On dit, souvent, que notre monde bouge. C’est, certes vrai. On y ajoute presque toujours que tout change sous nos yeux. Je ne le crois pas. Change-t-il, véritablement et suffisamment, par exemple par rapport à la vision qu’il a de l’homme noir, de son passé et de sa destinée présente et future ? Je ne le pense pas. A la vérité, qu’il soit d’Afrique ou de la Diaspora, le Noir continue d’être traité, avec condescendance et quelquefois même, avec mépris.
Le simple fait que l’on veuille imposer à notre Continent, des accords dits de partenariat économique, qui hypothéqueraient, durablement, notre ambition à la prospérité et au bien-être matériel et moral ; la volonté de nous exclure (mise à part l’Afrique du Sud) de la réunion que le G 20 avait organisée à Washington et qu’on a reconvoquée, en avril, à Londres, avec, seulement, le président de la Commission de l’Union Africaine, celui ayant en charge le NEPAD et le président de la BAD, en plus, pour réfléchir sur la crise économique en cours, réformer le système capitaliste actuel et reprofiler la gouvernance mondiale, à partir de paradigmes nouveaux (…) ne constitue-t-il pas une preuve établissant, de manière indubitable, que, pour beaucoup de pays du monde développé, nous demeurons, à leurs yeux, quantité négligeable, comme c’était le cas pendant l’ère coloniale ?
Cette situation ne doit plus durer. C’est à nous et à nous seuls, qu’il incombe d’y porter la hache. Dans le combat pour inverser cette tendance, il est temps que chaque Noir se persuade que nous ne disposons pas d’armes plus efficaces et plus libératrices que le recours à notre histoire. Tous les peuples conscients des enjeux de la cohabitation avec leurs pairs et de la compétition qui se mène à l’échelle mondiale, ont en effet, élevé leur Histoire au rang d’une mythologie nationale, pour armer moralement leurs citoyens.
Je ne prendrai qu’un seul exemple.
C’est M. Alain Gresch, dans un article récent, publié par le « Monde Diplomatique » de janvier 2009, qui rappelle, avec beaucoup de pertinence, en se fondant sur les travaux de John M. HOBSON, tout ce que le monde occidental doit à la civilisation orientale et que nombre d’entre-nous savaient déjà. Il y signale, en particulier, « qu’après l’an 500, l’Orient avait, déjà, connu son propre développement économique et qu’en l’An 900, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, musulmane, étaient le berceau de la civilisation, la région la plus avancée du monde », située au centre de l’économie mondiale, avec une croissance économique considérable, fondée sur « la paix, le commerce de longue distance, des marchands musulmans, qui n’étaient pas seulement des commerçants, mais des investisseurs capitalistes » avisés , le tout secondé par des institutions rationnelles, « une comptabilité à double entrée, la pratique des contrats légaux et des partenariats ayant pour soubassement, une pensée scientifique de développement constant depuis l’an 800 ».
Dans le même article, M. Gresch signale, en s’appuyant sur les mêmes sources, qu’au XIème siècle, la Chine des Song avait déjà amorcé sa révolution industrielle, en produisant 125 000 tonnes de fer en 1078, alors qu’il a fallu attendre 1788, pour que la Grande- Bretagne en produise 76.000 tonnes. Il ajoute, sans détours, que « l’Orient a contribué, de manière active et importante, à l’émergence de l’Occident, en inventant et exportant, en Europe, ses technologies, ses institutions, ses idées ».
Evoquant, ensuite, Marcel Détienne, il rappelle que, depuis Ernest LAVISSE, la France a décidé que son Histoire commencerait avec les Grecs, c’est-à-dire, « avec un peuple admirable, puisqu’il a inventé la liberté et la démocratie » et que la notion de Renaissance, si capitale dans l’Histoire de ce pays, n’a été, en effet, inventée qu’au XIXème Siècle et non, avant, par Michelet.
Il s’agit, donc, dans le cas qui nous concerne, de choix nets et précis, d’un acte conventionnel, délibéré, d’une décision politique et idéologique sur laquelle on a articulé et bâti toute la mythologie historique nationale française, fondée sur la conception « d’une Europe exceptionnelle », « d’une généalogie directe entre l’Antiquité classique et l’Europe actuelle, en passant par la Renaissance ».
Marcelle Détienne, une fois ces précisions apportées, déclare vertement : « que l’Histoire de France commence avec les Grecs, voilà, écrivait Lavisse, dans ses Instructions, ce qu’il faut apprendre aux élèves des écoles secondaires et sans qu’ils s’en aperçoivent. Notre Histoire commence avec les Grecs, qui ont inventé la liberté et la démocratie et qui nous ont apporté le beau et le goût de l’Universel. Nous sommes les héritiers de la seule civilisation qui a offert au monde, l’expression parfaite et comme idéale de la liberté ». Voilà pourquoi, notre Histoire doit commencer avec les Grecs. A cette première croyance, est venue s’en ajouter, une autre, aussi forte que la première : « Les Grecs ne sont pas comme les autres ». « Comment, d’ailleurs, le pourraient-ils, alors qu’ils sont au commencement de notre Histoire ? ». Deux propositions essentielles pour une mythologie nationale, qui fait le plein des humanistes traditionnels et des historiens férus de nation », conclut Détienne.
