Un documentaire de la chaîne publique italienne RAI3 met en cause Américains et Français aux côtés de Blaise Compaoré. « Ombres africaines », documentaire en trois parties de Silvestro Montanaro diffusé du 15 au 29 juillet en seconde partie de soirée a recueilli des témoignages de personnalités libériennes connues ou de l’ombre, qui restent sans équivoque. Le site dédié à la mémoire du révolutionnaire, a retranscrit les propos dans l´ordre où ils ont été montés pour le film par le réalisateur. Un texte que reproduit Pambazuka.
Voix off : En fait une intrigue internationale. Je vais rencontrer la sénatrice libérienne Jewel Howard Taylor, l´ex femme de Charles Taylor.
Silvestro : Pensez-vous que des personnes puissent se sentir inquiétées si Taylor dit « la vérité » ? Des gens importants ?
Lady Jewel Howard Taylor : Oui absolument, certainement... J´en suis sûre...
Silvestro : Des personnes très importantes ?
Lady : Certes. Car une partie de cette histoire est encore restée secrète et il ne l´a jamais racontée, pas même à moi. Je suis sûre qu´il avait encore des secrets. Comment a-t-il quitté l´Amérique ? Quel accord a-t-il passé avec Kadhafi pour l´entraînement en Libye ? Quels étaient ses amis, quelles informations lui ont-ils données ?
Momo : Il avait beaucoup d´amis en Amérique...
Silvestro : Des gens importants ?
Momo : Oui... certes...dans les affaires...
Silvestro : Pouvez-vous me donner quelques noms ?
Momo : Ah....non, je ne peux pas révéler leur noms... Je ne suis pas idiot.. Il avait quelques bons amis diplomates qui maintenant ont disparu quelque part... mais je sais qui ils sont et que cela ne leur ferait pas plaisir si je parlais. Car Taylor n´est pas tombé du ciel ainsi, de la prison sur le Libéria. C´est eux qui l´ont envoyé ici, au Libéria ! Et ils le savent bien.
Voix off : Ce monsieur, lui aussi considéré par l´ONU comme un criminel, était l´ordonnance de camps du président Taylor. Aujourd´hui le Général Momo Jiba - l´un de ceux qui sont bien au courant - laisse entrevoir de lourdes responsabilités derrière l´aventure de pouvoir de Charles Taylor.
Silvestro : Qui l´a envoyé ici ?
Momo : Ceux qui l´ont fait le savent. La grande main. Eux ils savent tout. Il n´est pas venu ici tout seul. Taylor était en prison en Amérique... Et peu après, il était à Monrovia au Libéria. Comment a t-il fait pour sortir de prison en Amérique ? Comment a-t-il fait pour s´échapper d´une prison américaine ?
Silvestro : La CIA ?
Momo : Eh heh. Je ne peux pas le dire… Une grande main, la grande main.
Historien : ce qui se passe en Amérique avec Charles Taylor est vraiment une histoire incroyable.
Voix off : L´actuel ministre des postes et télécommunications du Libéria, Marcus Dahn, est aussi l´un de ses plus important historiens. Lui aussi soupçonne de lourdes responsabilités sur la fugue de Charles Taylor
Historien : Charles Taylor s´était enfuit du Libéria après avoir été accusé par le président Doe d´avoir volé un million de dollars des caisses de l´Etat. Il fut arrêté et devait être extradé au Libéria. Vous devez savoir que l´avocat de Charles Taylor était l´un des meilleurs en Amérique, Ramsey, qui avait été l´Avocat Général d´Etat sous le président Jimmy Carter. Ce fut justement lui l´avocat de Taylor. Taylor était écroué dans une prison fédérale au Massachussetts, une des plus sûre. D´une prison fédérale, il me semble très difficile, sinon impossible de pouvoir s´évader... Taylor, lui, il réussit à s´en évader, à venir ici lancer sa révolution et à essayer de mettre dehors Samuel Doe
Bleah : On ne peut s´échapper d´une prison de ce genre sans l´aide de quelqu´un. Taylor n´était pas un petit oiseau, il n´était ni Dieu ni un esprit.
