Quel suivi pour le sommet Etat Unis-Afrique

Le continent devrait s’inspirer de l’exemple de la communauté juive qui a mis en œuvre un partenariat stratégique avec les Américains pour la création d’un Etat juif, sa protection militaire et son développement économique et social.

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GBM

L’Afrique n’existe pas. Du moins pour la cinquantaine de chefs d’Etats et de gouvernements qui dirigent les pays de notre continent. Pour chacun de ceux là, n’existe que l’Etat qu’il ou elle gouverne.

Or c’est l’Afrique toute entière qui intéresse aujourd’hui le monde. L’Afrique avec son milliard d’habitants, ses diverses matières premières, sa riche culture aux multiples facettes, son immense potentiel de croissance et ses problèmes actuels de développement (pauvreté, maladies, conflits et instabilité politique notamment).

C’est ce paradoxe qui se manifeste à travers les Sommets auxquels l’Afrique est invitée désormais régulièrement par la Chine, le Japon, l’Inde et l’Europe, notamment. Quand ces pays invitent l’Afrique à venir chez eux discuter de coopération pour son développement, ce sont tous les 53 chefs d’Etat qui répondent à l’invitation, la plupart d’entre eux préoccupés seulement de lever des financements permettant de construire quelques infrastructures tout en entretenant leur clientèle et assurer la pérennité de leur régime.

L’Union africaine et ses agences spécialisées que sont le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) et la Commission économique pour l’Afrique (Cea) accompagnés tout au plus du président en exercice de l’Ua auraient pourtant été les interlocuteurs tout indiqués pour siéger à ces sommets face aux Chinois, aux Indiens, au Japonais et aujourd’hui aux Américains.
Quant au Sommet Afrique-Usa qui se tient ces 5 et 6 août 2014 à Washington Dc, en présence de plus de 50 chefs d’Etat et de gouvernement, la conjonction des défis particulièrement alarmants qui affectent notre continent en ce moment aurait pourtant justifié qu’il ne soit représenté que par la seule Union africaine.

Les chefs d’Etat auraient pu eux, tenir un Sommet spécial sur l’épidémie de l’Ebola que l’Organisation mondiale de la santé vient de déclarer «hors de contrôle» et sur les guerres civiles qui ravagent le Sud Soudan, la Somalie et la République centrafricaine et dont l’arrêt devient impératif et urgent.

Ceci étant, on dirait : «puisque le… bissap est tiré, il faut bien le boire». En l’occurrence puisque le Sommet Afrique-Usa se tiendra bien les 5 et 6 août, pouvons nous en tirer le meilleur profit ? Comment ?

Notons d’abord que le message que le président Barrack Obama et son gouvernement souhaitent transmettre à travers ce Sommet, c’est que «les Etats-Unis s’intéressent au continent et s’engagent dans un partenariat à long terme avec lui». Leurs objectifs déclarés concernent le commerce, les investissements, la sécurité au niveau continental et le développement de la démocratie.

Les Etats-Unis souhaitent, en somme, mettre en œuvre un partenariat pour le développement dont les différentes obstacles – les problèmes de santé publique, le changement climatique, les trafics de toutes sortes, armes, drogues et le braconnage personnes - seront d’ailleurs au menu des discussions.

Mais que l’on ne s’y trompe, il ne s’agit pas ici d’assistance mais de commerce, de «business». Il s’agit aux yeux du président Obama de jeter les fondations d’une entreprise qui sera profitable aussi bien à l’Amérique qu’à l’Afrique. C’est tant mieux ainsi : nous savons depuis longtemps en Afrique que l’aide des pays développés à plus servi à entretenir les classes dirigeantes qu’au développement véritable.

C’est dans l’objectif de promouvoir le «business» entre les Usa et l’Afrique que le président Obama a invité au Sommet 300 dirigeants d’entreprises américaines et l’une des principales manifestations sera le «Usa-Africa Forum» qui se tient le 5 octobre, sous l’égide d’une Fondation privée, celle de M. Michael Bloomberg, l’ancien maire de New York, avec l’objectif de resserrer les relations commerciales et financières entre les deux partis.