Aveu ne peut être plus clair, plus catégorique.
Paul Valéry enfonce le clou, en assenant, à son tour, sans aucun complexe, que la civilisation occidentale, dans sa globalité, tire son originalité des trois sources que sont :
- Dans le domaine moral, le christianisme et plus précisément le catholicisme ;
- Dans le domaine du droit, de la politique et de l’Etat, de l’influence ininterrompue du droit romain ;
- Dans le domaine de la pensée et des arts, de la tradition grecque.
L’Apport de l’Egypte ancienne, c’est-à-dire, de l’Afrique, celui de l’Asie et de l’Islam sont, ainsi, délibérément, évacués. A partir des paradigmes ainsi posés, on a façonné l’homme occidental, tel que nous le connaissons, de nos jours. Pour défendre ces valeurs, chaque fois qu’il les croit menacées, il est prêt à tous les sacrifices. C’est au nom de ces idéaux qu’il a conquis le monde et cherche, aujourd’hui, encore, à le formater à son image.
Or, chaque fois que nous, Africains, évoquons notre passé glorieux et la geste de nos ancêtres, ainsi que l’articulation, pourtant prouvée et réelle, de notre Histoire à celle de l’Egypte Ancienne, nous voyons des doutes s’exprimer, des incertitudes fleurir et quelquefois, une honte mal dissimulée se lire dans certains regards.
Tout se passe comme si on avait oublié que l’Histoire n’est pas un produit aseptique, une discipline innocente. Dans le choix des sujets, des acteurs, des faits et des forces en mouvement, dans celui des idées, des valeurs, des concepts, des symboles, des jugements et des références, qu’il convoque, tout historien, qu’il le veuille ou non, projette, toujours, peu ou prou, une partie de son moi, de sa culture, de ses a priori conscients ou inconscients, de sa vision du monde, de l’homme et de la société.
C’est cette démarche-là, qui a inspiré tous les grands peuples du monde et tous les pays qui se sont forgés une identité, dont ils ont fait leur crédo intra, comme extra muros.
Parce qu’il était conscient de cette contrainte majeure, le regretté Professeur Joseph KI-ZERBO avait dénoncé les prétendus savants « qui regardent l’Histoire comme un liquide incolore, inodore et sans saveur de laboratoire, au lieu de la reconnaître comme un fleuve vivant ».
Si bien, qu’il n’y a qu’en Afrique, que l’on voit des régimes accéder à la souveraineté internationale, sans aborder cette grave problématique et s’accorder sans débat approfondi, pour former leur peuple et leur jeunesse dans les écoles et les universités, sur des programmes d’Histoire au contenu ambivalent, au nom d’un universalisme de mauvais aloi, manifestement mal compris.
Le même Ki-ZERBO avait, avec humour et fantaisie, décrit ce mouvement en ces termes. : « Ayant brisé la barrière coloniale, ces pays ressemblent, un peu, à l’esclave libéré, qui se met à rechercher ses parents, à l’origine de ses ascendants. Il veut, aussi, en informer ses enfants. D’où la volonté d’intégrer l’Histoire africaine dans les programmes scolaires », avant d’ajouter, plus loin, avec agacement et indignation : « Nous disons que nous en avons assez de l’Histoire raciste, sous quelque forme que ce soit. Nous n’admettons pas d’être considérés comme des instruments perpétuellement passifs, ni d’extrapoler à partir du capitalisme triomphant du XIXème siècle, pour faire de toute l’Histoire africaine, un reflet scabreux de l’Univers, un cul de sac où viennent s’éteindre les influences civilisatrices de tous les continents ».
Notre monde actuel, faut-il le rappeler, est parcouru, depuis l’aube des temps par un processus de compétition dans lequel chaque nation met en avant ses modes d’identification, les manifestations de son génie inventif, la valeur de ses hommes et femmes, la pertinence de ses idées, la sagesse de ses jugements, la beauté de sa culture, l’extraordinaire attraction de sa langue, de ses croyances, de sa philosophie morale, sociale, économique, culturelle et politique, sans se préoccuper du qu’en dira-t-on. Dans tous les contextes coloniaux identifiés à travers le monde, le vainqueur a imposé, sans le moindre complexe, ses codes, ses valeurs, sa culture et ses institutions, au nom de la prétendue supériorité de sa civilisation.
Il en découle une situation dans laquelle, la pesanteur des traumatismes socioculturels hérités du système colonial corrompt les consciences et asservit les mentalités, à un point tel que les élites en général, produit parfait de la colonisation, beaucoup plus préoccupées par le regard que porte sur eux le monde extérieur que les intérêts spécifiques de leurs concitoyens, s’installent dans une perplexité paradigmatique, qui finit par sacrifier leur moi, pour rester fidèles aux archétypes fixés par leurs Maîtres.
