Madagascar, pays riche en ressources naturelles et en potentialités pour soutenir son propre développement alors que sa population est l’une des pauvres du monde, se trouve confronté à une forte pression d’accaparements de ses terres par des investisseurs étrangers et nationaux aux dépens des paysans et des communautés locales.
Après la divulgation à travers le monde, fin 2008, du scandaleux projet Daewoo Logistics concocté avec les hauts dirigeants de l’Etat malgache, et le changement de l’équipe au pouvoir début 2009, l'octroi de terres aux investisseurs étrangers n’a pas été remis en question par les autorités de la transition. Alors que les Malgaches ont une tradition culturelle de fort attachement à la terre de leurs ancêtres, la promulgation en janvier 2008 de la loi 2007-036, en particulier, a autorisé la vente de terres aux sociétés à actions majoritairement étrangères qui ont une filiale malgache.
La Constitution votée en novembre 2010 stipule dans son article premier que « les modalités et les conditions relatives à la vente de terrain et au bail emphytéotique au profit des étrangers seront déterminées par la loi ». Les communautés impactées par les accaparements disposent de faibles outils légaux auxquels ils peuvent faire appel. La réforme foncière de 2005 a introduit des innovations visant à reconnaître les droits d’occupation et d’usage des populations sur les terres sur les propriétés privées non titrées, mais un vide législatif subsiste particulièrement sur les zones de pâturage de vastes surfaces.
Partout sur l’île, existent des conflits opposant des communautés locales, paysans, éleveurs et pêcheurs, à des sociétés d’investissements dans des secteurs très divers. Les autorités de l’Etat facilitent et soutiennent les investisseurs. L’accès aux terres et leur contrôle changent de main sans que les communautés qui en vivent localement ne puissent empêcher cette tendance.
« Accaparements des terres à Madagascar : Echos et témoignages du terrain - 2013 » relate les impressions et témoignages des personnes directement concernées et des communautés locales victimes des accaparements de terres, suite à une mission sur le terrain diligentée par Giulia Franchi, membre de Re:common lorsqu’elle a appris que le projet de plus vaste surface connue actuellement à Madagascar est le fait de la société italienne Tozzi Green. La mission sur le terrain ainsi que la rédaction du rapport ont été réalisées conjointement par trois organisations de la société civile : l’ONG italienne Re:Common, la plateforme malgache Solidarité des Intervenants sur le Foncier - Sif, et le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches – Tany.
La lecture du rapport vous amènera dans cinq régions de Madagascar – Ihorombe, Sofia, Alaotra Mangoro, Analanjirofo, Itasy – et vous apprendra les conséquences et impacts de six projets : dans le domaine des agrocarburants, Tozzi Green (Italie) et Delta Petroli (Italie), dans le secteur minier, Ambatovy (Canada/Corée du Sud/Japon) et Mainland Mining (Chine), dans la foresterie, Mada Woodlands (Norvège) et dans l’industrie pharmaceutique, Bionexx (Lybie/France/Madagascar). La mission a aussi passé du temps sur l’île de Nosy Be dans la région Diana – pour évaluer l’impact de l’industrie touristique sur l’accès à la terre de la population locale. Et à la fin du rapport, nous avons inclus des témoignages sur le cas QMM-Rio Tinto (UK/Australie/Canada), dans la région Anosy, avec l’aimable autorisation de leurs auteurs.
Tous les projets inclus dans ce rapport sont le fait d’investisseurs étrangers. Mais nous avons eu l’opportunité de vérifier directement, sur le terrain, que les investisseurs nationaux sont aussi des acteurs très actifs sur la ruée vers la terre à Madagascar, et que les impacts sur la perte de l’accès et du contrôle des terres et ressources naturelles sur les communautés locales ne diffèrent pas beaucoup de ceux produits par les investisseurs étrangers.
Il est remarquable que le phénomène d’accaparements des terres se soit fort bien accommodé de cette période de transition. La quête d’investissements par les autorités centrales après ces 4 années de blocage du pays ne doit pas reléguer au second rang les intérêts de la majorité de la population malgache constituée principalement de petits paysans, éleveurs ou pêcheurs. L’enjeu est vital pour les populations locales dépossédées de leurs terres. Ce rapport vise à soutenir et à relayer leurs luttes.
Le sort de la population rurale malgache doit figurer au cœur de l’agenda des politiques de développement à venir. Les échos et témoignages du terrain montrent les réelles conséquences de plusieurs projets censés apporter le développement à Madagascar ces dernières années. Les dirigeants et décideurs malgaches ne devraient-ils pas désormais se méfier des sirènes des investisseurs sur les terres et plutôt prioriser la sécurité de l’accès des paysans malgaches à la terre, l’amélioration des revenus et de l’alimentation de la majorité des Malgaches dans le cadre d’un développement de l’agriculture familiale dont, d’ailleurs, 2014 sera l’année internationale ?
13 novembre 2013
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