Ogm : tromper ou nourrir le monde pendant 20 ans ?

Des mythes ou carrément des mensonges concernant les bénéfices allégués des semences génétiquement modifiées (Ogm) persistent seulement parce que les multinationales qui en profitent ont investi un énorme effort pour les répandre. Elles veulent nous faire croire que les Ogm nourriront le monde, qu’ils sont plus productifs qu’ils élimineront l’utilisation des produits chimiques agricoles, qu’ils peuvent coexister avec d’autres cultures et qu’ils sont parfaitement sûrs pour les humains et l’environnement. Faux dans tous les cas et cet article démontrera comment il est facile de déceler ces mythes. La seule chose requise est un regard froid, objectif posé sur 20 ans de plantations commerciales d’Ogm et sur la recherche supposer les étayer

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NFC

LE MYTHE : les Ogm mettront un terme à la faim dans le monde

LE FAIT EST QUE les Ogm n’ont pas d’impact sur la faim dans le monde, peu importe combien les partisans des Ogm aiment à s’étendre sur ce thème. Trois commentaires montrent le mensonge de leur affirmation :

Les données de la Fao montrent clairement que le monde produit des quantités de nourriture suffisantes pour nourrir tout le monde bon an, mal an. Pourtant la faim est toujours là. C’est parce que la faim n’est pas principalement une question de productivité mais d’accès aux terres arables et aux ressources. Abruptement dit, la faim est causée par la pauvreté et l’exclusion.

Les actuelles semences Ogm n’ont pas été élaborées pour combattre la faim en premier lieu. En général, elles ne sont même pas destinées à la consommation humaine. La quasi-totalité des aires de plantations consistent en soya, maïs, colza et coton. Les trois premiers sont utilisés presque exclusivement pour nourrir du bétail, pour produire des carburants pour les voitures et huiles industrielles pour les Etats-Unis et l’Europe, cependant que le coton va à l’habillement.

Pire encore, il apparaît qu’il y a une relation de cause à effet inique entre les cultures Ogm et la faim dans le monde rural. Dans des pays comme le Brésil et l’Argentine, de gigantesques "déserts verts" de maïs et de soya envahissent la terre des paysans, les privant – ou même en les dépouillant carrément - de leurs moyens de subsistance, avec pour corollaire la faim, l’abjecte misère et l’intoxication des populations rurales par des agrotoxines. La vérité est que les cultures Ogm délogent les productions alimentaires sur des millions d’hectares de terres agricoles fertiles.

L’année où les semences Ogm ont été plantées pour la première fois, 800 millions de personnes dans le monde ne mangeaient pas à leur faim. Aujourd’hui, avec des millions d’hectares de production Ogm, un milliard ne mangent pas à sa faim. Quand exactement ces cultures vont-elles commencer à nourrir le monde ?

MYTHE : LES CULTURES OGM SONT PLUS PRODUCTIVES

Le fait est que ce n’est pas vrai. Voyez les données des pays qui ont la plus longue expérience des Ogm : les Etats-Unis. Dans son étude la plus approfondie et la plus rigoureuse, l’Union of Concerned Scientist a analysé 20 ans de production OGM et a conclu que le soya et le maïs, génétiquement manipulés pour être tolérants aux herbicides, ne sont pas plus productifs que les plantes et les méthodes conventionnelles. De plus, 86% de l’augmentation de la productivité du maïs au cours des 20 dernières années est due aux méthodes et pratiques conventionnelles. D’autres études ont montré que la productivité des Ogm est moindre que dans les cultures conventionnelles.

Les plantes sont des êtres complexes et non les pièces d’un Lego. Leur productivité est fonction de multiples facteurs génétiques et environnementaux et non de quelque élusif "gène de la productivité". On ne peut pas juste peser sur un interrupteur génétique pour mettre en route une haute productivité pas plus qu’un ingénieur en génétique responsable ne ferait de telles affirmations. Même après tout ce temps, les méthodes de manipulation génétique sont tout à fait rudimentaires. Les partisans de la technologie considèrent que c’est un succès s’ils réussissent à transférer un ou deux gènes fonctionnels dans une plante.

Le fin mot de l’histoire est qu’après 20 ans de recherche, qui ont coûté d’innombrables millions, ils ont produit deux caractéristiques commercialisables : la tolérance aux herbicides et la résistance aux parasites Bt (voir ci-dessous) Ni l’un ni l’autre n’a quoi que ce soit à voir avec de la productivité.