Voix off : Mose Bleah était le vice président de Taylor, l´un de ses hommes de la première heure. Lorsque Taylor est parti en exil, il a été président du Libéria pendant quelques mois.
Bleah : Nous avons été aidés, aussi, par beaucoup de gens qui maintenant ont des rôles importants dans notre pays, et de même notre président (Ndlr : Mme Johnson Sirleaf) a admis avoir aidé Taylor, et lui avoir donné de l´argent à cette époque.
Silvestro : Mais ce furent surtout les Américains qui l´ont fait...
Bleah : Certainement... Oui...
Silvestro : De quelle manière ?
Bleah : Comment pourrais-je vous expliquer... Notre bon père, nous le nommons ainsi car nous autres Libériens nous nous considérons comme une province des Etats Unis, enfin eux nous ont aidés, eux étaient d´accord pour que Charles Taylor devienne président de ce pays.
Allen : Vous devez savoir que Taylor fut choisi par les leaders du NPFL. La direction du NPFL, incluait par exemple Mme Ellen Sirleaf, notre actuelle présidente.
Voix off : Cyril Allen, aux premières places de la liste noire des Nations Unies, a été le chef du parti de Taylor et aussi le président de la compagnie pétrolière nationale.
Allen : Eux, ils demandèrent de l´aide pour renverser Samuel Doe. Alors les Américains leur demandèrent qui ils avaient choisi comme leader de celle-ci, oui de cette révolution. Leur réponse fut claire et sans hésitation. Nous avons un Libérien qui a beaucoup de raisons de rancoeurs envers Samuel Doe. Cet homme a une remarquable personnalité militaire, il est très intelligent et courageux.. Maintenant, malheureusement, il est dans l´une de vos prisons. Nous vous demandons de le libérer, de pouvoir l´utiliser comme leader de notre révolution. Et ils acceptèrent. Et Taylor...
Silvestro : Ils acceptèrent ?
Allen : Bien sur, et ils firent en sorte que Taylor puisse s´échapper.
Minister Doe : Vous devez le demander au département d´Etat américain, vous devez le demander aux plus hauts niveaux de la CIA, vous devez le demander aux plus hauts niveaux du FBI, vous devez le demander aux politiques qui maintenant gouvernent ce pays, eux savent bien ce qui c´est passé... Ecoute, je souhaite de ne jamais finir, dans ma vie, dans un pénitencier américain. Ce sont des endroits dont il est pratiquement impossible de s´évader. Taylor incroyablement a réussi.
Maintenant soyez attentifs au déroulement des faits... Qui était l´avocat de Taylor ? Ramsey Clark, l´ex Avocat Général des Etats Unis, l´un des hommes les plus puissants du monde, était l´avocat de Taylor. Taylor s´évade d´une prison de Boston, et où retrouvons-nous ensuite Taylor ? Nous le retrouvons en Afrique. Lorsque Taylor est arrivé ici, il avait un sac d´argent. Quand nous avons contrôlé la provenance des premiers 25.000 dollars qui étaient parvenus à Taylor, j´avais toutes ces informations sur un ordinateur, mais d´étranges individus l´ont détruit nuitamment. Cependant, l´un de mes amis a une copie. Eh bien, l´une des signatures était celle d´une personne qui ensuite est devenue président de ce pays et l´autre, eh bien, disons d´un Américain.
Silvestro : Où avez-vous été « entraîné », dressé ?
Momo : J´ai été « entraîné », dressé...
Silvestro : Dites la vérité.
Momo : Oui, en Libye.
Silvestro : Qui vous a entraîné ?
Momo : Eh, he, he, he, he, c´est une question importante. Une bonne question.
Silvestro : Quel genre d´instructeurs avez-vous eu ? D´où venaient-ils ? De quel pays ?
Momo : Ca je ne peux le dire devant une caméra de télévision, c´est top secret. Je ne peux le révéler... C´étaient des instructeurs, ça c´est sûr.
Silvestro : Qui vous a donné les armes ?
Momo : Pour combattre ?
Silvestro : Oui
Momo : He, he, he…
Silvestro : Les mêmes personnes ?
