"Au travers des voix africaines et provenant de tout le Sud global, Pambazuka Press et Pambazuka News diffusent des analyses et des débats concernant la lutte pour la liberté et la justice", écrit Horace Campbell.
Depuis la figure de proue de Pambazuka, on nous rappelle que la communauté de Pambazuka comprend un réseau de plus de 2500 auteurs engagés dans la lutte pour la liberté et la justice. Ces luttes sont devenues plus aiguës en cette période où se pose la question brûlante de l’unité des peuples africains en Afrique et à l’étranger. L’unité est indispensable pour améliorer la qualité de vie, pour que les peuples d’Afrique vivent en paix, restaurent l’environnement naturel, réparent l’esprit humain et la Terre. Si ces tâches semblent dantesques, c’est parce que les peuples africains, sur le continent et à l’étranger, sont coincés au fond d’un système politique, économique, de système technologiques et d’informations internationales qui met le profit avant les humains.
(…) Pambazuka News a émergé dans une communauté de panafricanistes qui veulent aiguiser les outils de l’information et de la communication et qui veulent créer des liens avec tous ceux qui cherchent à rompre la relation avec les dirigeants qui ont regardé se faire un génocide sans intervenir. Pambazuka a aussi été la tribune où s’exposent les mensonges du néolibéralisme qui manipulent la vérité concernant la paupérisation des Africains.
La légitimité des gouvernements a disparu. Ainsi les conditions sont mûres pour l’émergence d’autres hégémonies sociales qui permettent la renaissance d’un développement conçu comme il doit l’être : la combinaison indissociable du progrès social, de l’avancement de la démocratie et de l’affirmation de l’indépendance nationale négociée dans une globalisation multipolaire. Le potentiel de ces nouvelles hégémonies est déjà visible à l’horizon.
Dans cette globalisation multipolaire à laquelle appartient le panafricanisme Pambazuka et son réseau ont joué un rôle important dans l’affirmation de l’unité des peuples d’Afrique.
C’est précisément en raison des conditions criantes de déshumanisation, comme en témoignent les statistiques des Nations Unies, que la communauté internationale persiste à se contorsionner afin de détourner l’attention de la misère de l’exploitation. D’abord il y a eu "la décennie du développement", mais avec la paupérisation croissante de la population après chaque décennie, les seigneurs impériaux ont eu l’idée des Objectifs du millénaire pour le développement. Pambazuka s’est fait le critique de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire International à maintes reprises et a réussi à dépouiller ces institutions de leur légitimité aux yeux de l’opinion publique africaine.
Il doit être dit et répété que la prospérité et la paix pour les Africains ne sont pas réalisables dans le contexte socio-économique actuel. Ceci n’est pas l’endroit pour répéter les statistiques concernant la santé, la scolarisation, le logement, l’accès à l’eau et les droits des femmes et des filles. A moins de rompre avec le système international et les forces économiques dominantes, l’Afrique continuera d’être exploitée et dominée jusqu’au 22ème siècle. Raison pour laquelle le mouvement panafricain doit se distancer des idées et pratiques du capitalisme international et du système social qui menace de détruire l’Afrique.
(…) Pambazuka s’est fait le champion des droits des travailleurs, des syndicats, des employés domestiques, des homosexuels et des victimes de la xénophobie. Ce n’est pas un hasard si la xénophobie et les idées négatives concernant l’ethnicité, la religion, le régionalisme ont été les instruments piégeant les populations qui contribuent à leur propre oppression.
(…) Pambazuka News et Pambazuka Press (Fahamu Books) a été à l’avant-garde de la promotion de la Charte africaine du droit des femmes. Les relations avec des réseaux de groupes organisés dans le monde panafricain ont atteint, non seulement les militants des mouvements de femmes, mais aussi les forces culturelles qui veulent insuffler une nouvelle vie en Afrique, pour la reconquête de notre humanité.
Lorsque la population à la base embrasse pleinement la nouvelle vie en Afrique, celle-ci résonne à travers les chants dans les rues, dans les marchés, dans les villages et dans des centres d’activités culturelles. Ceci est une force prépondérante qui ne pourra être freinée par ces trompeurs qui se présentent comme des dirigeants.
Les éléments de base pour le renforcement de ces mouvements sociaux sont déjà sur le terrain, que ce soit le Bunge la Wananchi au Kenya, le Treatment Action Campaign (TAC) en Afrique du Sud, la Sudanese Women’s Voice for Peace (SWVP) ou encore Enough is enough au Nigeria ainsi que les forces anticoloniales au Sahara Occidental. En fait, c’est la force de l’esprit anticolonial tel qu’il se manifeste au Sahara Occidental, en Palestine, en Martinique, en Guadeloupe, à Puerto Rico, à Cayenne, Mayotte la Réunion et d’autres endroits qui sont des vestiges coloniaux qui remettent en mémoire pour les panafricanistes que le colonialisme n’est pas mort. Et qu’il ne peut y avoir d’unité africaine ni de meilleure qualité de vie pour les peuples aussi longtemps que l’occupation, le colonialisme et la domination impérialiste perdurent.
