Sankara est fascinant et Cupelin, dans ce documentaire, ne cache pas son admiration pour le personnage, d’un point de vie humain autant que politique, frôlant parfois de justesse la complaisance, ajoutant ainsi à sa dimension quasi mythique.
«La dette ne peut pas être remboursée parce que si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir[1]. »
Réalisé à partir d’images d’archives, souvent inédites, d’interviews, d’extraits d’émissions et de sons de l’époque, ce documentaire de Christophe Cupelin dresse un portrait plutôt hagiographique de Thomas Sankara, de son élection à sa mort durant les quatre ans (1983-1987) précédant le coup d’État qui mènera Blaise Compaoré à la tête du pays.
Un portrait empathique, assez peu critique, sans vraiment de recul, mais dont l’intérêt, en dehors de l’aspect purement didactique, est de mettre en lumière ce que représentait Sankara, tribun hors pair et homme politique proche du peuple, révolutionnaire anticolonialiste, féministe et écologiste, il décolonisa le nom de son pays, la Haute-Volta en Burkina Faso « le pays des hommes intègres », lutta contre l’illettrisme, le machisme, la corruption, la dépendance politique et commerciale et réclama l’annulation de la dette africaine.
Au Burkina, le capitaine Sankara est toujours une légende, il reste celui qui livra la bataille du développement, de l’éducation, de l’analphabétisme, de l’autosuffisance alimentaire, de l’émancipation des femmes, de l’accès à la culture et aux soins médicaux. Il fut l’un des premiers à parler de responsabilité planétaire, et à s’attaquer à l’impérialisme colonial jusque sur le terrain hautement miné de la Françafrique.
Le rôle pour le moins trouble d’un Mitterrand cauteleux et méprisant est esquissé. Sa petite tape sur l’épaule de Sankara qui venait de dénoncer l’hospitalité de la France envers les dictateurs africains est un condensé effrayant de paternalisme, d’autoritarisme et de froide menace.
Sankara est fascinant et Cupelin ne cache pas son admiration pour le personnage, d’un point de vie humain autant que politique (un dirigeant modeste, généreux, enthousiaste, accessible, sportif, musicien), frôlant parfois de justesse la complaisance, ajoutant ainsi à sa dimension quasi mythique. Si le documentaire ne passe pas sous silence les zones d’ombre et les ambiguïtés de l’homme politique, il est cependant empreint d’une indulgente sympathie.
Charismatique sans démagogie, Sankara apparaît, au gré des scènes et nombreux exemples mis en avant dans ce film, comme un visionnaire brillant, passionné, engageant son pays dans un programme ambitieux de transformations sociales radicales.
Le destin tragique de celui qui voulait « parler au nom de tous les laissés-pour-compte » et à qui « rien de ce qui [était] humain n’[était] étranger » est ainsi mis en lumière par un réalisateur habité par son sujet.
NOTE
1] T. Sankara, conférence des pays de l’Oua, 29 juillet 1987
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** Gisèle Felhendler, porte-parole de l'association Sortir du Colonialisme – Ce texte a été publié par afriquesenlutte (Une projection du film Thomas Sankara sera organisée lors de la prochaine semaine anticoloniale (5-6 mars 2016) et la projection sera suivie d’un débat avec, éventuellement, des membres du Balai Citoyen, afin de démontrer, au delà du récit historique, l’actualité de la pensée de Thomas Sankara).
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