Les forces patriotiques, républicaines et démocratiques en Afrique et dans la Diaspora ont de meilleures perspectives pour reconstruire un puissant mouvement panafricaniste. Elles ont identifié les obstacles à surmonter et les nouvelles opportunités d’alliance qui s’offrent à elles, pour réaliser cet objectif.
Le 25 mai 2013, L’Union africaine (Ua) commémore les 50 ans de la création de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), sous la bannière du «panafricanisme » et de la « Renaissance africaine ». C’est cet évènement historique qui nous autorise à nous interroger sur le «panafricanisme », pour interpeller nos chefs d’Etat, et exhorter nos peuples à se réapproprier cet idéal dans les conditions de nouvelles opportunités que nous offre ce début du XXIème siècle.
Le terme «panafricanisme » évoque à la fois un mythe historique et une aspiration réelle des noirs d’Amérique et d’Afrique pour leur émancipation. C’est pour cela, comme toutes les grandes idées qui ont pu rassembler des peuples aspirant à plus de liberté et de dignité, le contenu du «panafricanisme» a subi l’influence des bouleversements économiques, politiques et sociaux qui ont marqué le monde du XIXe et du XXe siècle, et les péripéties des luttes de libération politique, économique et sociale des peuples et classes sociales dominées et exploitées par le mode de production capitaliste, à tous ses stades de développement.
Il est donc utile, en parlant du «panafricanisme», de procéder à un bref rappel historique de l’évolution de cette grande idée, pour ensuite évoquer les obstacles que ses adeptes ont dû rencontrer pour la matérialiser, avant de se pencher sur qu’elle peut devenir au début de ce XXIe siècle.
BREF RAPPEL HISTORIQUE
Le rappel historique du «panafricanisme» révèle trois grandes étapes dans son évolution : sa naissance et son développement avant la première guerre mondiale (1914-1918), l’étape d’entre les deux guerres mondiales et la période post indépendance des Etats d’Afrique à partir de 1960.
NAISSANCE ET DEVELOPPEMENT DU PAN AFRICANISME
Le concept du «panafricanisme», comme le mouvement qu’il a enfanté, reviennent au Dr William Dubois, aux Etats Unis, dont le but était de faire comprendre aux Noirs de ce pays, leur égale dignité et leur égalité en droit avec les Blancs qui sont consacrées par la Constitution américaine depuis la fin de la guerre de sécession.
Cette guerre avait opposé le Nord, en début d’industrialisation et en quête de main d’œuvre bon marché « libre de toute chaine », au Sud agricole, dont le système de production reposait encore sur l’esclavagisme que tolérait la première Constitution américaine issue de leur guerre d’Indépendance, en contradiction avec son crédo proclamant que « les hommes naissent libres et égaux » et qui est au fondement de leur « Déclaration historique des Droits de l’homme ».
Dr Dubois et ses compagnons ne pouvaient plus accepter, que plus d’un siècle après les amendements portés à cette Constitution pour reconnaître l’égalité en droit des Noirs et des Blancs d’Amérique, les Noirs ne pouvaient pas jouir de leurs droits civiques au même titre que les blancs. Cette revendication des Noirs, pour la jouissance des mêmes droits civiques que les blancs d’Amérique a été la première forme historique du «panafricanisme» qui a donné naissance, aux Etats Unis, à une puissante organisation, l’Association Nationale pour l’émancipation des peuples de couleur (Naacp).
Mais les succès encore timides de cette lutte, face aux nombreux obstacles de type réglementaire et culturel dans de nombreux Etats, particulièrement dans le Sud, ont suscité le besoin, chez une frange de noirs Américains, de retourner à la « terre natale d’Afrique » pour réaliser leur aspiration à s’émanciper. Ce besoin fut pris en charge par un Américain originaire de la Jamaïque du nom de Marcus Garvey, qui a donné naissance au mouvement «pan-négriste», ou «harveyisme», comme une variante de l’aspiration des Noirs d’Amérique à plus d’émancipation par leur retour en Afrique. C’est cela qui a donné le contenu hydride à la recherche pour l’émancipation des noirs d’Amérique : la conquête des droits civiques sur place, et le retour en Afrique pour construire des Etats libres et indépendants.
