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La forme des réseaux de transport, qui résulte de l’externalisation de la construction d’infrastructures de transport international, s’inscrit dans la continuation des liens entre les pays africains et les anciennes puissances coloniales. Il s’agit là d’un facteur qui pèse lourd pour freiner l’intégration et le développement des échanges intra africains.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre expérience en Afrique ?

Dr G. K. Busch : J’ai commencé à découvrir l’Afrique en 1968. J’y ai voyagé plusieurs fois, notamment dans le cadre de missions qui m’étaient confiées. J’ai également travaillé pour des gouvernements africains. J’ai débuté dans le mouvement des travailleurs Africains au sein de l’Unité internationale pour le développement des syndicats africains. Je leur fournissais par ailleurs des médicaments, des vaccins, etc. Par exemple, lorsque les membres du Mouvement de Libération de Guinea-Bissau sont arrivés aux Etats-Unis, je les ai accueillis. Pour résumer, je travaille avec l’Afrique depuis des années

Vous êtes PDG de plusieurs entreprises de transport et logistique opérant en Afrique. Dans quelle mesure pensez-vous que les infrastructures de transport ainsi que tous les services qui y sont liés jouent un rôle dans l’amélioration de la situation économique ?

Dr G. K. Busch: L’Afrique est un vaste continent qui regorge de richesses mais qui souffre d’un réseau de transport très pauvre qui ne relie pas les différents centres de commerce entre eux. Ce manque d’intégration dans le commerce international est un lourd fardeau pour les exportateurs Africains et génère une situation dans laquelle un énorme pourcentage du prix de vente des produits africains sur le marché mondial est destiné à couvrir les coûts de transport. Dans les pays développés, les coûts de transport et d’assurance représentent environ entre 5,5% à 5,8% du prix de la marchandise à la livraison. Dans certains pays africains, les mêmes coûts de transport et assurance atteignent presque 80% du cout des produits livrés sur les marchés mondiaux. Et étant donné l’absence d’infrastructure développée de transport intra-africain, ces 80% du prix de la marchandise sur les marchés mondiaux sont versés à des compagnies étrangères et en dollars. Cette contrainte de paiement externe a aussi un impact sur le marché des devises.

Ainsi, si le prix du marché d’un bien est déterminé par le prix à l’arrivée et que ce prix est le prix CIF (coût-assurance-fret), alors, puisque le coût du transport et de l’assurance atteint un pourcentage aussi élevé du prix, l’exportateur Africain doit réduire son prix FOB (prix au niveau du chargement sur le bateau) afin de compenser la différence. Par exemple, si la tonne de minerai de manganèse se vend à 250$ CIF Europe de l’Ouest et que les coûts de transport s’élèvent à 60$ par tonne, alors le prix FOB maximum d’une tonne de minerai de manganèse ne peut être supérieur à 190$. Le prix du transport et de l’assurance échappent au contrôle de l’exportateur Africain. Ce dernier est à la merci du chargeur dont les taux sont en augmentation.

L’autre aspect important à souligner est le fait que la forme des réseaux de transport, qui résulte de l’externalisation de la construction d’infrastructures de transport international, s’inscrit dans la continuation des liens entre les pays africains et les anciennes puissances coloniales ; c’est-à-dire entre l’Afrique anglophone et la Grande Bretagne, l’Afrique francophone et la France, l’Afrique lusophone et le Portugal, etc. Le trafic Nord-Sud est la voie de transport la plus utilisée en Afrique ; la route Afrique de l’Ouest – Afrique de l’Est est quasiment inconnue. L’Europe de l’Ouest représente toujours environ 50% des exportations africaines. Cependant, la dégradation des termes de l’échange a entrainé des anomalies ; des produits frais d’origine sud-africaine sont expédiés en Europe avant d’être réexpédiés de nouveau vers l’Afrique de l’Ouest.