La conséquence de tout cela, c’est, évidemment, l’existence d’esprits complexés, qui ont, d’eux-mêmes, de leur société, de leur race, une vision si dérisoire qu’ils sombrent dans la résignation, la honte de soi, l’auto flagellation, la glorification de leur dominateur et le mimétisme de leurs modèles, les moins dignes d’intérêt.
Facteur aggravant, le Révisionnisme historique, s’il a, pendant longtemps, été un mouvement plus ou moins latent selon les rapports de force des acteurs en présence, a connu, ces dernières décennies, une vigueur renouvelée avec l’apparition d’une génération de négationnistes arrogants de la réalité historique africaine, organisés en réseaux puissants, relayés par des médiats influents, solidaires, complaisants et agressifs, pour chloroformer les esprits et manipuler les opinons, aux fins de les rendre perméables à leurs idées.
A l’heure où la combinaison de l’Informatique, de l’Audiovisuel et du Multimédia permet de transporter, en temps réel, toute information, d’un bout à l’autre de la planète, les ravages que la propagation des idées révisionnistes peut provoquer dans le monde noir sont incommensurables. Si les intellectuels d’Afrique et de la Diaspora ne se dressent pas pour conjurer ce fléau, l’Histoire de notre continent et celle de l’Homme Noir, en général, seront travesties, à tout jamais.
C’est, pour répondre à ce défi, que le président de la République du Sénégal a pensé que le 3e FESMAN devait inscrire au nombre de ses préoccupations, pour bien cerner le concept de Renaissance Africaine et celui des Etats-Unis d’Afrique, deux thématiques de la plus haute importance :
- Problématique de la résistance des peuples noirs
- Apport de l’Afrique et de sa diaspora à la science et à la technologie.
1 - Problématique de la résistance des peuples noirs
Si la résistance consiste en un effort de volonté s’exprimant par des actes, des attitudes, des comportements , des paroles, des modes de vie, des manifestations existentielles de refus individuel ou collectif, aux fins de réduire, de rejeter, de contrecarrer, ou d’annihiler les effets d’une action d’oppression, d’injustice, ou d’inégalité, conduite délibérément, pour atteindre des objectifs précis de domination, on peut, sans courir le risque d’un désaveu, considérer que cette réalité a, toujours, été présente tout au long de l’Histoire des peuples noirs.
Elle n’a, jamais disparu dans les manifestations de la vie des populations, depuis l’aube des temps, qu’il s’agisse de la période précoloniale, de la période de la traite négrière, de celle de la colonisation ou de l’ère post-indépendance.
Pour ne prendre que l’exemple de la partie occidentale du continent, elle se manifeste très nettement, à la conquête du Royaume du Ghana par les Almoravides, en 1076 et sans aucun doute, bien avant. On en trouve trace, également, dans tous les royaumes successeurs de Diara et de Sosso, de même qu’au Tékrour, au Mandé, au Songhoï (qu’on pense à l’épopée de la rébellion du Balama Sadiq contre l’Askia Mohamed Bano), au Macina, dans les royaumes Bambara, comme dans tous ceux du Walo, du Cayor, du Baol, etc., dans les communautés Mendè, Ashanti, Akan, Baoulé, Mossi, Haoussa, Djerma, Peul, Maures, Touareg, etc.
Evidemment, les régimes précoloniaux, tout comme le système colonial, ainsi que les gouvernements post-coloniaux ont, toujours, imaginé des mécanismes de répression subtile et diversifiée, qui n’ont, certes, ni la même nature, ni les mêmes moyens, ni les mêmes procédés, selon le cas considéré, mais des mécanismes destinés, toujours, à réprimer, avec la dernière énergie, tous ceux qui ont osé se dresser devant eux, pour contrecarrer leur projet d’absolutisme brutal ou refuser leur autorité, en résistant contre leur volonté hégémonique.
Avant l’implantation européenne, par exemple, le savant Ahmed Baba, reconnu comme étant la « Lumière de son temps », disposant d’une bibliothèque de 1 700 volumes, avait été exilé à Marrakech, même s’il ne semble pas y avoir été très malheureux, en raison de son statut d’intellectuel hors du commun, au lendemain du désastre de Toudibi de 1591, consécutif à l’invasion conduite par le Pacha Djouder, au Soudan nigérien.
Pour ce qui concerne, en particulier, l’administration coloniale, qui atteignit, dans ce processus, une férocité extrême, elle avait, bien avant la tenue du Congrès de Berlin de 1884-1885, institué un système visant à déporter, loin du pays, dans des terres aussi inhospitalières que la Guyane, les Antilles, le Congo, la France, ou l’Afrique du Nord, tous ceux qui avaient osé s’opposer à sa domination, dans les colonies françaises, par exemple.
