A quoi servent les concepts de Prix Nobel et de démocratie ?

Quand le Prix Nobel de la Paix va à des fauteurs de guerre comme Obama en Irak et en Afghanistan, ou encore Menahem Begin au Liban, voir à des « dissidents » cubains ou chinois, Diagne Roland Fodé estime que l’acte ne sort pas d’une logique : user d’une «arme idéologique contre les peuples, pays, Etats que les impérialistes occidentaux veulent déstabiliser et soumettre».

Un ‘dissident’ chinois, un ‘dissident’ cubain et Obama qui fait la guerre en Afghanistan, en Irak, etc. Voilà les Nobel de la ‘paix’ et de la ‘démocratie’ aux Etats Unis et dans l’Union européenne. Les mots ‘dissident’ et ‘démocratie’ reviennent dans le jargon de la propagande manipulatoire des impérialistes occidentaux contre ce qui reste comme pays et Etats de l’ex-camp socialiste défait dans les années 1990. Le capitalisme d’Etat chinois apparaît de plus en plus au libéralisme impérialiste des Etats Unis et de l’UE comme un dangereux adversaire à qui il faut opposer les recettes idéologiques qui ont été efficaces dans la lutte contre le camp socialiste.

« Contrairement à une image qui doit trop à notre occidentalo-centrisme, le capitalisme chinois est moins ‘libéralisé’ qu’on ne le croit. L’une de ses forces de frappe réside dans ses entreprises étatiques. Elles sortent gagnantes de la crise 2008-2009, indiquait, cette semaine, le ministère chinois des finances. BTP, énergie, pétrochimie, téléphonie, aéronautique, dans ces secteurs, l’Etat chinois a favorisé la création de grands groupes publics (…) Là, pas d’appels d’offres, ou alors purement formels : les marchés sont attribués aux groupes chinois. (…) Là pas de concurrence indue : les firmes étrangères ou chinoises privées sont priées d’aller voir ailleurs… Là, pas d’actionnaires à rémunérer : pour ses entreprises, l’Etat chinois est grand prince ! » (source : Le Monde).

Le prix Nobel de la paix ou de la guerre

Ainsi les « prix Nobel sont de véritables gratifications pour service rendus à l’Occident impérialiste, à ses transnationales dans leur guerre sans fin pour piller, opprimer les peuples et pérenniser l’exploitation capitaliste des travailleurs. On peut voir cela par les exemples non exhaustifs de ceux qui ont déjà obtenus ces remerciements nobelisés des impérialistes : En 1975, L. Duc Tho, négociateur vietnamien de la paix, rejette le prix Nobel par lequel était aussi distingué H. Kissinger négociateur américain et bourreau de millions de vietnamiens. En 1978, c’est au tour du terroriste assassin israélien, M. Begin, qui lancera l’attaque contre le Liban en 1982 et couvrira les massacres de Sabra et Chatila du sanguinaire Sharon, etc.

Si l’inventeur de la dynamite, Alfred Nobel, voulait se racheter en primant les personnalités ou organisations qui ont le plus œuvré pour la paix, cette noble intention est tout simplement et cyniquement récupérée par les impérialistes comme arme idéologique contre les peuples, pays, Etats qu’ils veulent déstabiliser et soumettre.

Les peuples opprimés agressés et pillés par l’impérialisme et les travailleurs victimes du chômage, de la précarité, sans logis, sans papiers, qui se suicident au travail souhaitent décerner les prix Nobel de la Paix et de la démocratie à ces prisonniers politiques de la « plus grande démocratie du monde » que sont Mumia Abu Jamal, journaliste militant oublié de ‘Reporters sans frontières’, Léonard Pelletier, militant de la cause amérindienne emprisonné depuis 33 ans, les cinq patriotes cubains qui ont déjoué des attentats terroristes préparés au Etats Unis visant Cuba et aux 11.000 prisonniers palestiniens dans les geôles sionistes, aux sans papiers incarcérés dans les centre de rétention dans les pays de l’UE et parfois déportés en charter vers la mort, etc.

