«Nous ne connaissons pas de membres de Boko Haram» : Quand Jonathan joue avec la vérité
Mon hypothèse est que l’administration du président Goodluck ne veut pas mettre un terme à l’insurrection de Boko Haram pour des raisons politiques.
L’administration de Goodluck Ebele Jonathan a continuellement prétendu qu’elle n’est pas en contact avec des membres de Boko Haram, mettant l’accent sur le caractère nébuleux de ce groupe. Ceci, affirme l’administration nigériane, complique extrêmement les efforts pour combattre l’insurrection. Alors que cette affirmation persiste, que l’on nous permette de lui rappeler que le gouvernement de Goodluck Jonathan a rencontré des membres de Boko Haram et a eu des discussions avec eux.
Souvenez-vous : après des mois de débats concernant l’octroi d’une amnistie à la secte de Boko Haram, le président Goodluck Ebele Jonathan avait constitué, en avril 2013, un comité de 26 membres, présidé par le ministre des Special Duties (Dossiers spéciaux), Tanimu Turaki, avec un représentant du bureau du secrétariat du gouvernement de la fédération comme secrétaire. Le comité avait reçu les instructions suivantes :
1) considérer la possibilité d’un pardon pour la secte,
2) récolter les opinions des différents groupes d’intérêts qui veulent que le gouvernement fasse preuve de clémence pour les membres de la secte et
3) recommander les modalités pour octroyer une amnistie pour la secte si ceci devait s’avérer être une option pour le gouvernement.
Dans le cadre de son mandat, le comité a rencontré Kabiru Sokoto et 39 membres de la secte à la prison de Kuje. Ils ont été hébergés par le contrôleur assistant de la prison, Nuhu Zuru. Le président du comité, Kabiru Turaki, lors d’une conférence de presse, a déclaré aux correspondants du State House qu’ils ont rencontré les membres de la secte un par un.
Dans des circonstances similaires, Kabiru Turaki a rencontré, à Lagos, 104 personnes soupçonnées d’appartenir à Boko Haram. Auparavant, ils ont rencontré 34 suspects dans une prison de moyenne sécurité et ont par la suite rendu visite à 70 suspects dans une prison de haute sécurité, ous le commandement de DCP Olumide Tinuoye. Kabiru Turaki est cité aussi bien dans les journaux que dans la presse en ligne pour avoir déclaré : «Nous avons visité la prison principalement pour interagir avec les suspects détenus pour actes de terrorisme. Nous avons interagi avec eux et la réponse est encourageante"
Après sept mois de consultations, le comité a soumis son rapport au président Goodluck Jonathan tout en précisant que le leadership de Boko Haram refuse le dialogue malgré leurs efforts concertés. Ils ont toutefois affirmé que les membres clés qui sont incarcérés ont accepté l’option du dialogue et y voient une option pour résoudre l’insurrection. Mais la question est la suivante : ont-ils accepté le dialogue parce qu’ils ont été capturés et détenus ou sont-ils véritablement désireux de renoncer au terrorisme pour se réintégrer dans la société ?
Outre cette question, l’une des principales recommandations du rapport du comité de Kabiru Turaki au président consiste à proposer la mise sur pied d’un comité de conseil pour un dialogue continu. Le président les a assurés que le gouvernement allait étudier le rapport et établir un comité pour poursuivre le dialogue.
Il a été rapporté que, en mars 2014, 20 suspects de Boko Haram détenus dans les services du département de la sécurité d’Etat à Asokoro, Abuja, ont été tués dans un échange de tir avec des agents de sécurité pour avoir tenté de s’évader. Ce qui renforce la vérité selon laquelle des membres de la secte sont détenus par le gouvernement. Et le 13 mai 2014, les résidents du village de Kalabalge, dans l’Etat de Borno, ont contré une attaque de Boko Haram en tuant 200 personnes et en faisant 10 prisonniers qui ont été remis aux agents de sécurité. Dans des circonstances similaires, Aminu Sadiq Ogwuche, l’un des cerveaux de l’attaque à la bombe de Nyana, le 14 avril 2014, a été arrêté grâce aux efforts d’Interpol, de la police nigériane et des services du département d’Etat. Ceci a été rendu public par le coordinateur du National Briefing Centre on Security, M. Mike Omeri.
Le dirigeant présumé de Boko Haram, Abubakar Shekau, a été cité disant qu’il exigeait la libération des membres de la secte détenus par le gouvernement comme précondition à la libération des 270 filles enlevées par la secte dans une école secondaire du gouvernement à Chibok dans l’Etat de Borno.
Ayant un bon nombre de détenus suspectés d’être des membres de Boko Haram dans nos prisons, en plus du flux continu d’arrestations et de détentions, l’administration du président Goodluck Jonathan peut-elle justifier son affirmation selon laquelle elle ne connaît pas Boko Haram, que c’est une nébuleuse sur laquelle elle n’a pas d’informations fiables ?
Mon hypothèse est que l’administration du président Goodluck ne veut pas mettre un terme à l’insurrection de Boko Haram pour des gains politiques.
Nos soldats se sont mutinés et le 14 mai 2014 la colère les a poussés à tirer sur un officier supérieur du commandement général de la 7ème division de l’armée du Nigeria, le Major Général Ahmadu Mohammed. Un développement qui laisse augurer des dangers pour le Nigeria. Selon des sources anonymes, les officiers juniors se sont rebellés en raison de la façon dont ils sont traités. Leurs soldes restent impayées et ils n’ont pas d’armes à utiliser sur le champ de bataille, ce qui, pratiquement les empêche, de combattre l’insurrection et fait d’eux la proie de la secte de Boko Haram.
Voilà la réalité malgré les trois trillons de nairas dépensés au cours des trois dernières années pour la sécurité. La question qui attend toujours une réponse est de savoir si ces trois trillons ont été dépensés pour des armes, pourquoi des armes ne sont-elles pas disponibles pour les soldats sur le terrain ? Qui est responsable de l’échec militaire dans la lutte contre l’insurrection ? Pourquoi l’insécurité continue-t-elle à prévaloir malgré les énormes sommes dépensées pour la sécurité ? Qu’est-ce que nous faisons de faux ?
Une chose est très claire : avec notre leadership politique, sa gouvernance d’exclusion, le nombre croissant de jeunes, le chômage, la pauvreté et l’inégalité, l’Etat du Nigeria va continuer à faire l’expérience de l’insécurité et des troubles. Parce que la compétition pour de maigres ressources et la lutte des classes sera un long combat autant pour les citoyens que pour l’Etat. Fondamentalement, la nature lucrative de «créateur» de conflit, en terme de renommée politique et économique, est un autre facteur susceptible de faire le lit de l’insécurité au Nigeria.
Alors que nous cherchons des solutions, il est important que nous ayons recours à des experts en conflits qui comprennent la dynamique de la médiation et de la résolution des conflits et qui aident à soutenir des communautés affectées par l’insurrection, lors de l’élaboration de nos mécanismes de résolution des conflits.
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** Audu Liberty Oseni est analyste politique, commentateur social et chargé de projet au Centre for Democracy and Development, Cdd-West Africa, Abuja, Nigeria
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