L’Afrique aurait dû être unie hier ; elle doit l’être maintenant !

5ème conférence de l’Unité africaine pour la Renaissance - Déclaration de Soweto

Il n’y a pas de fin à l’histoire ni au clash des civilisations. Ce qui manque c’est une histoire et une civilisation nouvelles pour créer un monde entièrement humain. Il est temps de saisir le moment pour contribuer à un nouvel enracinement de l’humanité dans les riches valeurs africaines.

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La 5ème conférence de l’Unité africaine pour la Renaissance s’est déroulée du 22 au 25 mai à Soweto en Afrique du Sud. La décision de tenir la conférence à Soweto et de donner son nom à la déclaration, est symbolique du "changement de la géographie de la raison" requise pour amener des changements positifs, compte tenu des réalités d’inégalités des relations spatiales, économiques et sociales persistantes en Afrique. Il est également approprié de commémorer les sacrifices et la riche historie de résistance contre l’Apartheid. Des délégués venus de tout le continent, ainsi que du reste du monde, se sont joints aux participants sud-africains pour articuler ce qui est requis pour la création d’une Afrique unie, libérée, renaissante et prospère.

Chaque conférence de l’Unité africaine pour la Renaissance a tenté de capter et de rassembler les délibérations et les propos les plus perspicaces tenus au cours des trois jours en des déclarations, connues sous le nom de Déclarations de Tshwane et de les disséminer afin qu’elles parviennent jusqu’aux dirigeants politiques. La 3ème Déclaration de Tshwane a été remise à tous les délégués présents lors des célébrations pour le jubilé de diamant de l’Oua/Ua à Addis Ababa, en Ethiopie.

Les partenaires organisateurs d’Afrique du Sud ont travaillé avec constance et ont collaboré afin de mettre sur pied cette série de conférences de l’Unité africaine pour la renaissance (Uar) avec l’objectif clair de générer une éducation panafricaine pour la mise en route de changements substantielles, afin de reforger dans l’unité et la Renaissance le futur d’une Afrique libre. Ils ont maintenant été invités à poursuivre leurs travaux en s’organisant de façon formelle, comme membres permanents et collaborateurs à long terme représentant les diverses vitalités des points de vue sous le nom de Africa Unity for Renaissance Network (Aurnet).

La cristallisation de cette série de conférences en un réseau est nécessaire du fait de la sincérité et de l’engagement requis non seulement pour formuler, mais aussi pour créer la réalité atteignable d’une Afrique forte et unie, dans laquelle les Africains ont le pouvoir de réaliser le futur de leur choix de par leur force immense, leur sagesses, la collaboration et la vision partagée, de projets et de durabilité. Une véritable unité africaine attend encore d’être libérée de toutes sortes d’influences extérieures.

La 5ème Conférence de l’Unité africaine pour la renaissance s’est aussi déroulée lors du Jubilé de diamant de la conférence de Bandung qui a créé le Mouvement des non alignés et la route du Tiers Monde pour un ordre mondial stable et pacifique, libéré de la domination des superpuissances à l’origine de la Guerre froide.

Il n’y a pas de fin à l’histoire ni au clash des civilisations. Ce qui manque c’est une histoire et une civilisation nouvelles pour créer un monde entièrement humain. Il est temps de saisir le moment pour contribuer à un nouvel enracinement de l’humanité dans les riches valeurs africaines afin de créer une histoire nouvelle, une culture et une civilisation pour une co-existence pacifique pour tout le monde.

Le travail qu’Aurnet va promouvoir au cours des années à venir avec la Conférence de l’Unité africaine pour la Renaissance peut fournir une tribune, un espace, une voie pour produire par la recherche le genre de savoir qui amènera une meilleure compréhension sur la façon de créer un futur meilleur pour l’Afrique mais aussi pour le reste du monde.