LA DEMOCRATIE OU LA DICTATURE

Le capitalisme et son stade suprême, l’impérialisme, utilisent le mot ‘démocratie’ pour les mêmes finalités : préserver le système de l’exploitation de l’homme par l’homme. Lénine disait fort justement que « l’impérialisme, c’est la réaction sur toute la ligne », c’est à dire une dictature de classe coercitive de la bourgeoise contre les travailleurs et les peuples. C’est le capitalisme qui par sa nature même engendre misère pour la majorité, guerre et fascisme. Et quand sa forme démocratique prévaut, c’est parce que l’opportunisme et le réformisme désarment momentanément le mouvement ouvrier. Mais une fois que la contradiction capital/travail s’aiguise, la dictature de la bourgeoisie arc-boutée sur la sacro-saint propriété privée des moyens de production et d’échange s’exerce de plus en plus ouvertement.

Les illusions entretenues de la ‘séparation des pouvoirs’ (Exécutif, Législatif, Judiciaire) s’effritent au fil des luttes du monde du travail et des peuples pour en finir avec l’exploitation capitaliste et l’oppression impérialiste. La bourgeoise ne fait plus semblant quand ses intérêts fondamentaux sont menacés, c’est-à-dire quand la lutte pose pratiquement la question de l’expropriation des moyens de production et d’échange et leur socialisation, solution ultime pour se débarrasser des crises systémiques, de l’exploitation capitaliste et redistribuer au sein des populations les richesses produites selon le travail fourni par chacun.

En effet, le capitalisme à son stade suprême est miné par la contradiction fondamentale entre la socialisation poussée à son paroxysme du travail et l’appropriation privée par des actionnaires des fruits de plus en plus mondialisés de ce travail socialisé. Ainsi les travailleurs et les peuples découvrent peu à peu que le « multipartisme » est un verni pour « l’alternance du programme et de l’idéologie unique à deux têtes » tant que l’exigence d’écraser le prolétariat et les peuples par la dictature terroriste ouverte déclarée du fascisme n’est pas nécessaire.

Donc, quand on réfléchit sur les notions de dictature et de démocratie, il ne faut surtout pas confondre forme et fond, apparence et contenu. Le capitalisme tout comme le socialisme sont, quant au fond, au contenu de classe, des dictatures de classe : le premier de la bourgeoisie, du capital et le second du prolétariat, du travail. Le capitalisme et le socialisme prennent des formes dictatoriales ou démocratiques selon le rapport des forces dans la lutte des classes et des peuples.

C’est un des enseignements théoriques fondamentaux tirés par les communistes soviétiques de l’expérience douloureuse de la défaite du socialisme, de l’URSS. Les communistes et les prolétaires qui subissent aujourd’hui les désastres de la restauration du capitalisme et de la re-colonisation impérialiste apporte ainsi une contribution décisive à la réflexion théorique sur les concepts de « dictature et de démocratie » dans le mouvement historique de la lutte des classes.

Voilà la synthèse matérialiste dialectique qu’en fait brillamment Nina Andréeva : «L'exacerbation de la conscience de lutte de classe, jusqu'à la reconnaissance de la dictature du prolétariat, avait été considérée par Lénine comme étant un des acquis fondamentaux de Marx et Engels. Staline n'a fait que confirmer et maintenir cette position. C'est précisément cette partie de l'enseignement marxiste-léniniste qui a été de plus en plus soumises aux attaques des politiciens et idéologues bourgeois et qui a finalement pratiquement disparu du programme de toute une série de partis communistes. Il ne s'agit pas d'une question de terminologie mais bien de contenu - du contenu de ce concept. Tout Etat est une dictature - dictature de l'une ou de l'autre classe. Classe qui dispose du pouvoir économique. Cependant, Il ne faut pas confondre la teneur du pouvoir – c'est-à-dire dans l'intérêt de qui on met en application et on défend le pouvoir de classe - avec la forme, les moyens, le régime d'exécution de ce pouvoir.

C'est ainsi que le fascisme est une forme terroriste de la dictature de la bourgeoisie. Le fascisme apparaît lorsque que le capital est obligé de se départir des formes démocratiques de gouvernement pour passer en un régime de soumission directe et brutal des travailleurs.

La dictature du prolétariat est assurée par la classe des travailleurs et leurs alliés. La dictature du prolétariat peut apparaître dans des formes extrêmement diversifiées de pouvoir. Les travailleurs souhaitent que cette méthode de mise en application de leur pouvoir soit elle-même démocratique. Cependant, comme l'histoire l'a montré, cette possibilité ne dépend pas toujours des travailleurs eux-mêmes. L'opposition à la bourgeoisie peut nécessiter des formes de pouvoir beaucoup plus brutales. La révolution doit être à mesure de se défendre de façon à pouvoir subsister.

