Retrouver la mémoire
Nnimmo Bassey, un militant pour la justice environnementale et le lauréat du prix Right Livelihood, connu sous le nom de Prix Nobel Alternatif, rend hommage à Pambazuka News, média au travers duquel "nous construisons et recouvrons la mémoire perdue pour de future action", écrit-il
(…) Au fil des années, Pambazuka News a fourni de l’espace pour des articles et des documents stimulants. C’est un espace unique pour les étudiants et les politiciens qui aiment voir des évènements fondamentaux remis dans le contexte de leur base systémique et fondamentale. C’est cette tendance à aller creuser sous la surface, à provoquer le lecteur afin qu’il agisse, qui a placé Pambazuka News à l’avant-garde de nombreuses autres publications.
En tant que militant pour la justice environnementale, j’ai trouvé là le média indispensable dans ma quête d’identification des forces qui, depuis les coulisses, continuent de piller les ressources naturelles de l’Afrique tout en dégradant son environnement et avilissant ses peuples.
Soucieux d’éduquer une nouvelle génération de militants, j’ai trouvé en Pambazuka News un excellent outil. A une époque où les gens préfèrent un raccourci vers la liberté, c’est un cadeau que de trouver un média qui reconnaît que la liberté requiert le plus souvent un long cheminement. A une époque où les gens sont nourrit de bruit, parvenir à faire lire par des jeunes du matériel qui inspire des actions productives n’est pas chose facile. Pour ceux d’entre nous, nourris du verbe de penseurs comme Franz Fanon, Walter Rodney, Amilcar Cabral, Cheikh Anta Diop et Chinweitzu, il est devenu difficile de trouver des jeunes gens capables de s’identifier avec ces écrivains critiques qui remettent l’étendard de l’indépendance en question, cette indépendance que nous célébrons aujourd’hui alors que des millions vont se coucher affamés et malades.
Pambazuka News est aussi un espace où règne la confiance, qui permet la venue de nouvelle voix dans notre quête collective pour une Afrique véritablement indépendante. Chaque fois que je déclare que l’Afrique est le centre du monde, je suscite des éclats de rire comme si je venais de dire une plaisanterie. La vérité est que notre continent est véritablement le centre du monde. Il est presque entièrement entouré d’eau et, à l’exception des déserts, est facile à traverser du nord au sud, d’est en ouest.
La côte extensive présente un grand avantage pour le continent en terme de communication. Ses énormes ressources garantissent qu’il peut plus que satisfaire les besoins de sa population. Et la liste peut continuer.
Hélas, cet avantage significatif s’est avéré être la voie par laquelle le continent a été violé et dégradé. Plutôt que d’être un moyen de défense contre les attaquants, la côte africaine a plutôt été le lieu de débarquement pour les envahisseurs de ses rivages au cours des âges. Sa variété de ressources a apporté plus de malheurs que de bénédictions pour le continent. Ce n’était pas inévitable. Une des principales faiblesses du continent est la fragmentation décidée lors de l’infâme partie de chasse à Berlin, en 1884, dans le cadre de la ruée sur l’Afrique.
Le continent a non seulement été fragmenté physiquement par les forces mercantiles et coloniales, sa vie culturelle et socio-économique a été sévèrement altérée. A moins d’une véritable unité africaine, le continent reste divisé, proie facile de l’exploitation, cependant que ses forces vives, qui pourraient être des forces de libération, se trouvent érodées. De petits Etats fragmentaires sont susceptibles d’être dominés par les Etats plus grands. Le propos qui dit qu’"un peuple uni est difficile à défaire" est plus qu’un dicton C’est un truisme dont nos dirigeants devraient se souvenir ainsi que tous les Africains.
Le nombre de conflits sur le continent a diminué. C’est vrai. Mais nous avons toujours des conflits larvés, des Etats dans les limbes et d’autres qui sont prêts à exploser ou même implosent. Nous voyons de nouvelles ruées partout : pour du pétrole, des minerais et maintenant de la terre pour la culture des agro-carburants afin d’alimenter les machines en Europe et en Amérique du Nord.
Nous devons de toute urgence nous souvenir de "quand la pluie à commencer à nous battre", selon l’expression de notre population. Imaginez une Afrique véritablement unie, capable d’utiliser ses ressources pour son développement. Imaginez une Afrique qui montre le chemin vers une civilisation sans énergies fossiles et sans carbone. Imaginez une Afrique qui montre au monde comment vivre dans le cadre des limites de l’environnement. Imaginez une Afrique qui n’est pas représentée par un poster qui montre un enfant malnutri, malade, victime d’un conflit. Ce sera une Afrique qui pense pour elle-même (…)
Ceci est l’Afrique dont Pambazuka News présente les blocs de construction prêt à l’usage. Un des avantages essentiels est la parution régulière, facilement accessible au lecteur des "Liens et ressources ". Ces liens permettent d’étudier, d’approfondir et d’analyser les choses par soi-même. Ils offrent un service important pour tous ceux qui souhaitent acquérir une compréhension plus profonde des questions de notre temps. La dimension des liens et la profondeur des articles permettent à tous les lecteurs de se construire un savoir holistique et d’interpréter les situations et les phénomènes
Je considère aussi Pambazuka News comme une chronique et un stimulant de notre mémoire collective. Par ce média nous construisons et nous recouvrons aussi la mémoire perdue pour des actions futures. Cependant, on doit se souvenir qu’il reste du chemin à faire. Pambazuka News doit continuer à pousser sur le chemin du panafricanisme et construire sur ce qui a été acquis au cours des années précédentes. Plus d’efforts doivent être faits pour atteindre les jeunes ainsi que les faiseurs d’opinion sur le continent et au-delà.
Pambazuka News est déjà accessible par des nouveaux médias comme Twitter. Davantage de média innovant sont nécessaires afin d’atteindre notre très mobile jeune génération. C’est sans doute un but très élevé, mais Pambazuka News doit aussi dicter le programme pour le leadership politique du continent. Ensemble nous revendiquons la justice. Jusqu’au jour de la victoire !
*Nnimmo Bassey est le directeur exécutif de Friends of the Earth – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur Pambazuka News