C’est ainsi aussi que la première des trois sessions de la plénière du 6 août, avec l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement autour du Président Obama, aura pour sujet «Investir pour le futur de l’Afrique» (les deux autres porteront sur «Assurer la Paix et la Stabilité Régionale» et «Quelle Gouvernance pour les générations futures ?»).

Il s’agit donc bien d’un nouveau partenariat que les Usa proposent à l’Afrique.

Assurément un tel partenariat pourrait être «gagnant-gagnant» pour l’Afrique et pour les Etats-Unis d’Afrique. L’Afrique pourrait bénéficier des énormes ressources intellectuelles, financières et militaires de la première puissance mondiale dont le soutien a permis à l’Europe de se relever de la Deuxième Guerre mondiale et à de nombreux pays d’Amérique latine et d’Asie de se développer.

L’Afrique avec son milliard d’habitants, la jeunesse de sa population et ses immenses ressources naturelles encore peu exploitées pourrait offrir aux Etats-Unis une nouvelle aire d’expansion susceptible d’assurer son leadership mondial au cours du 21e siècle. Mais comment mettre en œuvre un tel partenariat après le Sommet ? Comment mettre en œuvre ses recommandations et résolutions ?

Il faut considérer que les relations des Etats-Unis avec ses partenaires stratégiques et historiques, que sont par exemple Israël, la Grande Bretagne et le Japon, sont basées sur des liens étroits de ces pays avec divers groupes sociaux et communautés dont les activités en faveur du partenariat sont relayées par des «lobbies», des groupes de pressions professionnels, jusqu’auprès du Congrès, des milieux politiques et de la Maison Blanche.

L’Afrique devrait s’inspirer en particulier de l’exemple de la communauté juive qui a mis en œuvre un partenariat stratégique avec les Etats-Unis dès 1948 autour des idéaux du mouvement sioniste qui visait la création d’un Etat juif, sa protection militaire et son développement économique et social.

Ce partenariat a abouti non seulement à la création de l’Etat d’Israël malgré l’opposition d’une partie importante de la communauté internationale mais aussi à sa construction comme puissance militaire et diplomatique de tout premier plan et au développement de son économie et de sa société au niveau des Etats occidentaux les plus avancés. C’est le lobby que le mouvement sioniste international a su bâtir autour de la communauté juive des Etats-Unis qui est à la base d’un tel succès.

L’Afrique qui dispose tout comme Israël d’une diaspora à l’intérieur des Etats-Unis à travers la communauté Africaine-Américaine et les immigrés Africains pourrait aussi bien construire un lobby tout aussi puissant et efficace autour des recommandations du Sommet Afrique-Usa d’août 2014.

Ce Sommet qui intègre à la fois la jeunesse africaine représentée au «Mandela Washington Fellowship of the Young African Leaders Initiative (Yali)» mise en place par le président Obama et la société civile africaine, pourrait constituer le creuset de ce lobby.

Les jeunes Africains regroupés au sein du Yali en particulier pourraient développer les réseaux requis avec les communautés Africaine-Américaine et Africaine aux Etats-Unis, avec les milieux politiques américains de tous bords, avec le Congrès ainsi qu’avec la société civile américaine, notamment les milieux religieux et académiques pour approfondir les recommandations et engagements qui sortiront du Sommet et pour les mettre en œuvre.

A défaut de cet engagement de la jeunesse africaine pour la construction d’un puissant lobby aux Etats-Unis, le Sommet Afrique-Etats-Unis sera un autre rendez-vous manqué de l’Afrique avec son développement. Une autre manifestation de pompe qui n’aura servi en définitive qu’à la propagande et à la fausse gloire de nos satrapes !

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** Alymana Bathily est ancien coordonnateur de l'Association mondiale des radios communautaires - Afrique

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