région des grands lacs. Nous devons tous œuvrer pour une solution globale, durable, juste et équitable pour le pays de la sous-région des Grands Lacs. L’objectif devra être « la paix pour tous » ; en RDC, au Rwanda, en Ouganda et au Burundi. Et pour cela, l’approche qui combine des solutions politique, diplomatique, économique et militaire nous semble la mieux appropriée.
1 - Aspect politique
A l’instar d’autres pays de la région, le Rwanda doit ouvrir son espace politique pour une véritable réconciliation nationale avec les Hutus non génocidaires ;
2 -Aspect économique
Il faut que la communauté internationale puisse mettre en place un mécanisme de traçabilité d’exploitation des minerais à l’Est du Congo. Cette stratégie avait très bien marché en Angola, au Liberia et en Sierra Leone, il n’y a pas de raison que ça ne puisse pas marcher au Congo. Il faut en effet couper la bourse à tous ces criminels. Car l’exploitation illicite des minerais à l’Est du Congo constitue à la fois la cause de la guerre et le financement de celle-ci. Le récent rapport des experts des Nations Unies dépêchés dernièrement sur le terrain est édifiant à ce sujet.
En effet, ce commerce illicite se fait à travers un réseau maffieux bénéficiant des complicités internes au Rwanda et au Congo, parmi les hommes d’affaires et malheureusement de quelques hommes de troupes. Ces réseaux maffieux, d’après le même rapport, est relayé par quelques multinationales occidentales. Le contrôle des mines et l’extraction des minerais sont essentiellement assurés par les FDLR et constitue un véritable business du sang.
Comment dans ce cas demander aux militaires Rwandais et congolais, parmi lesquels des complices de hauts rangs des ex-FAR de combattre les mêmes ex-FAR ? C’est un non-sens. Évidemment toutes les parties s’adonnent à un véritable cirque où la véritable victime reste la population civile innocente. Le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda sont même devenus aujourd’hui grands exportateurs des minerais du Congo dans l’indifférence totale de la communauté internationale qui sait pertinemment bien qu’ils ne disposent pas des gisements significatifs de ces minerais. L’installation dans les deux Kivu, des usines et industries pour les premières transformations de ces minerais pourraient aider à en assurer la traçabilité. L’agrément des comptoirs par le gouvernement congolais et les Nations Unie, comme ce fut fait en Sierra Leone, aidera à coup sur à mettre fin à ce commerce illicite,
3 - Aspect militaire :
- Comme en Ituri, en appui aux efforts politiques et diplomatiques, il faut envisager une force du genre Artémis pour éviter d’avoir sur le terrain des forces qui seraient à la fois juges et parties.
- Dans cette perspective, les 3000 hommes supplémentaires votés il y a une année au Conseil de Sécurité pourraient être entraînés et recevoir mission spécifique d’aller désarmer de force tous éléments des ex-FAR réfractaires au désarmement et retour volontaire.
Il faut aussi soutenir financièrement et techniquement la réforme de l’armée congolaise, les FARDC, car il ne faudra pas se leurrer : un pays immense comme le Congo avec ses richesses et une armée affaiblie sera toujours la convoitise des prédateurs de tous ordres. L’armée de la RDC doit devenir une armée républicaine et en temps de paix, une armée de développement devant s’occuper, en dehors de sa mission première de défense du territoire, des grands travaux de génie, de la production agricole ainsi que de la protection de l’environnement (brigade verte) ;
- Mettre en place un mécanisme administratif non militaire pour s’occuper de la paie et du ravitaillement en vivres des militaires pour ainsi enrayer une fois pour toutes les détournements des fonds et ta ration des militaires qui n’ont pas de choix que de se nourrir sur le dos des populations civiles avec ce que cela comporte comme cohorte des tracasseries et exactions.
4 - Sur le plan de la justice
L’instauration d’une cour spéciale, avec des juges indépendants recrutés au Congo et au sein de la communauté internationale, s’impose pour juger et sanctionner les auteurs des viols, des violences sexuelles et pillages des ressources naturelles.
5 - Sur le plan de la coopération régionale
- La communauté internationale a toujours commis l’erreur de vouloir mettre la RDC en index au profit du Rwanda et de l’Ouganda alors que la RDC soutenue et stabilisée serait un meilleur gage de sécurité et de développement pour l’ensemble de la région des grands lacs.
- La communauté internationale devra aider la RDC à se relever de ses cendres afin que celle-ci, au regard de ses potentialités immenses, de sa démographie, de sa position géostratégique puisse rayonner pour l’ensemble de la région à l’instar du Nigeria en Afrique de l’Ouest et de l’Afrique du Sud en Afrique Australe.
- Encourager après la reforme de l’administration publique, de l’armée, de la justice, l’instauration de la bonne gouvernance, la libre circulation des biens et des personnes entre Etats de la sous région des Grands Lacs.
6- Sur le plan du développement
- L’absence des grands projets à l’Est de la République Démocratique du Congo ne favorise pas la démobilisation des milices pour une véritable réinsertion sociale. Les combattants démobilisés, faute d’occupation et déjà initiés au maniement des armes, deviennent des bandits potentiels et se retournent ainsi constamment vers la population civile sur laquelle ils commettent des viols, des violences sexuelles et des exactions de tout genre. Ils se servent de leurs fusils pour vivre ;
- La communauté internationale devra de toute urgence, pour soutenir l’effort de la démobilisation, mobiliser des fonds pour les travaux de reconstruction à l’Est de la RDC (lturi, Nord Kivu, Sud Kivu) notamment la réhabilitation des hôpitaux, des écoles et des routes ainsi que la relance de l’agriculture et de l’élevage. Les ex-combattants constituent ainsi une main-d’oeuvre appréciable et ne seraient plus tentés de se faire recruter par les seigneurs de guerre.
Si nous avons retenu plusieurs griefs à l’égard de la communauté internationale, nous avons mis en la responsabilité du gouvernement congolais. En effet, nous ne devons pas perdre de vue que la paix, la défense du territoire et le développement sont avant tout de la responsabilité des institutions de la RDC. C’est pourquoi, nous pensons, sans peur d’être contredit, que la mission première devra être la refondation de l’Etat Congolais. C’est cette refondation de l’Etat qui permettra aussi de participer activement à la vie de la nation congolaise, notamment en prenant part aux élections pour éviter l’exclusion.
Le développement c’est avant tout l’affaire des Congolais. Nous sommes dans un monde désormais en compétition où la charité et la générosité des pays riches ne suffiront pas pour résoudre les problèmes de pauvreté endémique, de corruption institutionnalisée, d’insécurité criante et d’injustice insupportable, ces maux qui rongent actuellement une bonne partie de l’Afrique et qui n’épargnent malheureusement pas notre pays. Divisés, nous allons faire le jeu de l’ennemi. Unis, nous vaincrons, à coup sûr, et franchirons ces obstacles qui renferment le peuple congolais dans un univers de misère.
La RDC avec ses richesses incommensurables (forêts, sols, eaux, minerais, faune, etc.) ploie aujourd’hui dans le sous-développement alors qu’il est établi qu’en 1960 il était au même niveau que l’Afrique du Sud, la Corée du Sud et le Canada.
* Vital Kamerhe est président honoraire de la chambre basse du Parlement de la RD Congo. Ce texte est extrait d’un discours prononcé prononcé devant l’Institut d’Etudes Internationales de Montréal
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