MYTHE : LES OGM VONT ELIMINER LES PRODUITS CHIMIQUES AGRICOLES

Le fait est que c’est l’inverse. Les cultures Ogm augmentent l’utilisation des produits chimiques agricoles nocifs. L’industrie tente de nous convaincre de l’inverse, en vantant le gène Bt provenant du bacille Thuringiensis qui produit une toxine létale pour certains vers du maïs et du coton. Les plantes produisent leurs propres pesticides ce qui suppose qu’il n’est pas nécessaire de pulvériser les cultures. Mais au vu des immenses étendues cultivées en monoculture Bt, les vers ont rapidement développés une résistance au Bt. Pire encore, on assiste à l’apparition d’une quantité de parasites préalablement inconnus qui doivent maintenant être contrôlés par plus de pesticides.

L’autre innovation proclamée par les corporations des Ogm consiste en plantes qui peuvent résister à des hautes doses d’herbicides. Ceci permet de répandre l’herbicide depuis les airs sur de vastes monocultures, année après année, sur le même site. Ceci est bien utile aux fermiers industriels qui ont travaillé à l’extension spectaculaire des cultures de soya aux cours de ces dernières années. Il y a trente ans il n’y avait pas de soya en Argentine. Aujourd’hui, il occupe la moitié des terres arables du pays. Actuellement, la quantité d’herbicide glysophate répandu en Argentine a explosé et a passé de 8 millions de litres en 1995 à 200 millions de litre aujourd’hui, une multiplication par vingt et tout cela pour la culture du soya.

La même chose se produit aux Etats-Unis. Les Ogm tolérant aux herbicides ont ouvert les vannes et le glysophate et d’autres herbicides sont déversés sur les champs des fermiers. En 2011, les paysans, faisant usage de ce type d’Ogm, répandent 24% de plus d’herbicide que leurs collègues plantant des semences conventionnelles. Pourquoi ? Pour des raisons que tout biologiste évolutionniste aurait pu prédire : les mauvaises herbes développent des résistances aux produits chimiques. En bref, la "révolution Ogm" est un problème environnemental et non une solution.

MYTHE : LES PAYSANS PEUVENT DECIDER EUX-MEMES. APRES TOUT LES OGM PEUVENT PACIFIQUEMENT COEXISTER AVEC D’AUTRES CULTURES.

Il est certain que ce n’est pas ce que l’on voit. Les promoteurs des Ogm prétendent que personne ne contraint les fermiers à planter des Ogm. Sauf qu’un sale petit détail de biologie de base implique les paysans non Ogm contre leur volonté. Cela s’appelle la pollinisation croisée : les plantes de mêmes espèces se reproduisent entre elles et, tôt ou tard, les gènes artificiellement introduit dans les plantes Ogm se retrouveront dans les cultures conventionnelles.

Au Canada, le colza génétiquement modifié, largement répandu, a contaminé presque toutes les cultures conventionnelles de colza et a ainsi anéantit les cultures biologiques de colza. Des contaminations similaires ont été trouvées dans des cultures de maïs dans le monde entier.

L’introduction de semences Ogm est particulièrement alarmante lorsqu’il y a une contamination potentielle des variétés locales. Le Mexique est le berceau du maïs et l’origine de sa diversification. Depuis des années, les communautés autochtones mexicaines ont remarqué des caractères bizarres qui apparaissent dans certaines de leurs variétés. Différentes études confirment que ceci est causé par la contamination par du maïs Ogm importé des Etats-Unis. Maintenant, le gouvernement mexicain propose de permettre aux multinationales de planter 2,4 millions d’hectares de maïs Ogm dans le pays. Si ce projet est mené à bien, il ne s’agirait pas seulement d’une attaque de la souveraineté alimentaire de la population mexicaine. Ce serait une menace sur la biodiversité d’un des principaux aliments de base du monde.

Ce qu’il y a de réellement pervers à propos de cet argument de soi-disant liberté de cultiver est que certaines multinationales ont contraint des fermiers à payer des semences qu’ils n’ont jamais plantées. Aux Etats-Unis, Monsanto a traduit en justice de centaines de fermiers pour avoir enfreint les lois de la propriété intellectuelle, selon ses allégations. Les détectives de Monsanto rodent dans les campagnes comme les percepteurs de dettes, cherchant "leurs gènes" dans les champs des paysans. Dans de nombreux cas, les gènes sont là parce que les paysans ont soit achetés des semences contaminées ou ont eu leurs cultures contaminées par un champ voisin. Quelqu’en soit la raison, c’est une stratégie lucrative qui a déjà rapporté des millions supplémentaires de dollars à la multinationale. Avec le bénéfice additionnel d’instiller la peur chez les paysans pour tout ce qui n’est pas semence de Monsanto. Il semble que la liberté consiste à faire selon le diktat de Monsanto.

