Paul Kagame a présidé au pillage des richesses minières de la République démocratique du Congo afin de consolider l’hégémonie des Tutsis à Kigali. Maintenant, avec le soutien de ses puissants alliés occidentaux, il entretient des vues sur le territoire congolais.
INTRODUCTION
Il est vrai que la République démocratique du Congo (RDC) est des centaines de fois plus grande et plus riche en ressources naturelles et minières que le Rwanda. Peut-être qu’un jour le Rwanda découvrira ses propres minerais. A l’heure qu’il est, se sentant laissé pour compte par la nature et convoitant la terre et les minerais du Congo, le régime au pouvoir à Kigali a convaincu ses alliés, dont certaines superpuissances, qu’il peut, par la force militaire et non au travers de coopération régionale, éliminer les inégalités, démontrant la justesse des propos de MM Timothy M. Shaw et Malcolm J. Grieve (1978) lorsqu’ils décrivaient les racines des conflits africains comme suit :
- L’incidence écologique : quelles ressources sont sises dans le pays en terme de richesse économique, de pétrole et de réserves minières ?
- La demande extérieure : étant donné le niveau prévalent de technologie et de consommation, quels sont les biens recherchés par des intérêts étrangers ?
- La réponse à la dépendance : compte tenu des demandes pour les ressources étatiques, la réaction dominante est-elle de collaboration ou de confrontation ?
- L’idéologie nationale : le pays propose –t-il généralement "le socialisme"ou le "capitalisme" comme base de ses stratégies économiques et de ses structures ?
- Stratégie économique : l’Etat détermine-t-il sa fonction par la division du travail international prévalente ou s’efforce-t-il de poursuivre son propre chemin vers l’industrialisation et la diversification ?
- Potentiel de domination : l’Etat domine-t-il une "sous-région" et donc fournit les services d’une centre à une périphérie ?
- La formation de classe : dans quelle mesure la croissance économique, en particulier si elle implique la semi-industrialisation, génère-t-elle ses propres contradictions en intensifiant la conscience et les conflits de classe ?
Ce mélange de problèmes s’applique au cas de dispute de frontières entre le Rwanda et le Congo.
MUSEWENI ET KAGAME, LES NOUVEAUX BISMARCK DE L’AFRIQUE IMPLANTANT LES NOUVELLES POLITIQUES DES ETATS-UNIS ?
Dans un précédent article, publié par Pambazuka le 16 novembre 2011, nous avons avancé l’argument que les Etats-Unis d’Amérique - la seule superpuissance restante - qui n’ont pas participé à la conférence de Berlin, revendiquent la part du lion des ressources africaines. De fait, le désir des Etats-Unis de dévorer l’Afrique a été très bien expliqué par le secrétaire américain pour le Commerce du département d’Etat, Ron Brown, lors d’une visite en Ouganda. Au cours d’un dîner, il a déclaré à l’audience : "Pendant de nombreuses années le commerce africain a été dominé par les Européens pendant que l’Amérique n’obtenait que le 17% du marché. Nous sommes maintenant déterminé d’inverser la vapeur et d’obtenir la part du lion" (Kintu 1997 :1)
Nous avons ensuite soulevé la question suivante qui est toujours valide : pourquoi des gouvernements démocratiquement élus devraient-ils donner ou laisser les Américains prendre la part du lion plutôt que de la donner à la population qui les a élus? Qu’est-ce qui a la priorité ? Les intérêts des Américains ou ceux de la population africaine ? Quels seraient les moyens que les Etats-Unis utiliseraient pour s’emparer de la part du lion ? Est-il possible de respecter des gouvernements démocratiquement établis et en même temps accaparer la part du lion ?