Ce fut le cas de :
- Toussaint LOUVERTURE, arrêté dans un Guet-apens et déporté, en 1802, au Fort de Joux, en France, où il mourut en 1803 ;
- Sidya Léon DIOP, fils de la Reine Ndaté Yalla, qui, bien qu’adopté par Faidherbe et envoyé au Lycée d’Alger, s’était rebellé contre la France. Exilé au Gabon, à Ningué, il y perdit la vie. Il y a, là, l’échec le plus éclatant de la politique d’assimilation au Sénégal, au milieu du XIXème Siècle.
- Houmbo, 2ème Chef de Cotonou, transféré en 1886 au Castel de Gorée et mis aux fers avant sa déportation ;
Le 30 septembre 1887, Paris avait publié le Code de l’Indigénat, corpus juridique qui était une sorte d’adaptation du Code Noir de 1685, reprenant quelques-uns des principes de répression coloniale, qui avaient été expérimentés, aussi bien aux Amériques, que dans les colonies allemandes d’Afrique Orientale, Australe, Centrale et Occidentale.
Au nom de ce texte, Niokhobaye DIOUF, Roi du Sine fut exilé au Gabon en 1891, pour une période de 17 longues années. Béhanzin, Roi du Dahomey, sera, lui aussi, envoyé en Martinique, d’abord, en 1894, à Blida, en Algérie, ensuite, en 1906, où il mourut, alors qu’il venait, à peine, d’avoir 65 ans. Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la Mouridya, sera, lui aussi, exilé à Mayombé, au Gabon, en 1895, puis à Saout-El-Ma, en Mauritanie, en 1903, avant d’être assigné en résidence surveillée, à Thiéyène, dans le Djoloff, en 1907 et à Diourbel, en 1912. Samory TOURE connaîtra le même sort, en 1898, avant de mourir, deux années plus tard, en 1900, etc.
Cette résistance admirable contre la domination, l’oppression et l’injustice, n’a jamais, connu de répit véritable. Sous des formes diverses elle se poursuit, encore, aujourd’hui, sous nos yeux, dans tous les pays africains, au nom d’idéaux de démocratie, de liberté, de justice, d’égalité, de solidarité, de participation, de refus de l’exclusion, de dignité, de défense de l’identité noire, etc.
Voilà pourquoi, il faut rendre un hommage mérité au Président Abdoulaye WADE, pour avoir, dans « Un Destin Pour L’Afrique », attiré l’attention des Historiens africains sur cette notion de « résistance permanente » des Peuples Noirs, si vitale, pour une bonne compréhension et une intelligibilité correcte du passé de nos ancêtres, mais aussi de notre présent. Si cette idée fondamentale était parfaitement intériorisée, le monde noir aurait fait de la tolérance et du dépassement, son étendard emblématique. Notre rapport à la démocratie s’en trouverait substantiellement modifié.
Evidemment, cette résistance a été multiforme. Elle peut être active, passive, violente, physique, morale, spirituelle, linguistique, vestimentaire, architecturale, axiologique, mystique, pour tout dire, culturelle, ou autre. Elle peut s’exprimer dans les consciences individuelles, dans le cadre familial, local, associatif, villageois ou urbain, national ou régional.
Elle se manifeste, souvent, dans les mythes ésotériques, dans les narrations verbales, écrites, imagées ou symboliques, dans des contes ou proverbes, dans des récits épiques, dans des systèmes de computation endogène, dans l’invention d’un langage codé, dans des signaux ou des gestes particuliers, dans des danses conventionnelles, dans une tradition orale normative, dans la Théologie, dans l’Archéologie, dans l’enfouissement volontaire des valeurs sacrées, dans les modulations comportementales, tout comme dans le camouflage à travers les antonymes, les toponymes, ou bien dans la fonction assignée à l’Art, dans les mystères de la Pharmacopée, dans le recours à l’ethnobotanique, ou à l’éthnogéologie, ou encore dans les variations des sonorités d’un simple instrument de musique, sans parler des particularités culinaires, etc, etc. Cette énumération n’épuise, nullement, le sujet.
L’histoire, ayant pour objet l’homme et la société dans leurs interrelations avec les autres et avec l’environnement, pour paraphraser Fustel de COULANGES , est, à ce titre, toujours, présente, partout, où l’humain a déployé son activité. Elle est connaissance des hommes, explication de leur démarche, formatage de leur conscience, parce qu’elle permet, en faisant recours au passé, de comprendre le présent et quelquefois, de préparer l’avenir.
A partir de cette dimension-là, la place qu’elle occupe dans les consciences des peuples et des individus, dans leur manière de se concevoir et de se voir, d’être et d’apparaître, est quelquefois, si déterminante qu’elle conditionne le mental collectif de toute une nation, au point de moduler son comportement, dans chacun des moments de l’activité existentielle, selon les matériaux qu’elle utilise, la manière dont elle les combine et l’usage qu’on en fait. C’est, sans doute, en pensant à tout cela, que Paul VALERY disait « qu’elle était le plus dangereux produit que la Chimie de l’intellect ait pu élaborer».