Le tabac suit également ce type de route. Lorsque le Malawi veut vendre du tabac au Sénégal, la marchandise est d’abord expédiée vers la Grande Bretagne ou la France puis repart pour le Sénégal. Cela représente un coût très important mais moindre que si l’on expédiait la marchandise directement au Sénégal.

Les compagnies de transport et logistique agissent-elles pour participer au développement des infrastructures de transport ?

Dr G. K. Busch : Non car elles sont contrôlées par les gouvernements, et donc dans certains cas par la France ; aussi bien le transport aérien (Air Afrique, Air Gabon, etc.) que le transport maritime.

Quels reproches faites-vous à la politique étrangère de la France en Afrique ?

Dr G. K. Busch : Il s’agit du plus grand problème des pays africains. Alors qu’ils devaient apprendre à s’organiser en toute indépendance, la France les en a empêchés. Ils ont un drapeau, un hymne national, un siège aux Nations Unies… et c’est tout.

Avant, tous les fonctionnaires étaient Français, ils ont tout organisé, possèdent tous les marchés, y écoulent toutes leurs marchandises. Aujourd’hui encore, même s’ils ne sont pas les fonctionnaires officiels, ils dirigent toujours les choses car ils sont aux commandes des postes clés. La seule personne qui a changé cela était Sékou Touré, le premier président de la Guinée, après avoir organisé un référendum. La France en retour a tout repris, toutes ses infrastructures, elle a même démonté toutes ses portes et à tout renvoyé en France. A cette époque, au début des années 1960, les autres présidents issus des anciennes colonies françaises tels qu’Houphouët-Boigny ont signé le Pacte Colonial. Ceux-là ont leur drapeau mais aucune indépendance jusqu’à aujourd’hui.

Aussi, lorsque nous exportions du cacao au Libéria, et que nous souhaitions en acheter en Côte d’Ivoire, nous ne pouvions pas entrer les bateaux dans les ports car les Français nous bloquaient. Il faut traiter avec les agents Français, les transporteurs Français, les entreprises françaises. Ces problèmes n’apparaissent que dans les zones où l’on parle français. Si vous souhaitez faire du business en Afrique francophone, vous devez obtenir la permission des entreprises françaises.

En Côte d’Ivoire, les Français se sont vu reprendre leur travail et ils se sentent menacés. Le patronat français qui a dominé en 2006 est aujourd’hui remboursé par le gouvernement Ouattara pour les pertes subies au cours de la guerre civile. Par ailleurs, la plupart des gens qui viennent faire du business dans le pays ne peuvent pas faire grand chose car la France supporte les nordistes qui s’approprient le monde des affaires.

Autrement, pensez-vous que l’intégration régionale est possible en Afrique ?

Dr G. K. Busch : Absolument. L’UEMOA, l’Union Africaine, l’Union douanière d’Afrique Australe…. Ces institutions jouent toutes un rôle important. Le problème essentiel c’est que rien de ce que l’on achète en Afrique n’est produit en Afrique. L’Afrique du Sud produit une quantité importante de biens de consommations mais ceux-ci ne sont pas exportés en Afrique. Pour créer une dynamique régionale, il faut multiplier les échanges internes.

D’autre part, la question énergétique est primordiale. Sans électricité à temps plein, il n’est pas possible d’avoir des usines et de produire. Le déficit énergétique bloque le développement. La classe moyenne est à la base du développement et le manque d’énergie empêche la classe moyenne de se développer et de jouer son rôle. On trouve une quantité massive de pétrole sur le continent africain mais tout le pétrole est exporté. Pendant des années, le Nigéria a reçu des aides pour les combustibles. Le pétrole sort également massivement de l’Algérie pour être traité dans des raffineries à l’étranger. L’Algérie rachète ensuite ce même pétrole traité par les raffineries étrangères.

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



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** Dr Gary K. Busch, de nationalité américaine a été professeur et assistant secrétaire général d’une organisation syndicale internationale, puis Responsable de département à l’Université d’Hawaii et PDG de plusieurs compagnies de transport et logistique. Cette interview a été réalisée par Awa Sacko pour Terangaweb

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