L’invasion de la RDC par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi en 1998, avec le soutien de la superpuissance bien connue, a piétiné les principes de l’Union africaine de non ingérence par des forces étrangères dans les affaires africaines et l’inviolabilité des frontières coloniales d’avant l’indépendance comme fondement de l’Etat pour ses membres, s’appuyant en cela sur le Traité de Westphalie de 1648, lors duquel plusieurs pays européens se sont mis d’accord pour une politique qui respecte la souveraineté et les frontières des autres. L’explication pour la façon dont le Rwanda a colonisé le Congo oriental tient au fait, que dès le début, le président Kagame indiquait qu’au cœur de la question de la RDC, il y a "une nouvelle division de Berlin". Le Rwanda a combattu, non pas seulement par souci de sécurité, ni pour le coltan ou autres minerais stratégiques, mais plus pour l’élargissement des frontière du pays et "l’augmentation de l’espace vital des Rwandais en accord avec le mythe de ladite dynastie Chezi qui comprenait les provinces congolaise du nord et du sud Kivu" (Nabudere 2004 :95)
Le Rwanda ne peut fonder une telle revendication sur rien parce que la situation des frontières entre le Rwanda et le Congo ont été établies par les Belges, les Allemands et les Britanniques lors de la conférence de Kivu-Mfumbiro convoquées par les Affaires Etrangères belges en 1910, afin de mettre un terme aux convoitises des trois pays européens sur le territoire en dispute, comme Roger Louis (1963) l’a démontré.
La question a été résolue lorsque les Belges ont démontré avec succès qu’il n’y a avait pas de relations ethnographiques entre les Africains du Congo et ceux du Rwanda (après tout, c’était un explorateur anglo-américain, Henri Morton Stanley qui a récolté les signatures des chefs locaux, signifiant leur allégeance au roi Léopold II, ce dont ce dernier a fait usage plus tard, lors de la conférence de Berlin et qui devait servir de base à ses revendications sur ce territoire. Les Belges devaient savoir) ; et que la présence de missionnaires allemands du côté congolais de la frontière n’avaient aucune incidence sur les droits territoriaux des Belges au Congo (Louis 1963 :79-91)
Plusieurs protocoles séparés ont été signés entre l’Allemagne et la Belgique, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, de même que la Grande Bretagne et la Belgique, le 14 mai 1910. Des commissions d’établissement des frontières ont été nommées. Après que les frontières ont été délimitées, le protocole a été signé par les commissaires, mettant ainsi un terme formel à la controverse du Kivu-Mfumbiro (Louis 1963 :79-91). Il est inutile de répéter que l’Allemagne a perdu ses colonies (ce qui est aujourd’hui le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie) qu’elle a dû céder après avoir perdu la Première Guerre Mondiale (combattue en raison des colonies africaines), à titre de compensation à la Belgique et à la Grande Bretagne.
L’ironie veut que la Belgique "retrouve" tous les territoires à l’ouest du vrai 30ème méridien et la Grande Bretagne a eu le Ndorwa (qui fait partie de la Tanzanie ce qui aujourd’hui, empêche le Rwanda d’accéder au lac Victoria) qui avait initialement été promis comme partie de la compensation du Traité anglo-allemand de 1890. Alors ? Le Rwanda va-t-il faire la guerre à la Tanzanie pour gagner l’accès au lac Victoria ? Sinon, à "quelles injustices coloniales du passé" le Rwanda fait-il référence ?
Après les accords entre la Belgique, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, l’administration coloniale belge a amené des Tutsis et des Hutus au Congo pour satisfaire aux besoins de main d’œuvre dans les mines et les plantations. De plus, à chaque fois que les Hutus et les Tutsis s’entretuaient au Rwanda et au Burundi, des réfugiés ont afflué au Congo qui les a toujours bien accueillis.
