Négociations de Kampala : Le M 23 en passe de décrocher l’autonomie d’une partie du territoire congolais
Les négociations engagées depuis fin novembre à Kampala entre le gouvernement congolais et le M 23 sont dans la dernière ligne droite. Un projet d’accords est en voie d’être signé, mais les nouvelles en provenance de la capitale ougandaise sont loin d’être rassurantes. Car, apprend-on, la dernière mouture de ce projet consacre implicitement l’autonomie de la partie du territoire congolais sous contrôle de la dernière née des rébellions fabriquées par le Rwanda. Une véritable porte ouverte à la balkanisation du pays.
Particulier, spécial, large et spécifique, à Kampala tout résonne au son des superlatifs contenus dans le projet d’accords que s’apprêtent à signer le gouvernement de Kinshasa et le M 23 dont nous avons reçu copie. Si ce document venait à être signé par les deux parties, il consacrerait de fait l’aliénation de la partie du territoire congolais sous contrôle du M 23. Mais aussi et surtout, ce qui serait une véritable victoire de Kigali, accélérait là le processus de balkanisation du Congo-Kinshasa.
La lecture de ce projet donne froid dans le dos. Les articles se suivent et se ressemblent et ne permettent qu’une seule déduction : pour tirer M 23 du rouleau compresseur qu’est la brigade de l’ONU destinée à neutraliser tous les mouvements armés qui font le coup de feu au Congo-Kinshasa, les parrains du régime de ‘’Kabila’’ et du M 23 ont tendu un ultime traquenard au peuple congolais.
Le M 23 ne serait donc plus une force négative si cet accord était paraphé en l’état. Mieux, cette pseudo-rébellion deviendrait même une armée indépendante qui opérerait dans la partie du territoire congolais sous son contrôle avec l’assentiment de Kinshasa. Par ailleurs, cette même zone deviendrait quasiment un Etat dans un Etat et serait financièrement indépendante vis-à-vis du ‘’pouvoir’’ central.
L’article 5 de ces accords en vue prévoit donc ceci : ‘’ Du fait des guerres récurrentes, (…) le gouvernement s’engage à décréter la partie Est de la RDC zone sinistrée’’. Une zone sinistrée qui devra jouir de : ‘’un statut ‘’particulier’’, un plan de développement ‘’spécial’’, une ‘’large’’ autonomie, un concept opérationnel ‘’particulier’’ pour sa sécurisation et surtout d’un programme ‘’spécifique’’ de sécurisation pour la concrétisation des accords.
Ces cinq points donc mettent en lumière l’agenda caché du Rwanda qui s’active derrière sa création : le M 23. Mais, la supercherie ne s’arrête pas là. Plus loin, on peut lire aussi dans l’article 7 : ‘’Afin de faciliter l’intégration des cadres politiques du M 23 - des Rwandais majoritairement - le gouvernement de la RDC s’engage à les faire participer à la gestion des institutions nationales’’.
Les institutions concernées par ce nouveau processus d’infiltration rwandaise dans l’appareil de l’Etat congolais sont le gouvernement central, la diplomatie, les entreprises publiques, les gouvernements provinciaux, l’état major général de ‘’l’armée’’ congolaise, etc. Et donc, comme par le passé, les Rwandais ont fait parler la poudre à l’Est du Congo-Kinshasa pour forcer son ‘’gouvernement’’ à les faire intégrer dans ses institutions.
Des députés à la nationalité douteuse réhabilités, l’amnistie des criminels de guerre, la pacification de l’est par son armée à la place de la Brigade de l’Onu, l’éradication des forces négatives dont il s’auto-exclu, la reconnaissance des grades des combattants du M 23, la pénalisation des actes, paroles, attitudes, expressions,… qui véhiculent des pensées xénophobes, racistes, tribalistes et discriminatoires, etc. La litanie des concessions que le M 23 impose au ‘’gouvernement congolais’’ est longue pour être exhaustive.
Mais en guise de concession, la seule notable, le M 23 ne s’engage qu’à se transformer en parti politique mais dont l’aile militaire, l’Arc, resterait armée et maître dans le territoire autonome en gestation. En sus, il ne s’acquitterait de cette obligation qu’après la pacification de l’Est que l’Arc aura rondement mené. Une pacification d’ailleurs envisagée dans la durée quand l’accord fixe une ‘’période de cinq ans renouvelable’’.
SURENCHERE EN AMONT
Dans ce marché des dupes, le M 23 ne manque pas d’audace. Pendant qu’ils négocient à Kampala, donc semble vouloir la paix, il s’illustre par un ton belliqueux vis-à-vis de toute volonté nationale et internationale visant à régler l’équation de l’Est. Ainsi, Vianey Kazaramana, son porte-parole militaire, a dernièrement menacé la brigade de l’Onu de rétorsion si jamais elle tentait de le déloger.
Et, comme à l’accoutumée, Louise Mushikiwabo, chef de la diplomatie rwandaise, a joué sa partition : celle de porte-voix internationale des revendications du M 23. ‘’La solution militaire n’est pas une bonne solution, soutient-elle, il faut envisager une solution politique’’. Entendez par là que l’Onu doit considérer les négociations entre le gouvernement congolais et le M 23 comme la seule issue à la crise congolaise.
En clair, la surenchère du M 23 n’est que l’arbre qui cache la forêt. Le Rwanda et l’Ouganda sont en réalité les tireurs de ficelles. Surtout pour ce dernier qui est à la fois pays agresseur et médiateur. Car, pour ces deux pays, la fin du M 23 serait la fin d’un rêve plus que jamais proche. Celui de la balkanisation de la Rd Congo dont le projet d’accords que l’on veut imposer au régime de Kinshasa est une phase essentielle. Mais aussi de leur influence.
Seulement, ce projet, passera t-il ? Connaissant les atermoiements et les errements du pouvoir contesté de Kinshasa, il est fort à parier que le M 23 obtiendra gain de cause, dans une mesure ou une autre. Car, la reprise des négociations au moment où le M 23 est ciblé par l’Onu comme une force négative devant être délogée, est en soit un indicateur. Pour, on ne sait quelle logique, Kinshasa a préféré le marché made in Ouganda.
Le Rcd, le Cndp et d’autres groupuscules pro rwandais sont déjà passés par là. Qui négocie, surtout dans un contexte qui ne s’y prêtait pas, doit forcément concéder et les délégués congolais à Kampala sont dans la nasse. En sortir ne sera pas une chose facile. Avec la pression du médiateur, très favorable aux revendications du M 23, on ne voit pas comment ils ne signeront pas.
Mais, contrairement aux contextes des négociations passées avec les faiseurs de guerre rwandais, cette fois-ci, le M 23 n’a pas fait dans le flou. Sa principale revendication donne raison aux analystes qui croient que la balkanisation du Congo Kinshasa est en train de se jouer à Kampala et que, les Américains, en sourdine, mènent la danse. Et comme l’a envisagé Johnnie Carson : ‘’ la solution Yougoslave ou soudanaise est en marche’’.
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** Mohamed Mboyo Ey’ekula est journaliste congolais
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