IMPASSE : L’INGENIERIE GENETIQUE UNE SCIENCE QUI A CALLE

Les Ogm sont dans les mains d’un nombre restreint de compagnies. Il y a Monsanto, la plus connue, Dupont, Sygenta, Basf, Bayer et Dow qui dominent les recherches et accaparent les patentes, détiennent le 60% des marchés de semences et contrôlent le 76% du marché des produits chimiques agricoles. Pourtant toute cette "science" profitable, possédée par ces firmes, se résument à deux, et deux traits seulement : la tolérance aux herbicides et le Bt

En 2012, 59 % des surfaces cultivées en Ogm commerciaux ont consisté en cultures résistantes à l’herbicide glysophate, un produit initialement breveté par Monsanto, pendant que 26% étaient des cultures Bt résistantes aux insecticides et 15% portaient les deux caractéristiques.

Deux caractéristiques. C’est tout ce que ces multinationales ont à montrer après vingt ans de recherches et d’investissements d’innombrables millions. Quelle révolution ! La véritable mesure de ce que la technologie des Ogm a produite se trouve dans des écosystèmes endommagés, des atteintes potentielles à la santé et un énorme profit pour les compagnies.

MYTHE : LES CULTURES OGM NE MENACENT PAS LA SANTE ET L’ENVIRONNEMENT

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la biosécurité des cultures Ogm est une question ouverte. Voulons-nous vraiment confier notre santé à une agriculture industrielle dans laquelle les fournisseurs d’Ogm contrôlent les instances pour la sécurité alimentaire et dictent leurs propres standards ? Je ne pense pas. La souveraineté alimentaire requiert que ce soit la population, et non les compagnies, qui contrôle ce que nous mangeons.

Néanmoins, nos assiettes se remplissent maintenant d’aliments provenant de plantes à l’Adn altéré avec une grosse charge de pesticide et on nous dit de manger et de nous taire ! Les préoccupations se sont encore accrues suite à un nombre de rapports crédibles sur les Ogm et les herbicides qui les accompagnent.

- L’American Academy of Envrionemental Medicine (Aaem) a déclaré en 2009 que les aliments génétiquement modifiés "font peser une sérieuse menace sur la santé". Citant diverses études, elle conclut qu’il y a "plus qu’une corrélation accidentelle entre les aliments Ogm et les effets négatifs sur la santé" et que ces aliments "font peser une véritable menace sur la santé dans les domaines de la toxicologie, l’allergie et les fonctions immunitaires, la santé reproductive ainsi que le métabolisme, la physiologie et la génétique"

- Les dernières études du Dr Gilles Eric Séralini s’intéressent aux rats nourris pendant deux ans aux maïs Ogm tolérant au glysophate. Ces rats ont montré une plus grande mortalité ainsi qu’une mortalité précoce en plus des effets hormonaux, des tumeurs mammaires chez les femelles ainsi que des maladies du foie et des reins.

- Une étude récente de l’université de Leipzig (Allemagne) a montré de fortes concentrations de glysophate - le principal composant du RoundUp - dans des spécimens d’urine de populations urbaines, entre 5 et 20 supérieur à la limite admise dans les eaux de boissons.

- Le professeur Andrés Carrasco, du laboratoire Conicet-Uba Molecular Embryology à la faculté de médecine de l’université de Buenos Aires (Argentine) a révélé une étude qui montre que les herbicides au glysophate causent des malformations chez les grenouilles et les embryons de poulets à des doses beaucoup plus faibles que celles utilisées dans l’agriculture. Ces malformations sont d’un type similaire à celles observées dans les embryons humains exposés à ces herbicides.

Enfin, il y a des preuves incontestables que le glysophate a un impact direct sur les humains, causant des avortements, des maladies et même la mort – avec des doses suffisantes- comme l’a expliqué Sofia Gatica, la lauréate argentine du dernier prix Goldman.

Il nous appartient de défendre notre santé et nos paysans et donc la santé de la chaîne alimentaire qui nourrira les générations futures. Souveraineté alimentaire aujourd’hui !

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