Momo : Noooo... C´était la révolution, on se débrouillait seul. Personne ne nous a donné quoi que ce soit. Le président Taylor utilisait ses ressources personnelles.
Voix off : Là-dessus j´invite l´équipe du tournage à aller faire un aller retour avec une caméra cachée. Une caméra de télévision cachée.
Silvestro : Qui sont ceux qui vous ont entraînés ? Vous me le dites ?
Momo : Eh, eh, eh… Bon ça va... Non je ne peux pas le lui dire... Et après tout il le sait...
Silvestro : La Cia ?
Momo : Oui, la Cia m´a entraîné
Silvestro : Mais alors Kadhafi... La Libye.
Momo : Laisse tomber... C´est de la politique...
Silvestro : Incroyable..
Momo : Laisse tomber... C´est de la politique
Silvestro : Et eux vous ont donné l´argent ...
Momo : L´argent, tout.
Silvestro : Les armes ?
Momo : Tout, tout.
Silvestro : La Cia ?
Momo : Laisse tomber... C´est de la politique.
Silvestro : Miséricorde...
Momo : Vous le savez... Ils sont dangereux... Maintenant ils veulent le silence... Ils n´apprécieraient pas que l´on parle... Si nous le faisions, cela serait dangereux pour eux.
Silvestro : Comment est-ce possible que la CIA ait aidé Charles Taylor à s´évader de prison ?
Lady Taylor : Je suis sûre qu´ils étaient impliqués.
Silvestro : Mais ensuite il était en Libye à organiser la guerre contre Doe. La Libye était l´ennemie des Etats Unis.
Lady Taylor : Je pense que Charles Taylor a seulement été une marionnette dans ce jeu entre nations. Les USA étaient contre la Libye, mais dans le même temps les USA voulaient renverser Doe. C´est pour cela qu´ils avaient besoin qu´un ami vienne faire le travail. C´est pour cela qu´ils ont autorisé Taylor à aller en Libye suivre l´entraînement pour revenir ici faire la guerre avec ses hommes. Mais aussi pendant cette guerre, avant qu´il ne soit président, il était toujours en contact avec les Etats Unis. Il faisait partie du plan pour chasser le président Doe. Il avait besoin de comprendre quelles étaient les priorités : la question libérienne, son sens pour l´administration américaine, les réserves naturelles qu´ils avaient et qui pouvaient devenir des ressources pétrolières pour eux. Tout ceci faisait que le Libéria devenait un point stratégique. C´est pour cela que la question libérienne était bien plus importante que la libyenne.
Voix off : Comme me le révèle le général Momo, Taylor, à cette époque, travaillait pour la Cia, espionnant Kadhafi et les mouvements de libération africains qui durant ces années s´entraînaient en Libye.
Momo : C´était une opération de la CIA
Silvestro : Enfin la vérité c´est que Taylor travaillait pour la CIA et avait été envoyé pour infiltrer les mouvements de libération africains qui s´entraînaient en Libye.
Momo : C´est certainement la vérité
Silvestro : Ce n´est pas sûr ?
Momo : Certainement que oui, je travaillais avec lui, et nous parlions de ces choses là, et je n´ai pas l´habitude de mentir, moi.
Silvestro : Et quelles opérations spéciales a mis au point Taylor pour la Cia en espionnant Kadhafi ?
Momo : Une... une importante fut au Burkina Faso
Silvestro : La mystérieuse fugue de Charles Taylor croise le destin de Thomas Sankara, le très jeune président du Burkina Faso. Il y a quelque temps un ex-seigneur de guerre, Prince Johnson, actuellement sénateur, a raconté devant la Commission Vérité au Libéria que lui et Taylor ont eu un rôle dans la mort de Sankara. Je suis allé le rencontrer pour qu´il m´explique mieux cette histoire.
Prince : Mais cela ne fait pas partie de ce que vous avez écrit ici...
Silvestro : C´est compris dans la dernière question
Prince : Non, cela n´y est pas et en tous les cas vous devez respecter la séquence de la demande que vous avez écrite ici...
Silvestro : Vous dites ?
Prince : Et vous ne pouvez pas me faire de nouvelle demande que vous n´avez même pas écrite ici.
