Depuis des années le Burundi tente de tourner définitivement les pages sombres de la guerre qui a ravagé le pays au début des années 1990. Mais pour Analyssa Enimana, tourner la page ne signifie pas fermer les yeux sur les drames hérités de cette guerre. Notamment celui des orphelins.
La guerre qui a éclaté au Burundi en 1993 a été un drame pour les enfants ; elle continue de l’être. Nombre d’orphelins de la guerre continuent aujourd’hui de vivre sans soutien, sans prise en charge (1). La plupart errent dans les rues. Enfants fragiles, faisant face à des problèmes de santé aigus, certains d’entre eux sont séropositifs. Le viol ayant été une arme de guerre pendant les périodes troubles que nous avons connues, l’épidémie à Vih y a trouvé un terrain favorable à sa propagation.
Encadrer, soutenir et appuyer ces orphelins reste une tâche délicate et de grande ampleur à laquelle nos moyens ne nous permettent pas de faire face. Les 43 enfants de la province de Bubanza, que nous encadrons font partie des rares privilégiés. Soutenus au plan psychosocial, l’encadrement dont ils bénéficient vise à les mettre dans les conditions idéales pour un accès à l’école, à des soins, à tout ce que leurs parents auraient cherché à leur assurer s’ils étaient encore en vie. Mais la meilleure finalité est de parvenir à les réinsérer dans leur famille. Des succès dont nous pouvons être fiers, il en existe. Un enfant a pu retrouver les siens et à 22 ans il fait la classe de seconde.
La tâche est cependant difficile. Il s’agit d’enfants retrouvés après la guerre, dont les parents se sont éparpillés s’ils n’ont pas été tués pendant la guerre. La parenté élargie en Afrique fait qu’ils ont toujours des proches qui auraient pu les accueillir et les prendre en charge dans un cadre familial. Mais dans le contexte de pauvreté extrême que connaît le Burundi, avec des difficultés à se nourrir, à se loger, à assurer des soins de santé, etc., accueillir un enfant de plus c’est ajouter une difficulté à un quotidien déjà critique.
Accueillir ces enfants avec les moyens dont nous disposons, est encore plus difficile quand ils sont séropositifs. Le sida pédiatrique nécessite une prise en charge particulière pour ce qui est de l’alimentation, des soins de santé, etc. Des bailleurs de fonds nous soutiennent, mais leur appui s’arrête quand les enfants atteignent l’âge de 18 ans. Nous ne pouvons plus alors compter que sur les cotisations de nos membres et sur quelques ressources additionnelles, en attendant de pouvoir leur assurer une réinsertion familiale.
Nombre d’orphelins de la guerre au Burundi continuent aujourd’hui de vivre sans soutien, sans prise en charge. Nous aurions aimé les accueillir tous, les soulager, leur offrir une famille, mais nos moyens ne nous permettent pas d’aller plus loin que les quarante-trois filles et garçons que nous avons aujourd’hui en charge.
L’attention que ces enfants devraient avoir de la part des autorités n’est pas encore au niveau souhaité. Ce sont des enfants du Burundi et il faudrait que nos gouvernants les considèrent comme tels et se soucient de leurs droits comme de ceux de tous les autres enfants.
NOTES
(1) Ndlr : Selon Terre des hommes, 600 000 enfants sont orphelins au Burundi et 120 000 enfants ont perdu un ou deux parents à cause du sida
* Analyssa Enimana est membre de Baxyeyi tu rerere uburundi, basé à Bubanza, au Burundi
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