Le monde noir a connu une trajectoire historique complètement irriguée par l’action de forces endogènes, dynamiques et créatrices, mais, hélas, totalement déformées par celle des forces exogènes. La traite négrière, la domination coloniale, l’Apartheid, ont provoqué des pathologies socioculturelles, dont les conséquences n’ont pas, encore, été complètement identifiées, quantifiées, étudiées et décrites dans leur mode d’expression et leurs conséquences multiformes.
La colonisation, j’ai l’habitude de le dire, n’a pas seulement été un simple processus d’occupation territoriale, d’exploitation économique et de domination politique. Elle a, surtout, été un processus lent, pesant, profond et massif d’aliénation culturelle, opérant selon un mode de dé-cérébration et de re-cérébration.
Si, dans l’esprit des élites de l’Afrique contemporaine, ne subsistent, presque, plus des idées aussi sottes et saugrenues, que « nos ancêtres étaient les Gaulois », le formatage colonial n’a pas moins macéré celui-ci, avec une telle prégnance et une si forte intensité, que 50 années après les indépendances africaines, les générations aussi bien actuelles, que celles qui les ont devancées, demeurent, encore, l’otage, le plus souvent inconscient, des préjugés des écoles de pensée et du corpus axiologique du monde colonial et post colonial.
Immergées dans cette confusion paradigmatique, nombre d’élites ont, encore, beaucoup de mal à trouver leurs repères. Elles nagent dans le magma informe d’une identité mal maîtrisée, qui les fait agir et parler, beaucoup plus en fonction des influences, qu’elles ont subies, que des intérêts fondamentaux de leur peuple.
Victimes du brouillage idéologique et culturel dans lequel, les populations africaines ont été durablement exposées, elles sont devenues les victimes inconscientes d’un processus de conditionnement psychologique, qui les manipule à sa guise. L’une des conséquences de cette situation a fait de beaucoup d’intellectuels africains, des êtres sans âme, en quête perpétuelle de leur moi intrinsèque, devenus, par la vigueur des traumatismes socioculturels encourus, d’authentiques étrangers à leurs semblables. Nehru, dans « Toward Freedom », a décrit ce drame avec des accents inégalables.
Ceux qui sont parvenus, par un effort personnel, à sortir de cette aliénation destructrice, ne sont, hélas, qu’une minorité.
Voilà pourquoi, notre continent a du mal, parmi d’autres facteurs, à rompre avec le passé colonial et ses prolongements néocoloniaux, pour concevoir et définir des stratégies de rupture, qui sont, pourtant, autant de pré-requis, pour l’avènement dans notre continent, d’une indépendance véritable, lui permettant de dialoguer à égalité de dignité et de respect avec tous ses interlocuteurs, sans complexe d’aucune sorte et de marcher, résolument, vers les Etats-Unis d’Afrique.
C’est le Professeur M. Théophile OBENGA, théoricien brillant et réputé de la Nouvelle Histoire, qui nous apprend que « tout enseignement neuf est, nécessairement, une mise en évidence des refus, voire des audaces et des ferveurs ». Et il précise : « Ce n’est pas illogique ». J’ajoute qu’aussi longtemps que nous manquerons de confiance en nous-mêmes et que nous chercherons le salut de nos populations dans le mimétisme servile de modèles étrangers, en tournant le dos à notre passé, à notre culture, à nos valeurs et au génie de notre race, nous irons de désillusion en désillusion, d’échec en échec. Nous serons, toujours, les laissés pour compte du développement, la lanterne rouge des nations. Nous n’oserons, jamais, exploiter d’autres itinéraires avec la volonté de parcourir le chemin que d’autres pays, que d’autres continents ont mis des siècles à couvrir.
Qu’on me comprenne bien !
Je ne préconise pas qu’on réinvente l’Histoire. Je demande, seulement, que nous partions de l’axiome fondamental, selon lequel, notre continent n’a aucune honte de son passé. Il renferme des gisements de prospérité, de bien-être, de bonheur et de paix insoupçonnés. Sa contribution au patrimoine de l’Universel a été irremplaçable et n’eussent été les siècles obscurs de la traite négrière, de la domination coloniale et néocoloniale et des pesanteurs de l’Apartheid, il ne fait aucun doute que l’Afrique, qui avait pu soutenir, avantageusement, la comparaison avec le reste du monde, jusqu’aux XVème - XVIème siècles, en gros, compterait, aujourd’hui, indubitablement, parmi les Leaders les plus respectés et les plus prospères de la planète.
Si les colonisateurs ne se gênent plus pour réécrire l’Histoire de la colonisation, sous des oripeaux d’Humanisme flatteur et d’autosatisfaction exubérante, avec une volonté intense de révisionnisme, qui proclame, sans détours, qu’elle « rejette la repentance », pourquoi devrions-nous nous abstenir, au nom de je ne sais quelle lamentable pudeur de mauvais aloi, de proclamer, haut et fort, à la face du monde, notre opinion sur nos rapports avec nous mêmes et avec le reste du monde.