La 5ème Conférence de l’Unité africaine pour la renaissance à Soweto en est le symbole parce qu’elle combat la stigmatisation d’une région supposée à "haut risque" et s’efforce d’envoyer le message que la connaissance pour l’Afrique doit être générée en inversant l’apprentissage de la base des townships. Il est important de reconnaître que pour que les engagements émancipateurs soient pertinents et effectifs, ils doivent véritablement s’enraciner dans les observations, les articulations et la réalité des gens ordinaires et leur expérience vécue qui reconnaît l’amélioration de leurs conditions de vie comme puissante ressource de résilience, d’innovation et d’inclusion.

L’AFRIQUE EN 2015 ET AU-DELA

Aborder l’agenda de 2063 a laissé paraître la préoccupation dominante qui consiste à engager une profonde réflexion pour la 5ème Conférence de l’Unité africaine pour la renaissance. Les délégués ont eu l’occasion d’imaginer des alternatives, de rejeter et de désapprendre les divisions artificielles qui affaiblissent, imposées par des formes subtiles et déclarées de la fragmentation délibérée par les colonisateurs et dont l’Afrique ne s’est pas défaite, pour affirmer un agenda libre et uni.

La force de l’identité africaine est constituée par tous ceux qui reconnaissent et célèbrent l’unité dans la diversité et la complexité. La 5ème Conférence de l’Unité africaine pour la renaissance a lancé un appel retentissant pour la reconnaissance de la compétence unique des Africains pour créer une nouvelle humanité, une nouvelle histoire et une nouvelle civilisation afin de corriger toutes les erreurs coloniales résiduelles et les divisions spatiales internes, en imaginant et créant de nouvelles réalités, plus équitables et émancipatrices, depuis Soweto, jusqu’au reste de l’Afrique et au monde entier. C’est l’heure pour l’Afrique de lancer une vaste éducation panafricaine depuis Soweto jusque dans le moindre recoin de l’Afrique.

QUELQUES REFLEXIONS QUI ONT EMERGE AU COUR DE LA 5EME CONFERENCE DE L’UNITE AFRICAINE POUR LA RENAISSANCE

1 - Une destruction massive de l’épistémologie africaine a perpétué les narrations négatives concernant l’Afrique. Elle doit être surmontée au travers de la reconnaissance et de la promotion de la contribution positive de l’Afrique dont sont originaire l’humanité, la civilisation, la philosophie, les sciences, les mathématiques, l’astronomie, l’instruction, les arts et la culture ainsi que la religion.

2 - L’Afrique, qui est le berceau de l’humanité, avec sa riche histoire, ses philosophies et résistances, est dans une position unique pour des humanités et des réalités plus inclusives, plus équitables.

3 - La valeur africaine de Ubuntu, du Ma’at, de l’éthiopianisme et de l’africologie ainsi que le mouvement panafricain et la Renaissance africaine, peuvent jouer une rôle crucial dans l’ancrage de la libération africaine, le développement et la prospérité des profondes valeurs africaines connues, de ses principes, de son humanité et de sa civilisation afin de réaliser un complet bien-être de tous les peuples sans exception. L’Afrique a de riches ressources qui doivent être accessibles à tous et utilisées pour le bénéfice de tous.

Il y a une urgente nécessité à décoloniser et à restructurer tous les systèmes d’instruction afin de réaliser les promesses et les potentiels de l’unité africaine afin de faire table rase des actuels systèmes qui ne sont pas centrés sur l’Afrique.

4 - Les Africains ont résisté à toutes les formes de destruction et d’oppression, y compris le colonialisme, le génocide culturel, la mise en esclavage et les impérialismes. Ces résistances doivent contribuer aussi à l’unité de tous les Africains dans la pratique. Il devrait y avoir unité dans le rejet de cette expérience destructrice en reconnaissant les histoires, les philosophies et sciences que les Africains ont été les premiers à créer.

5 - Pendant qu’en Afrique une série de congrès panafricains se sont déroulés, que l’Oua a été fondée en 1963, puis l’Ua en 2002, qu’il a eu de puissants mouvements africains de libération, qu’elle a gagné de nombreuses batailles contre les pouvoirs impérialistes, la totale indépendante économique et politique et la liberté demeurent des défis difficiles.