Les Idéologues et les opportunistes bourgeois confondent volontairement le contenu de la dictature du prolétariat en tant que substance de classe du pouvoir de l'Etat du prolétariat, avec les méthodes et formes de sa mise en application. Ceci est fait dans le but d'identifier le socialisme et le fascisme de façon à désorienter les travailleurs. Les socio-démocrates et « l'Eurocommunisme» se sont embarqués sur cette voie. Le malheur est que certains communistes n'y voient même pas un piège.

Cependant, il ne faut pas opposer dictature et démocratie en tant que contenu du pouvoir. Dictature et démocratie ne peuvent être opposées que seulement du point de vue de la forme, des moyens, du mode de mise en application du pouvoir par l'une ou l'autre classe.

C'est cela la substance de l'opposition qui est faite entre dictature et démocratie. Le leitmotiv des opportunistes Gorbatchéviens du PCUS (Parti communiste d’Union soviétique) a été la paix civile dans une période où la contre-révolution s'attaquait aux victoires du socialisme dans le pays.

L'expérience des trois et quatre dernières décennies de l'histoire de l'URSS a montré que l'ennemi principal de la gestion stalinienne, l'opportunisme, mène inévitablement à la restauration ouverte du capitalisme. L'hystérie anti-stalinienne jouait un rôle de paravent dans le renforcement de la campagne anti-léniniste et anti-communiste» (Conférence de presse tenue le 2 mai 1992 à Bruxelles, publiée dans Solidaire n°823 du 27 mai 1992).

Historiquement, c’est aussi sur cette question de la « démocratie » dépouillée de son contenu de classe que le révisionnisme et le réformisme se sont emparés des strates dirigeantes du mouvement communiste international pour le conduire à l’abattoir du reniement et de la capitulation. C’est fut le cas du XXe congrès du PCF (Parti communiste français) en 1976, qui proclama « la démocratie » et l’abandon de la « dictature du prolétariat », malgré l’avertissement datant du 19e siècle d’Engels qui dénonçait le piège idéologique anarchiste d’alors, mais devenu totalement bourgeois, de « l’autoritarisme » :

« Pourquoi les anti-autoritaires ne se bornent-ils pas à crier contre l'autorité politique, l'État ? Tous les socialistes sont d'accord sur le fait que l'État politique et, avec lui, l'autorité politique disparaîtront à la suite de la révolution sociale future, autrement dit que les fonctions publiques perdront leur caractère politique et se transformeront en simples administrations veillant aux véritables intérêts sociaux. Mais les anti-autoritaires demandent que l'État politique autoritaire soit aboli d'un seul coup, avant même que ne soient supprimées les conditions sociales qui l'ont fait naître. Ils réclament que le premier acte de la révolution sociale soit l'abolition de l'autorité ».

Et de conclure : « L'Etat populaire libre est devenu un Etat libre. D'après le sens grammatical de ces termes, un Etat libre est un Etat qui est libre à l'égard de ses citoyens, c'est-à-dire un Etat à gouvernement despotique. Il conviendrait d'abandonner tout ce bavardage sur l'Etat, surtout après la Commune, qui n'était plus un Etat, au sens propre. Les anarchistes nous ont assez jeté à la tête l'Etat populaire, bien que déjà le livre de Marx contre Proudhon, et puis le Manifeste communiste, disent explicitement qu'avec l'instauration du régime social socialiste l'Etat se dissout de lui-même (sich auflöst) et disparaît. L'Etat n'étant qu'une institution temporaire, dont on est obligé de se servir dans la lutte, dans la révolution, pour réprimer par la force ses adversaires, il est parfaitement absurde de parler d'un Etat populaire libre : tant que le prolétariat a encore besoin de l'Etat, ce n'est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l'Etat cesse d'exister comme tel. Aussi proposerions-nous de mettre partout à la place du mot Etat le mot "communauté" (Gemeinwesen), excellent vieux mot allemand, répondant au mot français "commune" ».

Revisiter sur la base du marxisme-léninisme les abandons qui ont conduit à la défaite du mouvement communiste est décisif dans le processus de la reconstruction de l’unité de notre famille communiste disséminée.

* Diagne Fodé Roland est membre du secrétariat politique de Ferñent / Mouvement des Travailleurs Panafricains – Sénégal

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