Si Toussaint Louverture, Marcus Garvey, Cheikh Anta Dop, etc., ont marqué, durablement, les consciences de millions d’Africains et de la Diaspora ; si Aimé Césaire, Frantz Fanon, Abdoulaye Ly, Kwamé Nkrumah, Ahmet Sékou Touré, Patrice Lumumba, Modibo Keïta, Julius Nyerere, Samora Machel,, et bien d’autres, ont dit non à la domination, non à l’esclavage, non à la colonisation, en des termes ou sous des formes qui gonflent le cœur de chaque noir de fierté et d’admiration, c’est parce qu’ils avaient foi en leur race, en sa capacité à relever les défis. C’est parce qu’ils avaient foi en la grandeur et en l’avenir de leur Continent.
Bien avant les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, des Noirs se sont dressés dans le continent africain, lors des expéditions consacrées à la capture et à la vente des esclaves (…), pendant leur entassement provisoire, dans les esclaveries d’Angola, de Ouidah ou de Gorée, pendant la traversée de l’Atlantique, comme dans les territoires d’implantation de la Caraïbe ou des Amériques. Malheureusement, la recherche historique n’a pas, encore, recensé, totalement, l’ensemble de ces manifestations de résistance, dont le rôle, dans la prise de conscience de la domination et de l’oppression est, pourtant, capital.
J’ose espérer que les Historiens africains du Continent et de la Diaspora, ainsi que leurs gouvernements, prendront, le plus rapidement possible, toutes les initiatives idoines, en termes de volonté politique et de moyens financiers, pour que les éléments épars de cette précieuse saga soient défossilisés, connus et reconnus, au profit de toute l’Humanité.
Combien de Noirs connaissent les noms de Anthony Amo de Guinée, d’Ignatino Soncho, de Otobah Cuguano, de Alaudah Equiano, de James Somerset, pionniers, pourtant admirables, de la résistance africaine ? Combien de manuels d’Histoire, en Afrique et dans la Diaspora, mentionnent ceux de Crummel Alexander, de Delany Martin, de Blyden, de Volney, de Horton, de Africanus Wilmot, de Weindorf C.C, de Abbé Moussa, Abbé Fridoil, Abbé Boilat, de Samuel Johnson, de Caseley-Heyford, d’Anténor Firmin, de Benito Sylvain, champions de la réhabilitation du passé Africain et de la dignité de l’Homme Noir ?
A la vérité, les résistances du monde noir ont été, non seulement, très très nombreuses pendant les guerres esclavagistes dans toutes les zones concernées, mais aussi, pendant plus de 3 siècles de traversées de l’Atlantique. Elle se sont, en plus, développées, également, dans les territoires actuels du Brésil, de Panama, de la Nouvelle Grenade, du Venezuela, de la Colombie, du Mexique, de la Bolivie, du Pérou, de Haïti, des Etats-Unis, où des Etats noirs autonomes ont, parfois, vu le jour. Dans « Un Destin pour l’Afrique », Abdoulaye WADE en dresse une liste impressionnante « Capitaine Cudjo, Colonel Johson, Mme Nanny, le chef Tacky, le colonel Montague, le capitaine Léonard Parkinson, Jack Manson, Charles Shaw, Sam Sharp ».
Lorsque la colonisation fut lancée, les résistances à la pénétration étrangère ont impliqué à l’intérieur du continent des figures aussi illustres qu’El Hadji Oumar Foutiyou Tall, le chef Hendrik Wittbois de Namibie, le chef Makomba de Mozambique, le Moro-Naba de Haute-Volta, Ménélik II, et bien d’autres chefs, ou simples citoyens, ouvriers, paysans, ou autres, qu’il serait long d’évoquer.
A l’extérieur du Continent, des noirs comme Booker Washington, Du Bois, Price-Mars, Henry Sylvester, nombre d’animateurs des congrès pan noirs , les sociétaires du comité de défense de la race nègre et de la ligue universelle de défense de la race noire, tous ceux de l’Union Inter coloniale, les organisateurs de la Conférence de Bruxelles de 1927 contre le colonialisme et l’impérialisme, les animateurs du Mouvement de la Négritude, les étudiants des colonies françaises, britanniques, portugaises et arabes, les leaders politiques, les écrivains et artistes noirs, réunis en 1956 à la Sorbonne et en 1959 à Rome, participent aux mouvements de résistance, selon des moyens, des styles et des enjeux variés.
(…) Le rôle de la plupart d’entre eux sera déterminant dans la tenue du Congrès Panafricain de Manchester de 1945, dans celle du VIe Congrès Panafricain de Kumasi, dans la participation de notre continent à la Conférence de Bandoeng d’avril 1955, tout comme dans les premières Conférences d’Accra d’avril 1958 et dans celle de décembre 1958.