DU POINT DE VUE DE L’HISTOIRE, IL N’Y A PAS DE BANYAMULENGE
Au Congo, chaque nom de tribu désigne aussi une langue. Les Congolais sont Bangala, Baluba, Bakongo, Mongo, Batelela, Bongando parce qu’ils parlent respectivement le lingala, le tshiluba, le kikongo, le lomongo, tetela, longando et ainsi de suite. Mulenga est juste une région de collines dans la province du sud Kivu, au Congo oriental, où les Tutsi rwandais se sont réfugiés après le conflit entre Hutus et Tutsis suite à l’indépendance du Rwanda. Donc comme il n’y a pas de langue banyamulenge il n’y a pas non plus de tribu banyamulenge que ce soit au Congo ou au Rwanda, à l’origine, avant la migration des réfugiés au Congo. Ceci est un fait historique. L’administration coloniale belge n’a jamais identifié un groupe ethnique dénommé banyamulenge parmi les 250 groupes ethniques qui peuplent le Congo. Nous défions n’importe qui de prouver le contraire
Toutefois, l’actuelle Constitution a résolu le problème. Tout Tutsi ou Hutu dont les parents étaient au Congo au moment de l’indépendance, c'est-à-dire le 30 juin 1960, est Congolais et doit servir les intérêts de la nation congolaise en priorité. Donc à quelle discrimination à l’encontre des Banyamulenge le Rwanda fait-il référence ? Il y a eu un vice-président Munyamulenge au Congo dont le nom était Ruberwa. Les Tutsis ont une plus grande part des postes dans les institutions nationales que la plupart des autres groupes ethniques du Congo, en particulier dans l’armée, mais ils refusent absolument de servir dans d’autres régions que celles immédiatement adjacentes à la frontière du Rwanda. Pour une bonne raison ! Ils ont tenté de nombreuses fois d’annexer le Congo oriental au Rwanda au travers de nombreuses soi-disant rébellions. N’est-ce pas vraiment difficile de satisfaire ces Congolais ? N’étais-ce pas grâce aux accords de mars 2009 que Bosco Ntanganda est devenu général ? Mensonge ! Mensonge ! Il y aura toujours quelque chose à propos de quoi mentir ! Mais pour les Congolais, trop c’est trop !
Récemment le président congolais, Joseph Kabila, a conclu un marché avec Kagame qui permet aux troupes rwandaises de rester stationnées dans le Congo oriental afin de pourchasser les milices hutues connues sous le nom de génocidaires FDLR. Le Rwanda a eu une présence militaire au Congo depuis 1997. Qui peut croire au prétexte du Rwanda pour intervenir au Congo en raison de la menace du FDLR ?
En fait, déjà en 2010, Peter Swarbrick et Michael Soussan du HCR ont publié un article dans le Huffington Post, soulignant que "les Nations Unies et les donateurs devraient insister pour que le FDLR, bien que blâmé pour d’innombrables atrocités contre les civils congolais, ne constitue plus une menace militaire significative contre le Rwanda. Compte tenu qu’il se présente comme représentant les 85% de la population du Rwanda, le FDLR peut représenter une menace politique à l’encontre du gouvernement contrôlé par les Tutsis. Menaces qui devraient être réglées par des moyens politiques. Le Rwanda est le seul pays de la sous-région qui refuse de parler à ses opposants politiques, arguant qu’ils sont associés au génocide. Les accusations qui sont maintenant portées contre le Rwanda lui-même rendent ces affirmations plutôt creuses". (Soussan et Swarbrick 2010)
Au lieu de quoi, Kagame a été accusé d’être responsable de l’extermination de Hutus. Nick Gordon, un journaliste de la BBC, a investigué et rapporté que le régime de Kigali a construit des crématoires à Bugesera, Ruhengeri, Byumba, Kibungo et Inyungwe et d’autres localités où des milliers de déportés congolais et Hutus sont tués tous les jours et leurs dépouilles incinérées dans le cadre d’un programme dénommé "Manpower duties", cependant que les Américains ferment les yeux. (Snow 2007). (80 jeunes Congolais ont été déportés d’Uvira, du sud Kivu, au Rwanda en janvier 2001 et sont encore portés disparus, selon l’agence d’information missionnaire MISNA). L’objectif est de réduire la majorité hutue. C’est également connu que Kagame libère des Hutus de prison pour les envoyer au Congo afin de piller des minerais, violer et tuer. (Barouski 2006)
SUR LES TRACES DE LEOPOLD II : KAGAME AU CONGO
Kagame marche plutôt sur les traces "des monarques européens et des puissances coloniales qui ont décimé la population congolaise et ont volé ses vastes richesse souterraines pendant un siècle", comme il l’a dit avec sarcasme dans un entretien qu’il a accordé au Havard International Review (Kagame 2012). "Vous savez, l’histoire violente du Congo a commencé longtemps avant que je sois né", a dit Kagame. "C’est de notoriété public que les monarques d’Europe et les puissances coloniales ont décimé la population et ont volé leurs vastes ressources souterraines pendant un siècle".