Ainsi, autant le «pan-négrisme » de Harvey affaiblissait le rassemblement le plus large possible des noirs d’Amérique pour la conquête de leurs droits civiques, autant il ouvrait des perspectives de connexion avec les luttes des peuples d’Afrique pour leur émancipation du joug colonial et pour leur unification au sein d’un Etat libre et indépendant.
LA PERIODE ENTRE LES DEUX GUERRES MONDIALES
Cette période est marquée par deux évènements : la connexion de la variante du panafricanisme incarnée par Dr Dubois à la diaspora noire en Europe, particulièrement en France et en Angleterre et la naissance de la « Négritude ».
Alors que le panafricanisme liait l’émancipation des noirs d’Afrique à la conquête de l’Indépendance de ces peuples au sein d’un Etat Fédéral, la négritude limitait cette émancipation à l’affirmation de l’apport culturel spécifique des noirs à la civilisation de l’Universel. C’est ainsi que le panafricanisme fut politiquement incarné en Afrique par Dr Dubois et le Ghanéen Nkrumah, en vue de créer de grands rassemblements des peuples d’Afrique pour l’indépendance et l’unité des peuples du continent, en solidarité avec la lutte des Noirs d’Amérique pour la conquête des droits civiques.
Cette aspiration politique trouvait sa justification culturelle et économique dans les travaux du professeur sénégalais Cheikh Anta Diop. C’est ce panafricanisme qui a donné naissance en 1945 au Rassemblement démocratique africain » (Rda) dans les colonies françaises d’Afrique, alors qu’un tel rassemblement n’eut pas lieu dans les colonies britanniques d’Afrique, malgré l’émergence, à côté de Dubois et de Nkrumah, de fortes personnalités politiques qui y incarnaient cet idéal, comme Jomo Kenyatta du Kenya et Julius Nyerere de Tanzanie.
Par contre, les tenants de la négritude, incarnée par le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Mauricien, Aimé Césaire étaient opposés à l’Indépendance et militaient pour une Union avec la France pour Senghor, ou le maintien des colonies comme partie intégrante de la France sous forme de Départements d’Outre Mer pour Césaire.
Ainsi, à la solidarité panafricaniste entre les noirs d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique, pour l’indépendance des peuples colonisés et la conquête des droits civiques aux Etats unis, la négritude opposait une solidarité entre les noirs d’Afrique et de la Diaspora pour la défense de l’apport culturel des noirs à la civilisation universelle. Cette division du mouvement pour l’émancipation des noirs d’Afrique et de la Diaspora empêchait l’avènement d’un vaste mouvement mondial des Noirs pour matérialiser les objectifs du Pan africanisme.
La Négritude a donc pris historiquement le relais du harveyisme dans l’évolution des luttes des noirs pour leur émancipation. Cette division historique fut accentuée en Afrique, sous domination Française, par l’éclatement du Rda dans les années 50, comme conséquence de la Loi cadre de 1956 que le gouvernement colonial Français avait adoptée pour accorder l’autonomie interne à chaque territoire colonisé, à la place de l’autonomie interne dans le cadre des Fédérations de l’Afrique occidentale française (Aof) et de l’Afrique équatoriale française (Aef) qui constituaient la Colonie française en Afrique.
A ce recul historique de l’organisation des peuples d’Afrique pour leur émancipation, avaient réagi les marxistes léninistes issus des Colonies françaises d’Afrique, pour créer, en 1957, le Parti africain de l’indépendance » (Pai), sous la direction du Sénégalais Majmouth Diop, avec des sections de territoire ; et l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire » (Ugtan), sous la direction du Guinéen Ahmed Sékou Touré dans le cadre des territoires de l’Aof.