Pambazuka appartient maintenant au monde Ushahidi, le monde dans lequel on partage l’information sur comment sauver le monde confronté à des défis extrêmes. C’est un monde qui ne connaît ni les frontières ni les différences de race. Ce faisant, Pambazuka fait la promotion de l’internationalisme des traditions panafricaines.
REEDUCATION ET RE HUMANISATION
Il y a de nombreuses façons pour les défis du panafricanisme de faire appel à de nouveaux témoins. En bref, la communauté à laquelle appartient Pambazuka a émergé de la lutte pour les droits humains et a rejoint le camp de ceux qui oeuvrent au démembrement total des actuelles structures éducationnelles afin que nous puissions passer d’un apprentissage de la soumission et de l’exploitation à celui prôné par le panafricanisme en faveur de la reconstruction et de la transformation.
Ces mêmes esclavagistes et maîtres coloniaux ont compris que la déshumanisation requiert un élément idéologique pour soutenir l’usage de la force brute. Il s’en suit que la forme dominante d’éducation en Afrique, aujourd’hui, demeure un moyen d’oppression des peuples africains aussi bien sur le continent que dans la diaspora. Il est devenu plus apparent qu’une grande partie de l’éducation en Afrique devait servir à produire des humains malsains facilement manipulables.
Il y a plus de 50 ans, Franz Fanon écrivait sur la question du lien entre des esprits malsains et le système éducatif destructeur. Ngugi Wa Thiong’o a écrit sur la nécessité "de décoloniser les esprits". Des panafricanistes populaires comme Bob Marley ont appelé à "l’émancipation de l’esclavage mental". Des panafricanistes progressistes comme Julius Nyerere, Joseph Ki-Zerbo, Kwame Nkrumah et Amilcar Cabral ont formulé l’importance d’une éducation pour l’autosuffisance et une éducation morale qui génère un héritage de partage et de générosité. Ce n’est pas un hasard si Pambazuka a été présent en Tanzanie lors du festival Nyerere en avril 2010, là où des forces progressistes se sont rassemblées pour ébaucher le renforcement d’u nouveau processus éducationnel. C’est à cette transformation qualitative de l’éducation africaine que réfléchissent de nouveaux organismes dans toute l’Afrique et au-delà, que ce soit l’African Institute for Mathematical Sciences (AIMS) ou les intellectuels de langue africaine qui travaillent à une renaissance culturelle africaine à l’African Academy of Languages (ACALAN)
Pambazuka participe à la lutte actuelle pour l’humanisation de tous les peuples. Il devient de plus en plus évident que la formation scientifique qui contient le savoir et la philosophie africaine, y compris Ubuntu, doit être ancrée dans les langages africains. Une des tâches principales dans les prochaines éditions de Pambazuka sera de stimuler et de mobiliser les forces progressistes afin de rassembler les ressources matérielles pour le renforcement des langues africaines. Les milliards volés doivent être récupérés et investis dans le renforcement de ces institutions qui, en Afrique, sont vouées à la rééducation et à la ré-humanisation. C’est Amilcar Cabral qui disait que le savoir et la culture africaine sont comme des graines qui attendent les conditions optimales pour germer. Nous pouvons en voir les premiers signes dans toute l’Afrique et chaque jour nous constatons que les actuels dirigeants africains sont incapables de fournir les conditions pour une éducation décente en Afrique. Si dans une société, l’éducation est la transmission de valeurs d’une génération à la suivante, nous savons que les valeurs actuelles sont la cupidité, l’individualisme, la corruption et la compétition qui ne sont pas des valeurs qui peuvent restaurer la santé et l’humanité des peuples africains.
Pambazuka doit continuer à s’éloigner de l’orbite des ONG et rester sur le champion de la transformation des sociétés africaines. Pour continuer sa croissance, Pambazuka doit continuer sa lutte pour galvaniser et unir jusque dans les moindres recoins de l’Afrique. Les jeunes, dans toute l’Afrique veulent des services de santé, des logements, de l’éducation et une bonne qualité de vie. Ces jeunes ne veulent pas être manipulés sur la base de la religion, du régionalisme, de la race ou de l’ethnie.
Par ce qu’il est venu à représenter, Pambazuka a élevé la qualité de la pratique du panafricanisme au 21ème siècle. S’il est vrai que Pambazuka a été le catalyseur dans une communauté de militants, c’est aussi vrai que son plein potentiel reste à réaliser. Lorsque ce potentiel évoluera du stade germination à celui de floraison, l’Afrique et les Africains auront franchi un grand pas.
* Horace Campbell est un enseignant et un écrivain. Son dernier livre "Barack Obama and the 21st century politics: a revolutionary moment in the USA" a été publié par Pluto Press – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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