Premièrement, en sa qualité d’Africain, Kagame sait très bien qu’aucun pays africain n’a échappé à l’enfer de la traite des esclaves, à l’impérialisme, au colonialisme, à l’Apartheid et aujourd’hui, au néocolonialisme. Qui a échappé ? Même des Chinois ont été amené au Congo par les Britanniques à la requête du roi Léopold II de Belgique en 1898, pour travailler comme esclave afin de construire le premier chemin de fer du Congo, de Kinshasa à Matadi. Les Chinois, les Congolais et des Africains de l’Ouest et des Caraïbes devaient casser de la roche à main nue afin de tracer la voie pour les rails. Nombreux sont ceux qui sont morts. (Hochschild, 2000 ; 170-172) Une peinture dans la gare centrale de Kinshasa commémore aujourd’hui leur vie. En fait, la compagnie chinoise de haute technologie, Huawei, a justement construit à proximité le plus grand centre d’Afrique, revisitant ainsi l’histoire de façon spectaculaire. Ceci pour dire que les Congolais ne sont une exception et ne méritent pas que Kagame leur parle avec hauteur.
Nous savons tous que depuis longtemps de nombreux citoyens du Rwanda vivent à l’extérieur de leur pays comme réfugiés. La population réfugiée rwandaise est parmi la plus ancienne du continent. En fait le retour et la réintégration de ces réfugiés de plusieurs générations dans leur communauté d’origine et leur pays posent des problèmes considérables (Msangi 2009)
Deuxièmement, nous voyons ici Paul Kagame déclarer être une autre puissance au Congo, à l’égal des Etats-Unis et de la Chine - selon les mots du président lui-même. Il n’est pas surprenant qu’ au lieu de rétablir la réputation du Rwanda, Kagame sentant la pression, quitte une réunion concernant la situation dans le Congo oriental, organisée en marge de la 67ème Assemblée Générale des Nations Unies, manifestant ainsi son arrogance, son mépris, l’absence de diplomatie, de sensibilité à l’égard de non seulement Joseph Kabila, mais aussi du Secrétaire Général des Nations Unies qui présidait la réunion (Umurungi 2012). La réunion a été organisée afin de sortir de l’impasse des conflits du Congo, après que Kagame ait été pris à partie à plusieurs reprises par le ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders concernant le soutien du Rwanda au groupe rebelle du M23. La question se pose dès lors : comment allons-nous trouver une solution durable si Kagame use de chantage et prend toute la communauté internationale en otage ?
Kagame, l’homme fort du Congo à l’image des Américains, dans un entretien à PRWEB, a récemment déclaré :"Lorsque des compagnies chinoises ou américaines en RDC passent des accords, le monde peut vivre avec. Alors des individus ou des compagnies rwandais peuvent-ils avoir les mêmes droits sans être accusés ? Quels droits ont d’autres compagnies de Chine, des Etats-Unis, ou de n’importe où ailleurs, d’être au Congo que les compagnies rwandaises n’auraient pas ? Il y a là des compagnies du monde entier", se demandait Kagame. http://goo.gl/t989G
Paul Kagame change son histoire aussi vite que le temps. D’abord ce sont les milices hutues qui menacent la sécurité du Rwanda, puis la protection de l’ethnie des Tutsis au Congo qui est avancée et maintenant le droit de commercer à l’instar de la Chine et des Etats-Unis.