Dans ce contexte, la démarcation de Pr Cheikh Anta Diop, pour construire, dans cette lutte pour l’indépendance et l’unité des peuples d’Afrique, une alternative politique pour mieux refléter sa conception de l’émancipation des peuples d’Afrique, n’a pu dépasser les frontières étroites du territoire du Sénégal, malgré ses nombreux adeptes en milieu universitaire en Afrique et dans les Caraïbes. Cette dispersion des forces acquises à l’émancipation des Noirs incarnée par le panafricanisme, a permis aux tenants de la «négritude» de refuser l’indépendance que proposait la France lors du référendum de septembre 1958, en appelant à voter massivement pour l’Union avec la France dans tous le territoires d’Afrique française, à l’exception notoire de la Guinée, sous la direction de Sékou Touré, qui accédait, à cette occasion, à l’indépendance nationale de ce territoire.
La Guinée sous Sékou Touré rejoignait ainsi le Ghana sous Nkrumah, pour incarner l’aspiration des peuples d’Afrique à l’émancipation sous le drapeau du panafricanisme.
Mais, chassée d’Indochine par le mouvement de libération nationale sous la direction de Ho Chi Min, et confrontée à la lutte armée du peuple Algérien pour l’indépendance contre son statut de Département français d’Outre-mer, la France dût se résoudre dans ses territoires d’Afrique noire, à transmettre en 1960, le pouvoir à ceux qui ne voulaient pas l’indépendance et qui, deux ans au paravent, avaient mobilisé leurs peuples pour la refuser.
LA PERIODE POST INDEPENDANCE
La manière dont les peuples d’Afrique ont accédé à l’indépendance a créé une situation nouvelle, caractérisée par l’avènement de deux camps politiques qui s’affrontaient dans la construction de l’unité africaine dans l’objectif de créer de meilleures conditions politiques et économiques pour l’émancipation des peuples d’Afrique, non plus seulement d’Afrique noire. En effet, les pays indépendants d’Afrique sont constitués de peuples noirs et de peuples arabo-berbères, ce qui donnait au pan africanisme un contenu non exclusivement nègre. Ces deux groupes furent :
- le groupe panafricaniste de Rabat, capitale du Maroc, qui proposait l’unité fédérale des Etats d’Afrique devenus indépendants,
- le groupe de Monrovia, capitale de Sierra Léone, qui militait pour une approche par « cercles concentriques », fondée sur la base, d’une part, de l’intégration des économies des Etats de la Zone franc, sous le contrôle politique et économique de la France, et celle, d’autre part, des économies des ex-colonies Britanniques dans le cadre du Commonwealth sous l’égide de l’Angleterre. .
Mais le fondement véritable de cette divergence d’approche reposait sur l’attitude à adopter vis-à-vis des pays anciennement colonisateurs. Cette divergence de fonds se retrouvait dans les différends qui opposaient Nkrumah, Nyerere, et Sékou Touré, d’une part, à Senghor et ses alliés d’autre part.
C’est dans ce contexte que, le 25 mai 1964, un compromis fut trouvé entre les deux groupes, pour créer l’Organisation de l’unité africaine (Oua), sur la base du respect de l’intangibilité des frontières issues du colonialisme, de la coopération entre les Etats, de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et la solidarité avec l’African National Congress (Anx), contre l’apartheid en Afrique du Sud et avec les luttes de libération nationale dans les colonies portugaises et en Afrique Australe.
Ce compromis a fortement contribué à l’indépendance des peuples sous domination coloniale portugaise, en Afrique Australe, et à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, par l’aide politique et économique mobilisée par l’Oua à cet effet. Le rêve du panafricanisme d’une Afrique débarrassée du joug colonial et de l’apartheid a été ainsi traduit en réalité.
Cette victoire politique de l’Oua a été facilitée par l’aide militaire et économique des pays socialistes, particulièrement de l’Union soviétique, de Cuba et de la Chine, aux mouvements de libération nationale et à l’Anc.