Le distingué Professeur Elikia Mbokolo,dont on ne dira jamais assez, le rôle incommensurable dans le combat pour la réhabilitation de l’Histoire africaine, nous rappelle fort à propos, dans une page célèbre du Mouvement Panafricaniste du XXème siècle, que déjà : « Dès la 2ème moitié du XIXème siècle l’histoire, comme discipline scientifique allait occuper une place de premier plan dans les préoccupations des activistes engagés, aussi bien aux Nations-Unies, qu’en Afrique Occidentale et Australe, dans la défense et l’illustration de l’Afrique et de ses populations,
Si certains d’entre eux réfutent les thèses d’Arthur Gobineau et de Hegel, d’autres, dès cette époque matinale, évoquent, déjà, l’idée de l’Afrique, berceau de l’Humanité, celle de l’antériorité des civilisations nègres, l’exemplarité de l’Ethiopie, à travers sa longue histoire, l’éclat de la vie politique, économique, culturelle et scientifique des Etats africains, au Moyen-Âge, les fastes étincelants de Tombouctou, les ravages de la traite négrière et de l’esclavage, la capacité de survie des sociétés africaines, confrontées aux intrusions les plus destructrices, les résistances africaines à l’esclavage et aux dominations étrangères, la proximité entre l’islam et les cultures africaines.
Tout au long de l’Histoire du Panafricanisme, conclut le brillant chercheur, la protestation intellectuelle et la créativité culturelles allaient, ainsi, accompagner les luttes proprement politiques. La naissance de Présence Africaine en porte témoignage, ainsi que la publication d’articles politiques, culturels, scientifiques ou historiques (…).
Il découle de ce qui précède, que la longue saga du peuple africain et de sa diaspora, au service de la résistance, est une série d’engagements, de combats, et d’expériences aussi obstinés, les uns que les autres, qu’aucun autre peuple n’a connues dans le monde.
Si le peuple africain n’a pas sombré, c’est qu’il dispose d’une capacité de résistance, d’une force d’abnégation, d’un courage inoxydable, d’une ténacité et d’une volonté de survie hors du commun.
Depuis l’accession des Etats africains et de ceux de la diaspora à la souveraineté internationale, le combat des populations, pour la dignité, la justice, la liberté, la démocratie, les droits humains, la paix, la sécurité et le bien-être matériel et moral n’a connu aucun répit. Dommage que certains historiens, en dépit de leurs immenses qualités, parlent, à tord, « d’Afrique pacifiée » ou bien « d’une conquête de l’Afrique », notions, à mon avis, excessives, qu’on retrouve, pourtant, jusque dans les programmes officiels enseignés dans nos écoles et dans nos universités.
A la vérité, pour celui qui va au fond des choses, l’Afrique et sa diaspora n’ont jamais été, véritablement, conquises et leurs populations n’ont, vraiment, jamais été totalement pacifiées, mis à part quelques îlots, ça et là, dispersés. Leurs combats continuent, encore, de nos jours, sous des formes variées, à s’exprimer dans les différents domaines de l’activité existentielle, au sein de chacun de nos Etats. Cette image d’un peuple héroïque, d’un peuple debout, qui n’a jamais baissé les bras, qui ne s’est jamais agenouillé, constitue, certainement, le viatique le plus sûr, pour conscientiser les générations actuelles et futures et pour libérer, définitivement, l’homme africain de la peur et du manque de confiance en soi et forger sa personnalité.
Le Colloque International, consacré à l’Afrique et à sa Diaspora sur cette thématique, a, précisément, pour mission, de fournir l’occasion aux chercheurs de revisiter, d’identifier toutes les formes de résistances, d’en dresser la typologie, de les étudier, avec précision, pour en tirer des motifs de fierté, des raisons de réarmement moral et des leçons pour le présent et pour l’avenir. Certes, tout récemment, le Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique (CODESRIA), a lancé un SOS et a tenu, du 27 au 29 octobre 2008, au Kenya, une conférence intitulée : « Relire l’Histoire et l’Historiographie de la domination et de la résistance en Afrique pendant la période d’avant indépendance », à laquelle, les historiens de 14 pays africains ont participé. Il a, même, adopté une déclaration importante, dite de Kampala, sur l’histoire africaine.
Les chercheurs présents, ont produit un important travail qui mérite d’être salué, un travail dont l’approche et la méthodologie présentent, évidemment, des similitudes avec notre démarche, mais également, de substantielles différences, en ce qui concerne, surtout, la séquence temporelle étudiée. Pour notre part, qu’elle soit violente, ou passive, ouverte ou camouflée, la résistance a précédé et dépassé la période d’avant les indépendances et a, chaque fois, entraîné des conséquences, dont on n’a pas, encore, fini d’évaluer tous les effets.
(…) Il est important de mettre un accent particulier sur le fait que, même dans les zones où le système colonial croyait s’être le plus solidement implanté, la contestation était permanente, les protestations courantes, les revendications incessantes, en faveur de l’égalité, de la justice et de la démocratie. Ces manifestations s’expriment sous tous les registres, y compris, à travers les religions du territoire et leurs rituels secrets, les cadres d’expression des religions révélées, dans les ethnies, dans les familles, dans les lieux de travail, dans les quartiers, etc.
