Madagascar : les raisons de mon Oui au référendum constitutionnel
A 74%, les Malgaches ont voté Oui au référendum du 17 novembre dernier pour une nouvelle Constitution. Dans le débat qui fait rage entre les deux camps, Robivelo Marie Michel Raphaël ne s’est pas embarrassé pour adopter une position tranchée en faveur du camp du Oui dont il fait une question de souveraineté et d’indépendance face au «diktat» de la communauté internationale.
J’avoue que je me suis senti quelque peu humilié et offusqué en regardant l’émission-vedette du vendredi d’une TV privée, lorsque l’animatrice, peut être de façon maladroite, et dont, j’admire la perspicacité et la pertinence pourtant, a dit à ses téléspectateurs que les intellectuels voteraient : Non (le conditionnel est de rigueur !). En d’autres termes, ceux qui voteront : Oui, ne seraient que des ignares irresponsables !
Certes, ce projet de referendum n’est pas la perfection, il comporte quelques lacunes, dont certaines risquent effectivement d’être à l’origine de certaines crises, voire crises certaines. Cependant, j’estime que si crise y a , dans la mesure où cette crise n’est que politique, mais ni sociale ni économique, elle aurait plutôt lieu dans les travées des divers palais des Institutions de la République, au lieu d’être dans les rues. Par conséquent, ces crises n’affecteraient la vie quotidienne du peuple que de façon réduite. D’où mes premières raisons de voter et d’inciter les citoyens, d’aller aux urnes, le 17 novembre 2010, puis de voter Oui.
Par ailleurs, puis-je affirmer que les diverses lois organiques prises sous l’empire du présent projet de Constitution, lorsqu’elle entrera en vigueur, permettraient la correction de certaines lacunes et rassureraient les citoyens à propos de certaines incertitudes. Concernant les propos, tout en faisant miennes certaines idées du jeune sociologue, invité de l’émission du Vendredi, je m’empresse de dire qu’au-delà de sa vision pessimiste, à savoir l’instabilité juridico-institutionnelle que traduisent les nombreuses futures lois organiques, celles-ci, à mon avis d’observateur en sciences politiques, ne sont pas seulement des marques d’instabilité. Elles sont aussi signe de vivacité et surtout de la dynamique d’une société qui vit intensément la dialectique et l’historique des contextes ; ces derniers étant appelés à évoluer dans le temps et dans l’espace.
Le scrutin étant référendaire (accepter ou rejeter le projet de Constitution), il n’y a pas lieu, en conséquence, de tromper le peuple, en lui mentant que ce referendum est un choix entre un tel et un tel. Ne voir dans ce referendum que sa signification politique, la légitimation ou le rejet d’une tendance, est erroné. D’ores et déjà, je suis en mesure de confirmer, et selon la logique de l’exercice du pouvoir, et au risque d’offusquer certains esprits, que si le « Non» l’emporte, cela voudrait simplement dire que le calendrier et la feuille de route vers la Quatrième République seraient modifiés ; ainsi, le comite technique constitutionnel devrait refaire sa « prep » pour « pondre » un projet ou plusieurs projets de Constitution ou Loi fondamentale qui seraient de nouveau soumis au verdict du peuple, et pourquoi pas, cette fois-ci, via une Assemblée constituante, pour la seule et unique raison, que ce référendum fait parti des maillons de tout un processus malgacho-malgache dans la résolution de la crise.
Aussi ai–je la conviction qu’aller voter le 17 novembre 2010, quel que soit le choix de l’électeur, est un signe de rejet de tout retour en arrière quels que soient la condamnation, le scepticisme et la réticence de la communauté internationale. Aussi ai-je le regret de dire tout haut que la position obstinée de la SADC et du GIC qui lui est inféodé ne fait que favoriser les tergiversations et semer les doutes, tant parmi le public national qu’international. Une telle obstination partisane dénature le sens pragmatique de la consensualité et de l’inclusivité, puisque, à notre avis, la consensualité et l’inclusivité ne signifient pas adhésion à « 100% ».