Silvestro : C´est si difficile pour vous de répondre à cette question ?
Prince : Non, non... Cela ne va pas comme ça
Silvestro : Enfin que s´est-il passé au Burkina ?
Prince : Non, nous... Lorsque l´on parle d´un fait une fois, deux, trois fois...
Silvestro : De Thomas Sankara.
Prince : Pour finir, c´est fastidieux.
Silvestro : Vous dites ?
Prince : Je suis allé à la Commission réconciliation, j´ai donné une interview à une agence de presse française, elle a été diffusée dans le monde entier et je continuerai à répéter en continu ce que j´ai dit à propos du Burkina Faso.
Silvestro : Je comprends, mais répondez.
Prince : Et peu après que j´ai parlé, le président du Burkina a eu plein de problèmes et je ne veux pas que cela arrive à nouveau. Et puis, si vous voulez réellement savoir ce qui est arrivé au Burkina Faso, eh bien, allez là-bas et demandez-le au président Blaise Compaoré... Vous êtes un représentant des médias internationaux, vous êtes comme un docteur à qui l´on doit toujours dire la vérité, alors allez au Burkina Faso... (éclats de rire)
Voix off : Ensuite, avec la caméra apparemment éteinte...
Prince : Cela a été un pacte international pour mettre dehors cet homme et si je raconte comment cela c´est passé, les services secrets pourraient vous tuer, vous le savez ?
Silvestro : Un complot international. C´est parce que la vérité apporterait beaucoup de problèmes à Blaise Compaoré, l´actuel Président du Burkina. Campaoré, en 1987 lorsque Sankara fut tué, était considéré comme son meilleur ami. C´est ce qu´il raconta tout de suite après sa mort...
Compaore : J´étais malade.
Voix off : On me raconte comment se sont réellement passé les choses, je suis Momo et Allen.
Allen : Yahya Jammeh, l´actuel Président de la Gambie, Blaise Compaoré, Thomas Sankara, Domingo Guengeré, et... Foday Sankoh, et puis l´homme du Tchad, dont je ne me rappelle plus de son nom... En tous les cas, ils ont tous été entraînés dans une localité libyenne et ils étaient tous amis. En fait, ce furent eux qui organisèrent la révolution au Burkina Faso et fait de Sankara son Président. Il devient Président et commence à appliquer son programme et à gouverner. Mais ensuite les Américains infiltrèrent le mouvement africain de libération aussi pour renverser Thomas Sankara qui était trop à gauche. Sankara ne plaisait pas aux Américains, il parlait de nationaliser les ressources de son pays pour les utiliser en faveur de son peuple ; en fait, c´était un socialiste. Et ils décidèrent de l´éliminer.
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Cette partie contient une succession d´images d´archives. Ci-dessous les commentaires qui accompagnent les images
Voix off sur Vidéo où l´on voit Sankara : Thomas Sankara, de 1983 à 1987, fut président de la Haute Volta qu´il rebaptisa Burkina Faso, c´est à dire «Le pays des hommes intègres ». Pour ne pas subir les diktats extérieurs, il refusa les aides du FMI et de la Banque Mondiale. Son pays semi-désertique, affamé, endetté, avec une mortalité infantile des plus élevées au monde, ne pouvait compter que sur lui même. Et ceci signifiait devoir lutter contre l´avancée du désert, et développer l´autosuffisance alimentaire, garantir à tous instruction et assistance sanitaire. «Deux repas et 10 litres d´eau pour tous et tous les jours», devint le slogan qui résumait l´espoir d´un futur meilleur.
Le pays, surtout les femmes, furent appelées à se mobiliser autour de ces objectifs : le volontariat de masse, à consommer seulement ce que le pays était capable de produire de manière autonome, arrêt des importations superflues et des achats militaires, lutte contre les gaspillages, les privilèges et la corruption.
L´exemple personnel.
Sankara : Nos ministres ne peuvent pas voyager en première classe, mais seulement en classe touriste. En outre nous avons aussi supprimé les indemnités présidentielles et sommes en train de réduire les salaires des fonctionnaires d´Etat et des bureaucrates. Les procès contre les voleurs, contre ceux qui volent l´argent de notre pays, se déroulent maintenant. Ils ont lieu et sont publics.
