Il n’est donc pas surprenant que les chefs d’États de la Cedeao, s’improvisant en médiateurs, aient proposé des scenarii de sortie de crise plus mous que ceux de l’Union africaine. En syndicat de chefs d’État, ils redoutent la répétition des insurrections dans leur propre pays affligé des mêmes problèmes divers.
Nous saluons la résistance du peuple du Burkina et particulièrement ses forces vives progressistes et sa jeunesse mobilisée et rendons hommage aux martyrs.
La crise politique et constitutionnelle au Burkina a provoqué un tollé de réactions d’indignations de par le monde. Le président Compaoré, chassé après 27 ans de règne par l’insurrection populaire d’octobre 2014 et exfiltré par la France, a laissé sur place sa garde prétorienne, le Régiment de sécurité présidentielle (Rsp). Ayant maintes fois perturbé la transition politique, le Rsp a tenté d’entraver la transition politique voulue par le peuple du Burkina. Cette forfaiture est intervenue à quelques heures de l’audience du juge d’instruction dans l’affaire Sankara. Il avait convoqué le 17 septembre les avocats de la Campagne internationale justice pour Sankara (Cijs) pour leur révéler le résultat de l’expertise balistique et d’Adn. Il est très probable que ceci contribuerait à incriminer le Général Diendéré. Il est notoirement reconnu comme un des membres du peloton d’assassins qui a mis un terme sanglant à l’épisode révolutionnaire du Burkina en 1987.
En faisant de nouveau tirer sur la jeunesse patriotique qui s’interposait à mains nues, le Rsp aggrave son cas déjà alourdi par les exactions ayant ensanglanté toute la sous-région. Plusieurs de ses responsables, à l’instar d’autres pontes de l’ancien régime, disposent de confortables rentes dans le secteur minier, le transport et l’immobilier. Ils se sont auparavant enrichis dans les guerres de la Sierra Leone et du Libéria, par le contournement des diamants de l’Unita en Angola, la déstabilisation de la Côte d’Ivoire ou des médiations ambiguës lors des prises d’otages et l’instrumentalisation terroriste dans le Sahel.
L’arrogance du Rsp, qui arguait vouloir défendre les intérêts de tenants de l’ancien régime, repose sur le fait que le général Diendéré est, avec quelques personnalités de son entourage, une pièce maitresse du dispositif de la Françafrique, mais aussi de l’Otan et plus précisément de l’Africom. Récipiendaire de la légion d’honneur de la France, Dienderé est aussi est un acteur majeur des manœuvres Flintlock et des opérations américaines dites de contre-,terrorisme dans le Sahel. Il supervise la base secrète des drones Creek Sand de l’aéroport de Ouagadougou et le service de renseignement Aztec Archer de l’ambassade des États-Unis.
Dienderé n’a jamais accepté son limogeage de la direction du Rsp et comme ses parrains, n’a pas digéré non plus la décision d’interdire la candidature présidentielle d’un représentant de l’ancien régime, même si celui-ci peut concourir aux législatives. Son coup de force visait à redistribuer les cartes et à changer le rapport de force.
Il n’est donc pas surprenant que les chefs d’États de la Cedeao, s’improvisant en médiateurs, aient proposé des scenarii de sortie de crise plus mous que ceux de l’Union africaine. En syndicat de chefs d’État, ils redoutent la répétition des insurrections dans leur propre pays affligé des mêmes problèmes divers. Ils n’osent pas non plus s’interposer contre les plans de préservation des statu quo néocoloniaux et de recolonisation en cours. Si leur volonté est d’éviter la guerre civile et de paraître en médiateurs neutres, ils ont eu une position pour le moins partiale, confortant celle des mutins. Ceci s’explique par une culture endémique de l’impunité dans la déstabilisation politique, les crimes économiques et les crimes de sang, autant au Burkina que dans la sous-région.
C’est pourquoi nous joignons nos voix aux forces progressistes et recommandons minimalement aux responsables de la transition et surtout à la classe politique du Burkina et notamment à celle qui arrivera au pouvoir :
- de penser à l’intérêt supérieur de la nation en prévision des joutes électorales,
- d’assurer l’indépendance de la justice et la laisser poursuivre tous les dossiers pendants, car l’impunité doit cesser,
- de poursuivre les auteurs de l’enlèvement et de la séquestration des autorités de la Transition et de leur renversement, et ceux impliqués dans la répression sanglante des manifestants,
- d’interdire de voyage et de geler les avoirs de tous les membres du soi-disant « Comité national pour la démocratie » et toute personne qui a contribué à leur entreprise terroriste,
- d’assurer un audit des deniers publics assortis de déclaration de patrimoines de tous les acteurs de la classe politique et des hauts fonctionnaires de l’État en charge de portefeuilles,
- De réviser les codes miniers signés par le régime Compaoré, les programmes de coopération internationale de développement ainsi que leur volet militaire et sécuritaire,
- De dissoudre le Rsp et de fondre ses éléments dans l’armée nationale restructurée en profondeur et de rectifier sa posture néocoloniale et de mise en tutelle par les forces étrangères,
- de convoquer des assises nationales sur le développement axées sur la satisfaction des besoins essentiels des populations et une redistribution équitable des ressources et productions du pays et de mettre en œuvre ses conclusions.
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** * Aziz Salmone Fall politologue, panafricaniste et membre du groupe de recherche et d'initiative pour la libération de l'Afrique.
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