La RDC est ouverte à la coopération régionale, continentale et internationale mais s’oppose au pillage de ses ressources naturelles et minières suite à des agressions, à l’occupation, aux massacres et viols.
Selon Filip Reyntjens, professeur de droit africain et de politiques et chef de l’Institut pour les politiques et la gestion du développement à Anvers en Belgique, le gouvernement rwandais a établi "un bureau du Congo" dans l’Organisation de la Sécurité Extérieur (OSE) qui comporte un secteur dénommé "Production", responsable de l’exploitation et du commerce des ressources congolaises. Des militaires et hommes d’affaire ougandais étaient impliqués dans des activités similaires. L’invasion du Congo par le Rwanda et l’Ouganda a produit ce que Reyntjens a désigné sous le nom de "satellisation" d’une bonne partie du Congo en raison de l’extrême faiblesse de l’Etat congolais. Ceci a entraîné la privatisation et la criminalisation de l’espace public au profit des deux pays voisins et d’autres "entrepreneurs de l’insécurité" locaux, régionaux, internationaux. (Reyntjens 2004) C’est ce que Prunier désigne comme "action en vue de pillage sous l’égide des Etats", à l’instar de ce qui se passait pendant la Guerre de Trente ans en Europe (1618-1648), durant laquelle le pillage était une des principales activités des armées en présence. Si telle est le cas, il est permis de conclure que la guerre d’invasion du Congo est financée par les ressources naturelles et minières congolaises.
LE RWANDA RESPONSABLE DE CRIMES DE GUERRE, CRIMES CONTRE L’HUMANITE ET MEME DE GENOCIDE AU CONGO
Dans notre précédent article intitulé "Complicit neighbours : Rwanda, Uganda and East Congo", publié par Pambazuka le 14 juin 2012, nous avons expliqué que la genèse des attaques les plus récentes du Congo résidaient au Rwanda. Il a réussi à tirer son épingle du jeu lors de la déstabilisation du Congo oriental en 1998. Il a agi au travers d’un groupe d’insurgés tutsis connu sous le nom de M23, mené par Bosco Ntangada, recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la justice internationale. Le M23 est déjà responsable d’innombrables crimes contre l’humanité, de massacres, de viols et de pillages selon un rapport des Nations Unies élaboré par un groupe d’experts. Ce rapport, un parmi d’autres établis entre 1993 et 2003 et publié en 2010, accuse le Rwanda de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et même de génocide au Congo
Navi Pillay, Haut Commissaire du Conseil des Droits de l’Homme, est à l’origine de ce rapport. Selon l’organisation "Friends of the Congo", il établit la carte et documente " les violations les plus graves des Droits de l’Homme et du Droit Humanitaire International (DHI) à l’intérieur du territoire de la DRC entre mars 1993 et juin 2003". Le rapport a obtenu une large couverture médiatique. L’affirmation que les victimes du génocide au Rwanda en 1994 sont peut-être coupables de génocide au Congo, a généré une grande attention. En fait, le rapport a été l’objet d’une "fuite", les auteurs craignant que le terme "génocide" soit dilué avant sa publication officielle. Ils ont donc estimé qu’il était nécessaire de le faire sortir au plus tôt afin de préserver son intégrité.