Voix off : Thomas Sankara mangea du mil comme les paysans de son pays, circula à bord d´une petite voiture déglinguée, s´habilla toujours à la burkinabé, et il n´eut jamais de propriété personnelle. Son salaire de Président était si misérable, à faire rougir tous les hommes d´Etat de la planète et de son pays, ses semblables l´ont suivi avec enthousiasme.
Furent construits : des rues, chemin de fer, des écoles et des hôpitaux, la production agricole augmente, des terres sont gagnées sur le désert. En quatre ans, le rêve de deux repas et de dix litres d´eau par jour et pour tous devint réalité. Mais le cauchemar de la dette extérieure accumulée par les précédents gouvernements corrompus, menaçait à l´horizon. Sankara se bat au niveau international contre ce nouvel esclavage de la dette.
Sankara : Nous devons être unis pour dire que la dette ne peux être payée, car si je suis seul à me battre, je serai assassiné. Si nous sommes unis, nous pourrons ne pas payer et ne pas payer pour que l´on puisse travailler et construire un avenir meilleur pour nos peuples. Si seul le Burkina Faso refuse de payer sa dette, je ne serai pas ici à la prochaine conférence.
Commentaires DE Silvestro : Sankara avait fait du bonheur, le bonheur de tous, l´indicateur principal de son action gouvernementale. Il remettait en question des équilibres délicats de cette époque. C´était un scandale qui devait être supprimé... Le général Momo Jiba et Cyril Allen, les deux hommes les plus fidèles de Charles m´ont raconté ce qui c´est passé.
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Les interview reprennent
Momo : Mon boss est allé trouver Thomas Sankara pour lui demander de l´aider pour prendre le pouvoir au Libéria. En contre partie, il lui offrait beaucoup d´affaires possibles. Thomas Sankara lui répondit qu´il n´était pas intéressé et lui demanda de quitter le Burkina Faso. Il lui dit de trouver un autre endroit où s´organiser et qu´il ne l´aurait jamais aidé. Alors, Guengere est un homme très grand qui maintenant est ministre de la défense au Burkina Faso... En fait Guengere, Blaise Compaoré, Charles Taylor et l´actuel président du Tchad... Oui, le président... Vous savez qui c´est ?
Silvestro : Oui
Momo : Bon, lui aussi
Silvestro : Oui
Momo : ...Ils se sont retrouvés en Mauritanie et ont discuté un jour entier... Ils ont beaucoup discuté et puis un homme a été envoyé par Paris, un homme blanc qui a longuement discuté avec eux... Puis il y eut une autre rencontre en Libye, où l´on parla encore du problème Sankara et ce qui fut clair pour tous est que si nous voulions utiliser le Burkina comme base, Sankara devait être éliminé. Blaise Compaoré deviendrait président et allait nous aider.
Silvestro : Et Kadhafi était d´accord ?
Momo : Bien sur. Attention tout ceci doit rester secret .... C´est top secret
Silvestro : Oui... oui...
Momo : Si, Kadhafi aidait Taylor. Mais aussi la France envoya l´un de ses hommes pour dire qu´elle aurait appuyé le coup d´Etat... Ou mieux la France mit à disposition l´argent et dit, pour nous ça va, nous sommes avec vous... Si vous le tuez, Compaoré devient président et nous, nous reconnaîtrons son gouvernement, il n´y a pas de problème... Alors Blaise dit à Guengere - il est actuellement commandant des forces armées au Burkina Faso - de réunir un groupe de commandos fiables au Burkina Faso et Taylor fournit d´autres hommes et firent le coup d´Etat.
Silvestro : Seule la France fut impliquée ?
Momo : La France fut totalement impliquée
Silvestro : Et les Etats Unis et la CIA ?
Momo : Non, ça je ne le sais pas et je ne veux pas dire de sottises.
Allen : Le piano fut accordé par les Américains et les Français. Il y avait un homme de la CIA à l´ambassade des Etats Unis au Burkina qui travailla en étroit contact avec le chef des services secrets de l´ambassade française, eux ont pris les décisions les plus importantes.
