Cet article a pour but d’élargir le débat sur les résultats de la réforme agraire accélérée au Zimbabwe et sur le programme d’indigénisation en cours. Ces programmes sont étroitement associés aussi bien de par leur genèse que par la mise en œuvre de la dynamique politique qui leur est liée. Ils se sont tous deux attiré de sévères critiques dans le monde entier, en ce qui concerne leurs conséquences et plus généralement la situation sociale et économique au Zimbabwe.
L’indigénisation, essentiellement des entreprises minières, dans tout le Zimbabwe, et les avantages que les communes rurales situées aux environs des mines retirent de ce processus ont déclenché des débats fortement polarisés au Zimbabwe et dans le monde entier. Ce débat a été corrompu par un manque d’études empiriques, qui auraient pu constituer une base pour des analyses fondées de ses conséquences. On a essentiellement reproché à l’indigénisation d’être une combine du Zanu-Pf (parti au pouvoir) qui aurait profité pour une grande part à des amis politiques du parti. Mais cela reflète-t-il vraiment l’indigénisation pratiquée dans le Zimbabwe rural ?
Les nouvelles leçons tirées de la réforme agraire accélérée au Zimbabwe ont montré qu’un manque de données empiriques peut engendrer des mythes ainsi que toutes les généralisations possibles, ce qui entraîne sur de fausses pistes. Le manque de preuves empiriques dans le débat en cours sur l’indigénisation signifie que notre connaissance de la façon dont le programme est mis en œuvre et sur ses conséquences pour les fondements de la vie rurale dans tout le Zimbabwe repose sur les généralisations régentées par les médias. Cet article montre, sur la base de données empiriques collectées dans le district de Mhondoro Ngezi, où la mine Zimplats a été récemment « indigénisée », que les paysans locaux ont tiré profit de l’indigénisation, en dépit des reproches de corruption adressées aux élites.
Alors que le programme d’indigénisation s’était signalé par la corruption et les conflits au sein des élites du Zanu-Pf, il avait eu des retombées positives sur les conditions de vie des paysans récemment installés, ce qui reste largement ignoré dans les débats actuels. Le discours autour du programme d’indigénisation du Zanu-Pf chez les communautés vivant à proximité des mines a conduit ces derniers à tenter d’obtenir leur part de l’exploitation des ressources naturelles. La population locale de Mhondoro Ngezi a effectivement pu utiliser ce type de discours pour avoir accès aux profits de l’indigénisation. Par exemple, la population locale a réussi, en exerçant une pression sur la mine Zimplats, à obtenir toute une série de programmes sociaux qui ont procuré des avantages économiques et sociaux à l’échelon local.
Un grand nombre de jeunes, dans la région de Mhondoro Ngezi travaillent désormais comme ouvriers à la mine, car celle-ci est tenue d’embaucher des locaux. En outre la firme soutient l’émancipation des femmes en proposant des équipements et des formations pour les coopératives de femmes, ce qui a amélioré la situation sociale des rurales. Un vaste éventail d’industries liées à la mine s’est installé : remise en état des routes, construction de digues et autres travaux de réhabilitation, et a créé des emplois pour la population locale. Ce qui contribue à la lutte contre le chômage élevé et à la croissance économique de la région. Les programmes sociaux plus vastes - forage de puits géothermiques, construction de routes, écoles et hôpitaux, ont apporté une contribution significative à l’économie locale, à une époque où nombre de communautés rurales sont confrontées à des problèmes économiques et sociaux.
Les opportunités d’emploi offertes par la mine ont accru les possibilités des paysans récemment installés. Interviewés, des paysans travaillant à la mine à temps partiel ont indiqué que l’argent qu’ils y gagnent est indispensable pour permettre de nouveaux investissements agricoles, car nombre de paysans récemment arrivés ne disposent pas des moyens d’exploiter les terres qu’ils viennent d’acquérir - ce qui permet de mettre en doute que le programme d’indigénisation ait essentiellement profité aux élites du Zanu-Pf, comme on l’affirme généralement.
La réforme agraire ayant fourni aux gens de Mhondoro Ngezi l’accès à de meilleures terres et à d’autres opportunités non-agricoles, l’indigénisation apporte des sources de revenus essentielles pour d’autres investissements agricoles. Cette analyse plus nuancée de la dynamique d’indigénisation, souvent absente des débats actuels, montre que les petits paysans ont profité de cette dernière, en dépit de la corruption imputée aux élites politiques, car ils disposent désormais de sources de revenus indispensables aux futurs investissements agricoles. Cela ne signifie nullement que le processus d’indigénisation est parfait ; cet article veut plutôt montrer qu’en dépit des accusations de corruption les petits paysans ont saisi l’occasion de tirer profit du processus en cours, même si c’est de façon indirecte.
Note : Depuis 2010 le Zimbabwe applique la « loi d’indigénisation »(Indigenisation and Economic Empowerment Act), qui oblige les firmes étrangères à remettre au moins 51% de leurs parts à des nationaux. Elle vise à permettre au Zimbabwe de mieux profiter de l’exploitation des ressources nationales.
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** Grasian Mkodzongi est doctorant au Centre d'études africaines de l'Université d'Edinburgh en Écosse. Chercheur en agronomie, il mène une recherche sur les effets de la réforme agraire accélérée et de l'indigénisation en cours des entreprises minières sur les conditions de vie des petits paysans – Source :
www.tlaxcala-int.org
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