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Encore une fois le Nigeria a sombré dans les violences communautaires. Encore une fois, le raccourci a été facile et rapide, pour les médias internationaux comme pour beaucoup d’observateurs, de circonscrire ces incidents qui ont fait des centaines de morts. Mais pour Maurice Oudet, cette lecture faite à partir des clichés habituels cache les véritables réalités qui font que de tels déchaînements de violence peuvent se répéter encore au Nigeria. Voire se répandre dans d’autres pays voisins. L’explication liée aux conflits inter religieux au Nigeria est un raccourci qui d’autres vérités.

Ce qui s'est passé au Nigeria, aux environs de Jos, ces jours-ci, devrait nous interpeller. Il y aurait eu au moins 500 morts. Certains parlent de conflits entre chrétiens et musulmans. D'autres de conflits entre éleveurs peuls et agriculteurs beroms. D'autres encore, de crise d'ordre ethnique à coloration religieuse. Il s'agit d'un conflit entre éleveurs peuls musulmans et agriculteurs beroms chrétiens. Mais d'où vient ce conflit. Est-il d'origine religieuse ? Est-il d'origine ethnique ?

Un habitant Peul de Jos, Yusuf Alkali, a indiqué à l'AFP que ces raids pouvaient avoir été menés en représailles à une attaque, il y a quinze jours, menée par des Beroms contre les Peuls soupçonnés de vol de bétail, et qui avait fait quatre morts parmi les pasteurs. « Les Peuls ont été forcés à fuir leurs campements et je crois qu'ils ont monté une contre-attaque », a expliqué M. Alkali.

Il est difficile, à travers la presse, de se faire une opinion précise sur ces évènements tragiques. Mais il est permis d'en profiter pour s'interroger. Dans beaucoup de pays d'Afrique, les éleveurs traditionnels ont du mal à trouver leur place dans la société moderne. Et l'administration ne les aide pas toujours. Au Burkina, avec la croissance démographique (nous sommes passés de 4 millions d'habitants en 1965 à bientôt 16 millions), est-ce que les éleveurs peuls et les agriculteurs arrivent toujours à cohabiter ? Nous n'avons pas vécu, dans ce pays, d'évènements aussi tragiques. Mais sommes-nous à l'abri d'un déchaînement d'une telle violence ? Je n'en suis pas sûr.

Nous avons tous besoin les uns des autres. Les éleveurs ont besoin des agriculteurs. Les agriculteurs ont besoin des éleveurs. Et nous, nous avons besoin, et des éleveurs, et des agriculteurs.

J'ai appris ces évènements du Nigeria alors que j'étais dans une région du Burkina où la tension est vive entre éleveurs peuls et agriculteurs, et aussi avec l'administration. La frustration des éleveurs peuls est de plus en plus forte. Dans cette région, où la violence a déjà éclaté, les agriculteurs et les éleveurs que j'ai rencontrés sont unanimes pour dire que la situation actuelle est malsaine, et que la violence risque d'éclater à nouveau.

Dans certains villages, des groupes de jeunes se sont formés pour pousser les troupeaux dans les champs des paysans ou dans la forêt classée voisine. Ensuite, ils appellent le garde forestier pour constater l'infraction. Les éleveurs sont fortement pénalisés, mais ne reçoivent ni reçus, ni quittance du Trésor. Et ces amendes n'apparaissent pas dans les recettes de la commune. Quand certains ont le courage d'aller se plaindre aux responsables administratifs (préfecture, mairie), il leur est répondu : "Nous ne sommes pas au courant". Et il n'y a pas de suite. Ailleurs, c'est un chef de village qui refuse que les éleveurs peuls créent leur propre groupement. Quelque part encore, on en trouve qui place des bornes sur le terrain qui a été attribué aux éleveurs peuls depuis de nombreuses années... Mais il se trouve certainement des agriculteurs qui ont à se plaindre de méfaits commis par des éleveurs peuls. Tout cela, avec une population de plus en plus nombreuse, risque d'entraîner des conflits qu'il sera difficile de contenir.

Chaque fois que l'administration ne joue pas son rôle en appliquant strictement la loi et en rendant équitablement la justice, les frustrations sont grandes. Ce sont autant de menaces pour l'avenir. Or, nul ne peut nier qu'il existe, au sein de l'administration comme parmi les garde-forestiers, des individus qui préfèrent arrondir leur fin de mois sur le dos des éleveurs (entre autres) plutôt que d'appliquer la loi de façon impartiale. Ce sont des incendiaires criminels qui seront incapables d'arrêter la violence quand celle-ci éclatera.

Je souhaite qu'avec ce déchaînement de violence au Nigeria, le ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation du Burkina lance une grande enquête sur le rôle de l'administration dans les conflits entre éleveurs et agriculteurs. Et que tous ceux qui se sont enrichis injustement soient traités comme il se doit ! Saurons-nous regarder la réalité en face, et prendre les mesures qui s'impose avant qu'il ne soit trop tard ?

* MMaurice Oudet est Président du Service d'éditions en langue nationale au Burkina Faso.

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