Bien que le rapport n’ait pas été jusqu’à accuser le Rwanda d’avoir commis un génocide au Congo, il a disait qu’"il appartient à un tribunal compétent de décider de la question". Bien qu’une bonne partie de l’attention ait été focalisée sur le Rwanda, le rapport s’intéresse aussi à d’autres pays. Il a considéré les violations des droits humains commis par d’autres agents extérieurs comme l’Ouganda, le Burundi, l’Angola et le Zimbabwe et d’autres. Il a aussi documenté certaines des violations des droits humains. Il est vrai que certains éléments au cœur du rapport ont déjà été mentionnés, dès 1997, dans d’autres rapports des Nations Unies. A la fin des années 1990, les Nations Unies ont chargé Roberto Garreton d’investiguer les violations des droits humains au Congo. Le rapport de Garreton documente de graves violations des droits humains, des crimes contre l’humanité et de possible génocide.
Qu’est-ce qui a initié le lancement du rapport de Garreton ? La découverte de trois charniers dans le nord du Kivu en 2005 a été un sombre rappel aux Nations Unies que les violations passées des droits humains étaient restées sans investigation. Ceci a poussé les Nations Unies à reprendre ses enquêtes précédentes mais à une beaucoup grande échelle. L’objectif ultime de l’étude, tel que souligné par les auteurs, était de" fournir aux autorités congolaises les éléments requis pour les aider à décider quelle position adopter pour obtenir justice pour les nombreuses victimes et lutter contre l’impunité de ces crimes ». Le rapport complet est disponible à http://goo.gl/EHc06
La question fondamentale est la suivante : au vu des accusations de génocide documentées du rapport, le Tribunal Pénal International (TPI) a-t-il un rôle à jouer pour demander des comptes aux criminels ? Lorsqu’un Etat refuse ou est incapable de mener des enquêtes et d’inculper, le TPI entre en scène. Toutefois, la juridiction du TPI ne lui permet pas de poursuivre des crimes commis avant 1er juillet 2002 et la majeure partie des crimes documentés ont eu lieu avant cette date. Comment est-ce possible que Kagame, qui a traité les Congolais de "ibicucu" dans son kinyarwandais natal, ce qui signifie "des moins que rien" ou "bon à rien" (Braeckman 2003, p 235), puisse s’en tirer si facilement ? N’a-t-il pas dit aussi que les Hutus traitaient les Tutsis de "cancrelats" avant de les tuer ? Ne désigne-t-il pas les Congolais par, plus ou moins, la même appellation ce qui, par conséquent, justifie le génocide commis au Congo ? Qui peut éviter la comparaison ?
SORTIR DE L’IMPASSE
Pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve la très troublée région des Grands Lacs africains, il faut un dialogue à l’intérieur du Rwanda, entre Hutus et Tutsis afin qu’ils considèrent tous les aspects des problèmes du Rwanda, préparent la voie de la réconciliation et le partage du pouvoir. Le Rwanda doit apprendre de l’Irlande du Nord, de l’Afrique du Sud et plus récemment du Kenya. Le régime tutsi reste un problème, selon Reyntjens. Dix-huit ans après le génocide de 1994, le Rwanda ne connaît pas la démocratie et la réconciliation, mais la dictature et l’exclusion sous le leadership d’un Front Patriotique Rwandais (FPR) dominé par les Tutsis, selon Reyntjens.
Reyntjens avance que, malgré le fait que le gouvernement conduit par le RPF a rapidement procédé à la reconstruction des institutions et mis en place une relativement bonne gouvernance administrative, il a concentré le pouvoir et la richesse dans les mains d’une petite minorité tutsie, pillé le Congo oriental, pratiqué la discrimination ethnique, éliminé toute forme de dissension, détruit la société civile, mené un "processus de démocratisation" fallacieux et violé massivement les droits humains au Rwanda et au Congo.
Les preuves factuelles avancées par le professeur belge sont les invasions répétées du Congo voisin, où les préoccupations initiales de sécurité ont fait place à une logique de pillage, de viols et de massacres de plus de 5 millions de Congolais ainsi que de réfugiés hutus, requérant ainsi un tribunal spécial pour le Congo qui attend le bon vouloir de la communauté internationale. Même l’ancien ministre des Affaires Etrangères britanniques, Robin Cook, lorsqu’il présentait ses mémoires "Point of departure" à Londres, a répondu à une question de l’auteur que "bien que les préoccupations de sécurité du Rwanda soient compréhensibles après le génocide de 1994, l’actuel régime de Kigali porte une grande responsabilité dans la guerre qui sévit en RDC".