Cependant, l’Oua n’est pas parvenue à créer les conditions d’intégration économique des Etats d’Afrique ainsi libérés, même à travers une approche d’intégration sous régionale, particulièrement dans la période de l’effondrement du camp socialiste d’Europe de l’est. En effet, l’existence et le renforcement de la Zone franc et du Commonwealth ont été, entre autres, les obstacles majeurs à la réalisation de l’Unité africaine pour matérialiser les aspirations des peuples d’Afrique à l’émancipation économique et culturelle.
LES OBSTACLES
D’autres circonstances ont aggravé ces obstacles majeurs pour vider le panafricanisme de son contenu émancipateur. On peut citer, sans être exhaustif :
- Au plan politique : c’est essentiellement le soutien des Etats Unis au Portugal colonial en lutte dans ses colonies contre les mouvements de libération nationale, et les régimes coloniaux d’apartheid en Afrique Australe et en Afrique du Sud ; cela a affaibli les liens historiques entre le mouvement d’émancipation des noirs d’Amérique et celui des peuples d’Afrique.
- Au plan économique, ce sont les programmes d’ajustement structurel, dans les années 1980 et 90, qui ont permis la confiscation de la souveraineté économique et alimentaire des Etats d’Afrique à travers les politiques de libéralisation et de privatisation, pour les intégrer davantage dans le marché capitaliste mondial ; cela a eu comme conséquence, une polarisation accrue des pays du Maghreb africain par les économies européennes du pourtour méditerranéen, au détriment d’une politique d’intégration avec le reste de l’Afrique.
- Au plan culturel, ce sont la persistance de la division de l’Afrique entre Francophone, Anglophone et Arabophone, et l’émergence, dans la période, d’un panarabisme militant incarné par la Lybie.
Cette situation reflétait l’ère du règne sans partage des grandes puissances capitalistes sur l’économie mondiale, après l’effondrement du Bloc de l’Est en 1991. Cependant, il n’a pas été possible d’enterrer l’idéal panafricaniste jusqu’à l’accès au pouvoir de l’Anc en Afrique du Sud, et la transformation de l’Oua en Union africaine (Ua), avec le recentrage de la Lybie vers l’Afrique subsaharienne, après l’échec de son panarabisme militant.
L’Ua, construite à l’image de l’Union européenne, s’est dotée d’une Commission exécutive et d’un Programme économique et social, le Nepad, avec l’objectif déclaré de parachever l’unité politique, économique et culturelle des peuples d’Afrique, en s’appuyant sur cinq grandes organisations sous régionales, et la Diaspora considérée comme une sixième région, pour réaliser les objectifs du panafricanisme historique.
Mais l’Ua, n’ayant pas remis en cause les obstacles politiques, économiques et culturels contemporains ci-dessus identifiés, a, au contraire, accentué ces travers de l’Oua et s’est même montrée incapable de préserver les acquis politiques de l’Oua. En effet, le principe sacro saint de « l’intangibilité ses frontières issues du colonialisme » de l’Oua, repris par l’Ua, a été remis en cause au Soudan, avec son approbation, sous la pression des Etats Unis et de la Naacp qui ont exploité les dérives anti laïques du gouvernement soudanais, qui a instauré un Etat islamique et érigé la charia en loi d’Etat, pour faire reconnaître la partition de cet Etat en deux Etats souverains sur des critères religieux entre un Nord musulman et un Sud chrétien.
Même son propre principe de « ne reconnaître aucun gouvernement non issu d’élections libres et transparentes » a été remis en cause en Tunisie et en Egypte, alors qu’elle a fait les « gros bras » lors de la crise politique à Madagascar et dans celle qui est en cours en Côte d’Ivoire !
