Sénégal : Quel citoyen pour l’assemblée nationale ?

Le 25 mars 2012 les Sénégalais faisaient dégager Abdoulaye Wade et son pouvoir prédateur. Mais ils n’avaient alors effectué que la moitié du chemin. Face aux défis qui attendent le pays et aux mutations qui s’annoncent à grandes enjambées, tant au plan national qu’international, les élections législatives du 2 juillet constituent un autre défi.

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Des citoyens vont bientôt solliciter le suffrage d’autres citoyens sénégalais, avec les élections législatives du 1er juillet 2012, pour nous représenter à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi il importe à l’heure de ce grand choix d’attirer l’attention de nos compatriotes sur la nécessité de s’armer de vigilance afin que leur choix ne soit pas pris à défaut.

Il est plus que vital, au début de cette législature, que de véritables représentants siègent à notre Assemblée nationale. Il doit être hors de question d’y envoyer des citoyens aptes uniquement pour à aller dormir, à l’hémicycle. Au sens figuré comme au sens propre, qu’ils ne « tremblent » devant les ministres. Aussi devrions-nous surtout avoir en mémoire les images affligeantes de la télévision renvoyant aux téléspectateurs des plans d’une Assemblée nationale vide aux trois quarts, pour décider de qui doit nous y représenter dignement. Car depuis 40 ans notre Assemblée nationale a été considérée par un bon nombre de Sénégalais, comme une chambre d’enregistrement. Chambre d’enregistrement, mais également une institution qui constitue une des pièces maitresses à la base du drame politique sénégalais depuis les années 60, du fait du mandat parlementaire qui a transformé la fonction de député en une sinécure, alors qu’elle devrait être chez nous un véritable sacerdoce.

C’est pourquoi il n’est pas étonnant de constater que toute l’histoire politique du Sénégal est jalonnée de drames sans fin avant, pendant et après les élections législatives. Donc l’institution de l’indemnité de session, pour payer les députés, que soutiennent certains de nos compatriotes, nous parait indispensable. Comme ce fut le cas à l’époque de l’Assemblée Territoriale, sous la loi cadre. Aujourd’hui, au niveau de chaque formation politique, la période d’investiture est l’occasion de crocs en jambe, d’empoignades de batailles rangées plus âpres les unes, les autres, non pas pour servir le peuple, mais pour se servir du mandat parlementaire. Le pouvoir pour les citoyens de contrôler ce que l’on fait avec leurs impôts, c’est ça la politique, disait quelqu’un. Mais connaitre bien l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, contrôler son mandat « sur pièce et sur place », c’est également faire la politique.

Par ces temps de toutes les crises ou règnent le roi argent dans tous les coins de rue, des buildings aux chaumières, il est difficile de faire comprendre aux Sénégalais qu’il y a une bonne et une mauvaise politique étant donné que la colonisation, en maintenant la pratique, rime avec roublardise, corruption et mensonge aux yeux de la population. C’est pourquoi, autant que faire se peut, nous devons veiller à envoyer l’Excellence à notre Assemblée nationale. Et c’est possible.

Que l’on se comprenne bien, pour être député, il ne suffit pas d’être un universitaire bardé de diplômes, être riche comme Crésus ou être un descendant d’un ‘’yax bu rey’’ (grande famille). Bien que dans notre Sénégal d’aujourd’hui, il soit difficile de retirer ces critères (qui relève de l’idéologie féodale/colonialiste), parmi ceux qui sont à la base des choix de nos concitoyens. Mais, nous croyons que le vrai représentant du peuple, le député, doit d’abord être quelqu’un qui est « au courant » et non « non au courant ». Autrement dit, quelqu’un qui est au diapason des dossiers brulants qui hantent le sommeil des Sénégalais depuis la nuit des temps.

Au lieu d’assister à des dissertations oiseuses de certains de nos compatriotes qui ont à la bouche « la mondialisation » et les slogans creux de lutte contre la pauvreté de la Banque mondiale et du Fmi , ou de vouloir singer ce prince qui n’hésite pas à construire un palais des milles et une nuit de ‘’1788 pièces’’ , ou offrir un Airbus à sa fille le jour de ses 18 ans’’ , les Sénégalais aimeraient voir nos hommes politiques , les députés en premiers, se « bagarrer » autour des problématiques tels que : l’agriculture sénégalaise doit être une agriculture nourricière au profit de la nation ou une agriculture au service des multinationales de l’agro-business ? La santé dans le contexte d’un pays appauvri, comme le notre, doit-elle être totalement privatisée ou supervisée par la puissance publique ? L’école doit-elle être démocratique nationale, ou au service des forces de domination porteuses d’une certaine culture aliénante ?

Nous croyons que des Sénégalais généreux à tout point qui peuvent siéger valablement à l’Assemblée nationale, vivent par milliers parmi nous et dans les partis. Il suffira tout simplement de les « dénicher » et de les désigner. D’autant qu’il est impérieux de s’atteler au renouvellement, par rajeunissement, du personnel politique constitué, il ne faut pas se lasser de le dire, d’hommes du « paléolithique » et du « néolithique ». Il est donc indispensable que 50% des futurs députés de l’Assemblée nationale soient constitués de jeunes (hommes et femmes), face aux défis qui attendent le pays dans la perspective des mutations qui s’annoncent à grandes enjambées, tant au plan national qu’international.

Hormis ces critères énoncés pour être député, il y en a d’autres et non des moindres, pour prendre à bras le corps le problème du développement intégral du pays : c’est être un patriote et un démocrate. Car un patriote ne doit jamais transiger devant les intérêts supérieurs de la patrie. Un démocrate ne doit jamais transiger par rapport aux droits et libertés du citoyen. A ce propos on est tenté de demander à l’homme citoyen pour paraphraser notre regretté Mara Kounta de Louga : ‘’Entre le bourgeois, le féodal patriote conséquents, et le « Révolutionnaire réaliste », qui rebrousse chemin au premier coup de semonce de l’adversaire, qui tu préfères ?’’

Nous pensons que rien ne vaut la démocratie et que sa pratique conséquente et effective par tous les acteurs sociaux, au bénéfice du grand nombre, constitue un rempart à toutes les dérivées qui ont ruiné aujourd’hui notre pays.

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



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** Ababacar Fall-Barros est membre de GRILA-Sénégal

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