Toutefois, l’ancien Premier ministre, Tony Blair a louangé le Rwanda qui "est un modèle pour le monde", lors d’une visite à Kigali en mai 2009 et après des discussions avec le président Paul Kagame. Ce malgré les actions sombres du Rwanda qu’il a ignorées (invasions, pillage économique sous prétexte de contrer le génocide) au Congo. On peine à croire. A la fin de son mandat de Premier ministre, Blair a accepté de servir gratuitement de conseiller spécial auprès du gouvernement rwandais afin de l’aider à attirer des investissements privés alors qu’il cherche à pour consolider son économie.
Le Rwanda, écrit Reyntjens, a réussi à éviter la condamnation en jouant habilement de son "crédit génocide" et avec une gestion astucieuse de l’information. Reyntjens conclut que la communauté internationale est complice dans la reconstruction d’une dictature déguisée en démocratie. Il met en garde contre le fait qu’elle assume une grave responsabilité en permettant à une violence structurelle de se développer, à l’instar de ce qui s’est produit avant 1994 et qu’à l’avenir ceci pourrait bien conduire à de nouvelles vagues de violence sévères. (Reyntjens 2004 : 180-182)
Il est intéressant de noter que Reyntjens confirme que ceux qui ont été tués par les extrémistes de l’ancien régime en 1994 étaient des opposants. Hutus et Tutsis logés à la même enseigne, pendant qu’à la même période, la progression du RPF était jonchée de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, le plus souvent à l’encontre des Hutus et du clergé. Même Bosco Rutagengwa, le fondateur de l’organisation des survivants du génocide, Ibuka, a maintenant trouvé l’asile aux Etats-Unis. Il disait que ce sont les Tutsis qui vivaient à l’intérieur du Rwanda qui ont été les victimes du génocide et non les insurgés tutsis du FPR qui venaient d’Ouganda, conduits par Fred Rugiema (tué dans des circonstances mystérieuses), puis par Paul Kagame. L’ancien président hutu du gouvernement FPR, Pasteur Bizimungu, a fondé un autre parti afin d’opposer les politiques mono ethniques et l’organisation de l’armée. Il a non seulement été dépouillé de ses anciennes prérogatives mais également incarcéré. (Reyntjens 2004 : 180-182)
CONCLUSION
Il n’y aura pas de paix durable dans la région des Grands Lacs à moins que le Rwanda ne se démocratise véritablement. Quiconque s’oppose au régime est immédiatement accusé "d’idéologie génocidaire". Toutefois le crédit du génocide dont profite le régime de Kigali s’épuise parce qu’il commet des crimes similaires au Congo. A l’heure qu’il est, la population du Congo paie le prix de son hospitalité et celui de l’intransigeance de Kagame cependant que ses puissants supporters le caresse dans le sens du poil. Aussi longtemps que les minerais abondent pour lui et eux. Toutefois il y a un proverbe chinois qui dit que : "aussi longtemps qu’une armée brûle d’une juste indignation elle va certainement gagné". Ceci s’applique à la population du Congo.
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** Antoine Roger Lokongo est journaliste et au candidat au doctorat à l’université de Pékin, provenant de la RD Congo – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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REFERENCES
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6 - Kintu, Remigius. 1997. Terror incognito: the U.S. conspiracy behind Museveni’s wars. Paper presented at The Maryland Peace & Justice Annual Conference, April 19, Baltimore , Maryland.
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11 - Reyntjens, Filip. 2004. Rwanda : Ten Years On: From Genocide To Dictatorship. African Affairs, (2004), 103, 177–210.
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