Cette « prétention démocratique » de la part de chefs d’Etat majoritairement autocratiques et despotiques, soumis aux Etats impérialistes, ne pouvait prospérer autrement que comme un « faire valoir démocratique » dont les puissances impérialistes avait besoin pour convaincre leurs peuples sur le bon fondé de leur coopération et de leur aide à ces Etats. Pis encore, avec la crise libyenne, la France, l’Angleterre et les Etats Unis ont montré à l’Ua le peu de considération qu’ils ont envers elle, en privilégiant l’avis de la Ligue arabe sur les siens, pour décider de sanctions politique et économique, contre la Libye, et même, pour décider de bombarder cet Etat souverain afin d’«aider les insurgés» contre le président légitime de ce pays, qui venait à peine d’exercer les fonctions de président de l’Ua».
Ces grandes puissances impérialistes n’ont même pas hésité à interdire l’accès au territoire libyen à une délégation officielle de l’Ua, qui avait décidé d’exercer son droit, reconnu internationalement, de prendre en charge les conflits intérieurs dans ses Etats membres, pour y ramener la paix et la stabilité et faire respecter l’intégrité de leur territoire.
Les Etats impérialistes peuvent soutenir et même pousser l’Ua à intervenir en Côte d’Ivoire pour imposer l’homme de choix de la France et des Etats Unis, mais pas en Libye pour y rétablir la paix intérieure et préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays ! Pis encore, l’Ua est restée sans voix devant le vote, par l’Afrique du Sud et le Nigéria, de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, pour autoriser l’agression militaire des forces impérialistes contre la Lybie, sous prétexte, de protéger les civils, mais en réalité c’était pour renverser le pouvoir de Khadafi en Lybie par des « insurgés » dont elles reconnaissent les dirigeants comme les « seuls représentants légitimes de leur peuple » !
Ainsi, par ce basculement de l’Afrique du Sud, l’Ua a atteint ses limites politiques, économiques et sociales historiques, dans la réalisation de l‘objectif d’émancipation des peuples d’Afrique, tel que recherché par ceux qui ont incarné l’idéal du panafricanisme.
Cependant, en ce début du XXIe siècle, la crise énergétique, alimentaire, économique et financière de l’économe mondiale sous le joug des Etats du capitalisme monopoliste et financier, et leurs Firmes Transnationales, a jeté les bases objectives d’un renouveau du Pan Africanisme.
QUEL PAN AFRICANISME POUR LE XXIE SIECLE ?
La crise actuelle du système capitaliste mondial a engendré trois types de contradictions en son sein.
Le premier type de contradiction, c’est d’abord celle qui oppose le capital et le travail qui a été exacerbée par les solutions d’austérité des gouvernements des grandes puissances capitalistes sous le diktat de la bourse et des marchés sous le contrôle des firmes transnationales. Les « plans de sauvetage » concoctés par ces Etats sur le dos des contribuables et au prix de licenciements massifs et d’agression contre les acquis des travailleurs en matière de sécurité sociale, ont fait renaître de puissants mouvements sociaux pour rejeter la soumission de leurs Etats à la volonté de cette caste de capitalistes monopolistes qui régente la bourse.
Le deuxième type de contradiction, c’est celle qui oppose ces pays et ces entreprises avec les pays et les entreprises des Etats émergents pour le contrôle du marché mondial. A cet égard, il est à noter l’avènement d’une nouvelle organisation de pays émergents autour du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (Brics), avec leurs économies en forte croissance malgré la grave crise économique et financière dans laquelle les grandes puissances impérialistes sont empêtrées, et l‘importance de leurs réserves financières. Ces pays ont fait apparaître une nouvelle force mondiale, capable d’infléchir le cours de l’histoire, au début de ce XXIème siècle.
Ainsi, depuis la disparition du camp socialiste d’Europe, c’est la première forme de remise en cause du monopole exclusif des grandes puissances occidentales sur l’économie et la finance dans un marché totalement mondialisé. Ce nouveau bloc qui les concurrence dans leur « chasse gardée » traditionnelle pousse ces pays des grandes puissances vers l’émergence d’une droite raciste et xénophobe, pour contrer leurs mouvements sociaux qui ébranlent les fondements politique et économique du capitalisme dans ses Etats et vers la reprise des guerres impérialistes dans les pays en développement où elles subissent une concurrence accrue de la part des pays du Brics.
