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On ne peut pas être contre l’ingérence française au Mali, et plus généralement en Afrique, et être en même temps pour l’intervention militaire française.

La décision d’intervention militaire française au Mali suscite beaucoup de débats dans la gauche française, mais aussi dans les milieux anti-impérialistes, notamment africains. Beaucoup ont été sensible à la politique du moindre mal. Au regard des horreurs dont se sont rendus responsables les djihadistes, la libération des populations par l’armée française représentait une solution, à défaut d’être positive, au moins acceptable.

D’autres, toujours dans les milieux progressistes, considèrent qu’il y a une offensive généralisée des djihadistes soutenue par les pétromonarchies du Golfe et, dans ce cas, l’intervention française peut porter un coup fatal contre la montée en puissance des djihadistes et qu’il convient donc de soutenir. Pour notre part, nous considérons l’intervention non comme un fait isolé, mais comme une action qui s’inscrit dans un cadre global, celui de l’ingérence française au Mali.

Depuis le début, les autorités françaises savent qu’elles ne peuvent compter sur Amadou Toumani Touré pour rétablir la sécurité au Nord Mali ; cette région est proche des mines d’uranium (exploitées par Areva) qui demeurent un élément essentiel pour l’approvisionnement de sa politique nucléaire. Pourquoi ATT n’est pas un élément fiable dans la lutte contre les djihadistes ?

En premier lieu, ATT sait très bien que l’armée malienne ne fera pas le poids, tant au niveau de son moral que de son équipement face à des djihadistes bien armés et cela risque d’être un danger pour la stabilité de son pouvoir. En deuxième lieu, il sait aussi (certains ajouteront parce qu’il en bénéficie) que son clan, tant politique que militaire, touche sa part dans les différents trafics du nord Mali. Ainsi la solution préconisée par le gouvernement Sarkozy était de s’appuyer sur les Touarègues qui s’enfuyaient de Libye et c’est ce qui explique que les éléments du Mnla pourront, sans encombre, traverser la frontière nigérienne et/ou algérienne pour rejoindre le Nord Mali, sans être désarmé, alors que les milices touarègues retournant au Niger, elles, ont tout de suite été neutralisées.

L’idée est simple, en échange d’une quasi-indépendance du nord Mali, le Mnla s’engage à sécuriser la région contre les djihadistes qui s’attaquent aux intérêts français. Ce que n’ont pas prévu les stratèges du Quai d’Orsay, c’est que la dynamique enclenchée a précipité l’effondrement de l’État malien. Au nord où le Mnla, dès le début, fait alliance avec les Djihadistes, s’empare des grandes villes pour ensuite se faire expulser par ses anciens alliés qui font régner la terreur sur les populations. Au sud du pays, notamment à Bamako, face à une mutinerie, le pouvoir s’effondre et les mutins se retrouvent au pouvoir sans réellement l’avoir prévu.

La France va donc porter une très grande responsabilité dans la crise malienne, ce qui ne l’empêche pas de continuer son ingérence à travers la Cedeao, l’organisme des pays de l’Afrique de l’Ouest qui est surtout, à l’exception des deux pays anglophones, le club de la Françafrique. En effet, un embargo contre le Mali est décrété immédiatement dans le but d’empêcher la tenue d’assises souveraines permettant au peuple malien, dans toute sa diversité, de prendre sa destinée en main et de créer des institutions politique légitimes à même de diriger la libération du nord du pays, y compris avec l’aide d’armées étrangères, mais sous sa direction.

On imagine bien qu’un tel scénario n’était pas du goût des dirigeants de la France, aussi bien de Sarkozy que de Hollande, même si on nous répète que la Françafrique est finie. Nous n’avons pas vu la preuve de la fin de l’impérialisme français et les derniers faits marquant tendent à prouver le contraire avec les interventions militaires en Côte d’ivoire, au Tchad et en Libye. Bien que cela ne soit pas déterminant, l’épisode reste néanmoins révélateur de l’ingérence française au Mali ; en effet pendant des mois la Cedeao a bloqué les armes pourtant régulièrement achetées par le Mali., ces dernières ne furent libérées trois jour après que Dioncounda Traoré ait demandé officiellement l’envoie d’une force militaire étrangère au Conseil de sécurité de l’Onu.

Croire que l’intervention française se limitera au domaine militaire est une illusion. La preuve c’est que Paris insiste, par la voix de son ambassadeur, pour que l’État d’urgence soit réellement respecté à Bamako jouant le rôle de ministre de l’Intérieur, c’est la France qui décide où doit aller l’armée malienne et surtout où elle ne doit pas aller. Le choix des autorités françaises de travailler avec le Mnla, dans l’extrême nord du mali, est un avant goût du futur dialogue politique malien.

Une négociation entre les anciens du régime d’ATT et la direction du Mnla, prétendant parler au nom de toute la population du nord, bref on prend les mêmes dirigeants, tant au sud qu’au nord, pour déboucher sur des accords identiques à ceux du passé, avec les conséquences catastrophiques que l’on connaît. Mais cette fois-ci avec, en prime, une base militaire française permanente au Mali qui s’ajoute à celle du Burkina Faso et du Tchad, plus une base américaine avec des drones au Niger et un gouvernement malien affaiblit redevable à (l’ex) puissance coloniale.

Nous considérons que l’on ne peut pas être contre l’ingérence française au Mali, et plus généralement en Afrique, et être en même temps pour l’intervention militaire française. Ici comme ailleurs il est important de continuer à dénoncer, avec opiniâtreté, la politique de la France au Mali qui a contré l’émergence d’une solution malienne pour mieux protéger ses intérêts économiques et politiques.

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** Paul Martial est membre du Nouveau Parti Anticapitaliste, rédacteur d’«Afrique en lutte»

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