6 - Le besoin d’unité africaine a été formellement déclaré depuis 1963 par les réunions et les protocoles des chefs d’Etat et des ministres. Mais il n’y a pas eu de mise en œuvre systématique, même pas dans quelques domaines, comme par exemple le commerce et l’investissement africain, afin de produire des exemples positifs. L’unité est un processus qui se poursuit. Des engagements substantiels requièrent que des actions aient lieu pour réaliser l’unité. La population africaine doit être impliquée pour créer l’unité africaine. La population doit écrire l’histoire de l’unité africaine.

7 - Les délégués à la 5ème conférence estiment que la date de 2063 est trop tardive. L’Afrique aurait dû être unie hier. Et si pas hier, aujourd’hui, maintenant. Maintenant ! Maintenant ! Maintenant ! Si l’Afrique ne s’unit pas maintenant, comment peut-on espérer l’unité aussi tard que 2063 ?

8 - Epouser l’agenda africain signifie le rejet de l’attitude passive concernant des éléments qui affectent l’Afrique et sa population de façon négative. La totalité du système d’éducation devrait être guidée par le panafricanisme. La rééducation de tous en appréciant la contribution de l’Afrique au savoir, et sur cette base, créer un nouveau savoir, fait partie de la construction de l’unité africaine maintenant et demain.

9 - Pendant que l’Union africaine, au travers de son agenda 2063, tente d’envisager une Afrique forte et prospère, l’unité africaine ne peut pas demeurer une promesse éthérée et élusive pour le futur. Cette lutte urgente a débuté il y a de nombreuses années et nous avons le devoir de l’achever en changeant l’actuelle perspective vers l’unité en reconnaissant que le colonialisme a touché tout le monde. C’est une opportunité pour les Africains de s’unir et de s’en débarrasser, et d’autres problèmes une fois et pour toute. Restée fragmentée, la vulnérabilité de l’Afrique persiste. L’Afrique unie parvient à la liberté et l’indépendance pleine et entières, une fois et pour toute.

10 - L’Afrique est vaste et puissante avec une grande abondance de ressources. Dans ce contexte, si les efforts étaient intensifiés pour une coopération sociale, économique, politique et culturelle effective entre les pays africains, l’Afrique serait capable de générer une transformation structurelle massive, faisant table rase des inégalités, du chômage et de la pauvreté et amènerait le bien-être aussi bien à la population qu’à la nature

11 - L’Afrique a la capacité d’être un innovateur puissant pour l’émancipation et cet agenda peut être réalisé par des efforts concertés. Le panafricanisme reste un aspect essentiel pour imaginer et créer une Afrique nouvelle que nous voulons tous voir maintenant et non en 2063.

ACTIONS ET RECOMMANDATIONS

1 - L’Union africaine doit convaincre tous ses membres de faire du mois de mai le mois de l’éducation à la libération africaine et désigner le 25 mai comme la Journée de la libération africaine. La Journée de la libération africaine doit être prononcée comme la journée où tous les peuples d’Afrique se rejoignent dans la rééducation afin de construire l’unité panafricaine et la promotion d’un agenda africain complet.

2 - Des modèles d’établissement ou de centres d’éducation, où les futurs enseignants sont formés pour transmettre un savoir positif du panafricanisme à tous les enfants vivant dans les différents pays africains ainsi que dans ceux de la diaspora, doivent être développés et mis en œuvre.

3 - Les actes xénophobes ou anti-Africains démontrent l’échec du panafricanisme aussi bien dans la création de l’unité et dans une appréciation partagée de l’humanité de l’autre, que pour n’avoir pas abordé le problème de la pauvreté et l’inégalité persistantes, le manque d’emploi, le fait d’être inemployable, le désespoir et une vie privée de dignité. Ceci devrait être l’appel du clairon pour répandre l’éducation panafricaine dans toute l’Afrique, avec pour tâche primordiale et urgente la rééducation. Toutes voies possibles pour atteindre cet objectif, y compris les tribunes en lignes et d’autres, devraient être explorées, développées et mises en œuvre afin d’adresser ce problèmes

4 - Réaliser une Afrique prospère, non exploitante, par des politiques et des pratiques effectives requiert une communication améliorée et la collaboration entre les intellectuels africains, les gouvernements, le monde des affaires et la société civile. Les travaux qui encouragent ces connections doivent être encouragés afin de créer des économies et des politiques vitales et unies, dans lesquels tous les secteurs de la population sont représentés.