D’ailleurs, d’une part, comment les obtenir lorsque certains n’ont dans la bouche que le mot « boycott » et d’autre part, dans quelle démocratie, une minorité se doit elle d’imposer des diktats à la majorité ? Hormis, évidemment dans certains Etats bananiers d’Afrique, notamment membres du SADC, qui ambitionnent de nous donner une leçon de démocratie !
Quoiqu’il en soit, Madagascar, ne faisant partie de l’Afrique que pour des raisons de proximité géographique physique, (et non humain), l’on ne saurait pas trop lui dicter les solutions continentales, celles des insulaires de la COI, dont les habitants semblent plus proches de la réalité et de la culture malgaches. Ainsi, c’est en intellectuel, et en tant que tel, conscient de mes devoirs, que j’invite mes concitoyens, quelle que soit la couleur de sa peau, de son âge et le degré de décrépitude de ses cheveux, d’aller d’abord, aux urnes le 17 novembre prochain et, ensuite, de voter utilement : Oui.
Certes, ce referendum du 17 novembre ne va pas entraîner automatiquement la reconnaissance internationale. Cependant, faisant parti de ce processus que j’ai cité plus haut, il entraînera, ipso facto, dans un temps, cette reconnaissance. Aussi je réfute catégoriquement les positions de cet intellectuel, vedette de quasi toutes les chaînes de TV privées de la capitale, qui semble, à mon humble avis, faire trop de la reconnaissance internationale son credo dans la recherche de la voie du salut, comme épouvantail au profit de son internationalisme et de sa conception de la mondialisation.
Dois-je avouer que je suis autant que lui, conscient de l’utilité de la reconnaissance internationale ? Je suis d’autant plus conscient en tant que juriste qu’en adhérant à un accord international l’on accepte volontiers de perdre une partie de sa souveraineté. Mais, cela ne veut pas toutefois dire qu’il faut tout « gober » ! Souffrez que j’ai le devoir de mesurer à sa juste valeur la morale des principes doctrinaux tels que « pacta sunt servanda » (un traité lie les parties), mais aussi ceux de l’ « omnia conventio intelligitur rebus sic stantibus » (c'est selon laquelle un changement fondamental des circonstances affecte la validité des traités). Néanmoins, raisonnant en bon Malgache, je dois aussi tenir compte de certaines vérités proverbiales se référant aux préceptes philosophiques malgaches : « na fy aza ny trondro, ny lela tsy atao fitana » (succulent que soit le poisson, ne te sers pas de ta langue comme hameçon), « na tiana aza ny zanaka, akifika rehefa manaikitra nono » (si chéri que soit le bébé, quand il mord le téton, il faut le repousser) !
Il me semble, dès lors, d’un coté, qu’altérer la souveraineté de tout un peuple est un changement fondamental aux heures de la liberté et de l’égalité. De l’autre, je dois tirer la conclusion suivante comme « mon seul credo » :cle droit d’ingérence a ses limites dans les relations internationales, car, croyant aux vertus du droit moderne et civilisé (et non celui de la jungle), je crois fermement que si nous avons accepté de réduire notre souveraineté dans un contrat, la réciprocité, celle limitant le droit d’autrui dans le cadre de ce même contrat, existe tout autant !
En conclusion, voter Oui est une façon de prouver au monde que nous sommes souverains, N’ai-je pas raison d’avoir la conviction que voter Oui à ce projet n’est pas nécessairement un signe de fatalisme et d’obéissance aveugle au pouvoir, en place, et que voter Non, au-delà d’un certain sens, relève de l’esprit chagrin, du sentiment rebelle et contestataire, voire friserait l’anarchisme ?
J’ai la foi que ne pas aller voter est paradoxalement un signe de soumission aux diktats et bon vouloir d’une nouvelle race de nouveaux colons, venus d’outre canal Mozambique et d’outre-Atlantique. Voter Oui est une affirmation de notre identité, aller voter et voter Oui nous permettent de réduire la durée de cette Transition qui ne fait que trop durer. Allons gaiement aux urnes puisque nous ne sommes pas des Ivoiriens pour vivre une transition de complaisance de la durée d’un mandat. Une fuite en avant n’est-elle pas mieux qu’un retour en arrière ? Ne dit-on pas que seul le chien revient sur ce qu’il a rejeté ?
* Robivelo Marie Michel Raphaël est Juriste et Economiste
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