C’est le cas du Sénégal, où, bien qu’établie à Saint Louis dés 1659, de manière rudimentaire, la France, devra végéter pendant prés de 2 siècles avant d’oser amorcer la tentative de conquête du pays, dont les populations avaient, pourtant, bénéficié à Saint Louis et Gorée du Code civil, dès 1830, de la citoyenneté, dès 1833 et de l’abolition de l’esclavage et du suffrage universel, du droit d’élire un député au Palais Bourbon, dès 1848, du Régime des Communes de Plein Exercice, dès 1872, sans parler du droit d’association, du droit de réunion, du droit de manifestation, de la liberté de presse, etc.
Quand la tentative de conquête commença en 1854, ce sont à quelques 248 actes de guerres et de belligérance, entre janvier 1955 et décembre 1956, que le gouverneur Faidherbe dut faire face, à cause de la résistance des chefs locaux.
(…) Ces figures emblématiques de la résistance développent, presque toujours, un argumentaire de rupture, un plaidoyer ouvrant des perspectives nouvelles articulées, pour l’essentiel, au passé de la région concernée.
Certes, tout le monde n’a pas été résistant. Il y a bien eu des collaborateurs et, même, des traîtres à leur race et à leur patrie, comme il en existe partout. Mais, ils ne sont jamais parvenus à renverser durablement le cours des choses
L’indépendance acquise, le mouvement, loin de s’arrêter, s’est poursuivi. Pourquoi ? Sous quelles formes et à quelles fins ? Selon quelles méthodes ? Chacune de ces questions mérite réponse. L’entrée en scène de nouveaux acteurs et de nouveaux contextes modifie tout naturellement la donne. Mais, la lutte n’en continue pas moins. Il apparaît, ainsi, que l’Homme Noir a, toujours, été debout pour faire face à la domination et l’oppression. Sa résistance a été, partout, omniprésente.
Il y a, là, une dimension fondatrice, articulée à des comportements, à des valeurs et à des références capables de libérer, totalement, l’homme africain, des fantasmes coloniaux et post-coloniaux, qui ont gangrené son esprit.
Il y a, là, une démarche capable de le décomplexer, de le réarmer moralement, de lui insuffler une volonté permanente de courage, de dignité, de liberté, un goût de la démocratie, de la justice et du droit, un refus systématique de baisser les bras, de s’agenouiller ou de se coucher. Le refus, en plus, de l’humiliation, de la honte de la soumission au plus fort, au plus riche, au plus puissant, au nom du droit de chaque être humain de s’élever contre ce que sa conscience abhorre.
Dans le contexte de la mondialisation actuelle, qui, en agissant par uniformisation et par standardisation , taille toutes les société sur le même patron et fait abstraction de leurs spécificités culturelles, si nous parvenons à élever ce message, au rang d’un viatique, dont chaque Africain s’armera, dans le combat pour sortir notre continent de l’aliénation, de la domination, de la sujétion, du mépris culturel, de la marginalisation économique, diplomatique, nous l’aurons sauvé du naufrage, qui le guette et des velléités de reconquête impériale.
Il faudra, pour cela, que les enseignants d’Histoire, leurs associations professionnelles, leurs instituts de recherche, leurs chercheurs, leurs communicateurs traditionnels s’organisent en réseaux, repensent le contenu des programmes et des enseignements, créent de nouveaux outils d’apprentissage.
Il faudra une politique vigoureuse dans laquelle, les traditionnistes, les archivistes, les instituts, les musées, les archéologues, les linguistes, les anthropologues, les sociologues, les historiens, les groupements de jeunes, s’impliquent dans ce combat, qui nécessitera des moyens et des soutiens politiques et financiers, capables de les transformer en synergies positives.
L’histoire africaine sera, alors, investie, dans les magazines, dans les bandes dessinées, dans le cinéma africain. Des pages d’Histoires seront, régulièrement ouvertes, dans les journaux, dans les radios, dans les télévisions, dans les cybercafés et sur Internet. Des clubs d’Histoire seront créés dans toutes les écoles élémentaires, moyennes, secondaires et universitaires. Des pièces de Théâtre à caractère historique, des chansons, des poèmes, des manuels de vulgarisation seront produits, pour toucher le plus grand nombre. Des olympiades d’Histoire, à l’échelle nationale et continentale et à celle de la Diaspora, avec des prix et des distinctions honorifiques, seront encouragées. Des historiens africains seront honorés, mieux écoutés et plus respectés, qu’ils ne le sont actuellement.
Ainsi, une conscience historique nouvelle verra le jour, pour prendre en main, le destin de notre Continent, dans la continuité de tout ce que nos prestigieux devanciers ont entrepris, depuis l’aube des temps. Or, quand la conscience est éclairée, le combat au service de l’Afrique ne peut que sourire d’espoir et de réconfort, car la conscience, a dit quelqu’un, est, toujours, un pouvoir.
Tel doit être le sens véritable de notre combat.
A suivre : Apport des Noirs à la science et à la technologie
* Iba Der Thiam est agrégé d'Histoire. Il a fait partie du Comité scientifique de l'UNESCO chargé de rédiger l'histoire générale de l'Afrique. Actuellement, il est président d'honneur du comité scientifique du FESMAN
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