5 - Le service civil est un service. Les fonctionnaires publics doivent servir et non s’efforcer d’être les maîtres. La corruption doit être éliminée. Au sein du leadership africain, le service public et la responsabilité envers la population doivent être activés. Afin de contribuer positivement à ce travail et pour demander des comptes quant à la performance du leadership, son honnêteté et son intégrité, le Réseau de l’Unité africaine pour la renaissance va créer un Index des services publics africains. Des efforts de formation pour le service, la promotion active de la valeur et des bénéfices des alliances panafricaines et insister sur l’importance de la création d’une indépendance des sources de financement externes sera également entreprise.

6 - L’intégration interafricaine est encore très limitée, le commerce et l’investissement souffrant des distances. Il est urgent de combler ce fossé en faisant la promotion du renforcement global des échanges et investissements interafricains au plan économique, éducationnel, social, culturel et du commerce lié à l’emploi. Plus de collaboration dans le développement technologique et des infrastructures est aussi urgemment requis.

7 - L’Afrique a un rôle de pionnier pour l’entreprenariat social pour la prospérité et l’égalité et pour redéfinir le développement en construisant sur les riches valeurs et traditions créées par les Africains. L’Afrique n’a pas besoin de rattraper qui que ce soit mais doit plutôt générer le bien-être par le savoir africain profondément enraciné qui pourrait servir d’exemple au reste du monde.

8 - Aussi bien les leaders que la population doivent apprendre à suivre ce chemin. Ils doivent attirer le financement du développement africain par des contributions provenant de leurs propres ressources plutôt que par des prêts, des dettes et des donations. Les contributions de coopération pour le développement mutuel, ainsi que le rejet des donations et le financement extérieurs doit devenir une réalité maintenant pas en 2063.

9 - L’Afrique doit totalement investir dans les capacités et les talents de ses enfants dans la diaspora. Les dirigeants africains et les institutions doivent favoriser la capacité des Africains à trouver des financements africains afin de faire revenir les cerveaux et devraient établir une infrastructure et un financement pour les cerveaux qui reviennent.

10 - L’Unité africaine est à la fois nécessaire et suffisante pour parvenir à la totale indépendance économique et politique. Le Au/Nepad doit être encouragé à être actif dans la Conférence de l’Unité africaine pour la renaissance afin de faire connaître la manière dont tous les protagonistes peuvent contribuer à transformer l’Afrique structurellement, plutôt que juste par des protocoles qui souvent restent lettre morte.

11 - Il est nécessaire de ré imaginer l’Afrique comme un innovateur et l’heure est venue de faire usage du panafricanisme afin d’intégrer le savoir total, l’invention, l’innovation, l’instruction et la compétence pour reconstruire une culture. Pas d’unité panafricaine, pas d’agence africaine signifie qu’il n’y aura pas de Renaissance pour l’Afrique et pour les Africains qui ne posséderont pas leur économie, ni aujourd’hui, ni en 2063. Les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques doivent devenir essentielles pour les jeunes. Tous les ministères de la science et de la technologie en Afrique doivent commencer à mettre en œuvre une solide recherche africaine.

12 - L’Unité africaine pour la Renaissance, qui a débuté en Afrique du Sud peut servir de tribune pour créer et inspirer les nouveaux leaders du panafricanisme au travers de l’établissement de programmes de recherches, des universités et des réseaux de partenariat qui incluent la société civile, le professorat, les gouvernements, l’industrie et les universités. De telles activités sont intégrales à la création de l’Afrique que nous souhaitons voir. L’engagement pour l’agenda 2063 doit continuer à faire de l’unité africaine un processus quotidien et non une projection prolongée au bout de 50 ans

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** La Déclaration de Soweto a été compilée par le prof. Mammo Muchie, basé sur les documents proposés pour les recommandations de la part des participants à la 5ème Conférence de l’Unité africaine pour la renaissance. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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