Le phénomène Obama, un grand tournant pour une grande nation?

Que s’est-il passé depuis ce 9 janvier ? Et bien la suprématie originelle des Clinton a été pulvérisée par un Obama qui monte sans cesse en puissance - 11 victoires successives sur Hillary depuis début février et plus de délégués que sa rivale en ce moment. Et Bill de se faire désormais plus discret dans la campagne de son épouse.

J’ai parlé de provision, mais cette provision à elle toute seule ne pouvait suffire non plus pour créer le phénomène Obama auquel on assiste à l’heure actuelle ; il a fallu la catalyser. Le catalyseur a été la rencontre entre l’homme et un double besoin qui semble profondément ressenti dans la société américaine : un besoin profond de changement et un besoin de réponses à des questions essentielles restées trop longtemps béates.

En voici quelques-unes : Quels ont été les processus qui ont pu secréter ces ennemis de l’Amérique qui ont détruit les tours jumelles au cœur de Manhattan le 11 septembre 2001 ? Comment cela a-t-il été possible pour une aussi grande puissance jusque là considérée comme invulnérable sur son territoire ? Pourquoi, dans beaucoup de pays et chez beaucoup de peuples de toutes origines, de toutes races et de toutes ethnies, la politique américaine ne passe pas en dépit d’efforts de communication inouïs ? Pourquoi on a mené la guerre en Irak sur des bases qui se sont révélées fausses par la suite ? Pourquoi n’a-t-on pas toujours retrouvé Oussama Ben Laden considéré comme l’ennemi public n°1 des Etats-Unis et officiellement recherché depuis 2001 ? Pourquoi, dans un pays aussi riche, y a-t-il autant de misère avec son lot de crimes de toutes sortes et d’insécurité ?

Barack Obama parle, analyse, explique sans faux fuyant et esquisse des éléments de réponse avec un culot certain qui fait chavirer l’Amérique tout entière. Avec un slogan bien connu de chez nous : «Change» c'est-à-dire «Sopi». Il présente, devant les ouvriers d’une usine de General Motors, dans le Wisconsin, un programme économique fondé sur la réduction des inégalités de revenus, la protection des citoyens contre les abus des prêteurs dans le domaine de l’immobilier, celui des cartes de crédit, dans les prêts étudiants, etc. Un programme qui prévoit d’investir dans quelques secteurs prioritaires comme la santé, l’éducation et les énergies alternatives. Il explique que la crise de l’immobilier, la cherté de l’éducation et de la santé, la crainte du chômage et le poids des crédits sont‘le résultat de coûts toujours plus élevés, de salaires qui stagnent et d’aides qui disparaissent qui poussent de plus en plus d’Américains dans une spirale de la dette dont ils ne peuvent s’échapper.

Tandis que Hillary Clinton lui reprochait de n’avoir que des discours alors qu’elle avait des solutions, Obama a mis sur pied un plan annuel de 140 milliards de dollars qui sera financé en mettant fin aux réductions d’impôts sur les plus-values et les dividendes votées jusqu’en 2011, en réduisant quelques avantages fiscaux consentis aux entreprises et devrait également bénéficier de la fin de la guerre en Irak. Je m’en arrête là concernant les questions domestiques pour m’appesantir sur les réponses au sujet de quelques sujets brûlants de l’actualité internationale.

Prenons des pays actuellement identifiés comme étant l’axe du mal pour reprendre une expression consacrée par l’actuelle administration américaine : L’Iran, Cuba, la Syrie, etc. Obama a dit clairement et répété sa volonté de rencontrer leurs dirigeants sans aucune condition préalable. Cela est quelque chose de tout à fait nouveau et porteur d’immenses espoirs pour la paix et la stabilité dans le monde. La belle formule selon laquelle il n’y a aucun mérite particulier à parler avec ses amis, mais une certaine grandeur à parler avec ses ennemis, endossée par Obama, a fait le reste. Il fallait y penser.

Prenant position sur l’Afghanistan, Obama en a profité pour affirmer que s'il était élu, il prêterait une attention accrue à l'opinion des alliés des Etats-Unis sur les questions de politique étrangère, afin de resserrer les liens distendus par la guerre en Irak. «Je pense qu'il est important pour nous d'en demander plus à nos alliés européens», a-t-il estimé. «Il est tout aussi important pour nous de leur signaler que nous les écouterons dès lors qu'il s'agira d'actions qu'ils considèrent discutables, au premier rang desquelles l'engagement en Irak».

L’Amérique a compris. Barack Obama a levé, pour le seul mois de janvier, 36 millions de dollars (plus de 15 milliards de francs Cfa) de dons, record historique, contre 14 millions pour Hillary Clinton, et 12 millions pour le républicain John McCain. Quand on sait que les montants des donations sont généralement fonction des espoirs placés dans les candidats, ces statistiques se passent de commentaires.

Oui ! L’Amérique est en travail, à la manière de la femme qui donne vie. Quelque chose de nouveau semble en voie de naître là-bas, dont Obama, en définitive, n’est que le prétexte. C’est pourquoi, à considérer les choses dans leur devenir fondamental, la vague montante qui porte Barack Obama est une déferlante que nul ne peut arrêter. La présence de Barack dans la prochaine étape de cette campagne électorale est certes essentielle pour ses électeurs et pour tous ceux qui l’aiment mais pour moi, ce qui se passe aux Etats-Unis, dépasse désormais de très loin les enjeux d’une simple élection. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre et qui marquera pour une longue période historique les relations entre les nations et influera fortement sur les fondamentaux actuels de la mondialisation.

Quid de l’Afrique dans tout cela ? Il est vrai que dans les débats aux Etats-Unis, outre l’Europe, l’Asie est présente ainsi que l’Amérique Latine. L’Afrique, quant à elle, n’apparaît sur les écrans radar de cette campagne que sous l’évocation de la malaria ou du Vih. Mais, grosse consolation, Barack Obama est Africain Américain et il est en train de prouver que c’est possible. Pour ceux qui refusent de baisser les bras.

* Mamadou DIOP «Decroix» est homme politique sénégalais, ancien ministre

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