Silvestro : Ensuite la CIA et les services secrets français...
Allen : Et les services secrets français décidèrent de mettre hors jeu Sankara. Ainsi sont les faits.
Momo : Eux apportèrent leurs hommes, quelques commandos et puis il y avait Prince Johnson, il y avait moi, nous communiquions avec des talkie-walkie, nous avions toutes les informations sur Sankara, quant il sortait ou rentrait chez lui... tout était planifié
Silvestro : Vous y étiez ?
Momo : Bien sur, j´étais au Burkina Faso, j´étais dans cette opération.
Silvestro : Et vous étiez présent quand Sankara a été assassiné ?
Momo : Oui, bien sûr, j´étais dans la pièce lorsqu´il a été assassiné.
Silvestro : Quels souvenir avez-vous de cet instant ?
Momo rit
Silvestro : Sankara attendait Blaise Compaoré pour un meeting ?
Momo : Non ce n´était pas un meeting... C´était d´importantes rencontres en cours...
Momo : Et Blaise Compaoré après avoir fait semblant de rentrer chez lui, à minuit pile, il était là, prêt à agir avec les autres... Il entra dans la pièce et il tira.
Allen : C´est lui qui tira le premier coup... parce que lui il était assis ici et Compaoré était assis là de l´autre côté de la table... Et alors il tira le premier coup, puis le second et Sankara s´est affaissé sur la chaise et mourut... Juste avant ils parlaient et Compaoré lui faisait face...
Momo : Moi j´étais à deux pas lorsque Thomas Sankara a dit : « Blaise, tu es mon meilleur ami, celui que j´appelais mon frère, et c´est justement toi qui m´assassines ? » Blaise fit un geste d´agacement et lui dit quelque chose en français - moi je ne comprends pas bien le français - puis il tira.
Allen : Si Blaise Compaoré n´avait pas tiré sur Sankara, Guengere l´aurait fait et maintenant ce serait lui le Président. Tout cela est dû à l´intérêt de l´Amérique à prendre le contrôle du Burkina Faso.
Voix off : Quoi qu´il en soit, c´est certain, le bonheur a migré ailleurs et le Burkina Faso est redevenu un des pays les plus pauvres du monde.
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Quelques commentaires
Ce documentaire nous l´espérons fera avancer les choses et suscitera, c´est indispensable, d´autres témoignages.
Nous ne croyons guère à la version qui situe l´assassinat de Sankara à minuit en présence de Blaise Compaoré qui aurait tiré lui-même. Jusqu´à preuve du contraire l´assassinat s´est déroulé en début d’après-midi. Mais il faut bien sur rester ouvert.
Cela fait longtemps que les Libériens sont mis en cause dans l´assassinat de Sankara. Jamais jusqu´ici aucun Libérien n´avait expliqué quels avaient été leur rôle. Nous doutons fortement de ce qui est raconté ici, sur le déroulement et le jour de l´assassinat, mais leur implication est encore confirmée.
On retrouve ici une nouvelle confirmation des accusations contre la France et la Libye. Mais ce qui nous semble très important c´est la mise en cause de la CIA. Ce n´est pas non plus la première fois, mais dans ce documentaire plusieurs Libériens le confirment avec quelques détails. Charles Taylor aurait travaillé en réalité pour infiltrer les révolutionnaires africains pour le compte de la CIA.
Il existe déjà différents écrits qui s´étonnent du fait que Taylor ait pu s´évader des Etats-Unis. Or peu avant la diffusion de ce film, Charles Taylor a raconté lui-même son « évasion libération » rocambolesque au cours de son procès devant le tribunal spécial pour la Sierra Léone, confirmant qu´il a été aidé.
Ajoutons que ce film a été tourné, nous en avons obtenu confirmation par le réalisateur, avant que ne paraisse le rapport de la Commission vérité et réconciliation du Libéria qui met en cause l´actuelle présidente du Libéria mais aussi une cinquantaine de personnalités.
* Silvestro Montanaro est un journaliste italien
* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org
* Vous pouvez visionner la version italienne en intégralité sur le site http://www.thomassankara.net/spip.php?article786 ou http://www.rai.tv/dl/RaiTV/
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