L’ère du « tournant fasciste » dans les grandes puissances occidentales, et de « nouvelles guerres coloniales » est ainsi ouverte. Cela se traduit déjà par le renforcement de l’extrême droite, en Europe sous la bannière de la « lutte contre l’immigration et l’Islam » et « la mise en cause du multiculturalisme », et aux Etats Unis, depuis l’avènement d’un Noir à la tête du pays, et par leurs recours sans fard à la force brutale pour préserver ou reconquérir les marchés des matières premières et les marchés nationaux des pays en développement.
D’où, le troisième type de contradiction du système de domination du capitalisme mondial, à savoir la renaissance des mouvements patriotiques et anti impérialistes dans les pays en voie de développement. C’est ainsi, qu’après avoir théorisé « l’infériorité de la race noire » pour justifier la « Traite des nègres », puis la « mission civilisatrice de l’Occident » pour justifier le « colonialisme », on a recours aujourd’hui à un « Droit Humanitaire d’ingérence », ou au « de Droit d’ingérence démocratique » que ces puissances impérialistes se sont octroyés, pour justifier leur agression contre la souveraineté des peuples pour maintenir leurs Etats sous leur domination.
Dans cette perspective, le soulèvement des peuples de Tunisie et d’Egypte contre les conséquences sociales des politiques de libéralisation de leurs économies, de privatisation de leurs entreprises nationales et de pillage de leurs ressources par les firmes transnationales et la caste de bureaucrates civils et militaires qu’elles ont imposée ou maintenue au pouvoir, est savamment exploité par les Etats impérialistes, qui tentent de les présenter à l’opinion mondiale, avec l’aide de leurs puissants médias, comme des « révoltes politiques exclusivement dirigées contre des dictateurs locaux ».
Cette tentative de confiner ces soulèvements populaires contre les politiques de libéralisation économique, dans les limites étroites de réforme des institutions politiques pour plus de démocratie, devrait être contrée vigoureusement, pour qu’elle cesse de servir d’alibi, comme en Lybie et en Syrie, pour réveiller « leurs cellules dormantes » à des fins de déstabilisation des Etats, pour motiver leur intervention militaire de reconquête de marchés qui ont échappé à leur contrôle ou qui risquent de l’être sous la menace des pays du Brics.
De cette manière, ils comptent faire d’une pierre deux coups : étouffer dans ces pays, le mécontentement populaire contre le dictat des marchés boursiers au service des firmes transnationales, et s’en servir comme prétexte pour déstabiliser des Etats insoumis, et reconquérir leurs ressources et leurs marchés. L’ouverture de cette nouvelle ère de « conquête coloniale » exacerbe les contradictions entre les Etats des pays impérialistes et les peuples des pays en développement. Cela va enfanter l’émergence d’un « nouveau patriotisme » dans ces pays pour reprendre la lutte de libération nationale.
La conjugaison de ces trois types de contradiction du système de domination capitaliste du monde, ouvre de réelles perspectives pour le « renouveau » du panafricanisme. Dans ce contexte, les forces patriotiques, républicaines et démocratiques en Afrique et dans la diaspora ont, avec la révolution informationnelle, de meilleures perspectives pour reconstruire un puissant mouvement panafricaniste. Elles ont identifié les obstacles à surmonter et les nouvelles opportunités d’alliance qui s’offrent à elles, pour réaliser cet objectif. Elles ont la claire conscience que les forces anti impérialistes des pays du capitalisme monopoliste et financier, et les forces progressistes des pays émergents, peuvent leur servir d’alliées sûres pour la réalisation de l’idéal de « renouveau du Pan Africanisme » dans le XXIe siècle.
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