Le militant écologiste nigérian Nnimmo Bassey retrace la vie de Wangari Maathai, la fondatrice du Green Belt Movement décédée le 25 septembre. Une vie de laquelle jaillit une phrase qui éclaire et donne sens à son engagement : "Quiconque a réalisé quelque chose est tombé plusieurs fois. Il s’est relevé et a poursuivi son chemin et c’est ce que j’ai toujours essayé de faire".
Wangari Muta Maathai, entourée de sa famille, a quitté cette vallée de larmes le 25 septembre 2011, à l’hôpital, à Nairobi. Elle sera regrettée pour de multiples raisons, elle qui a mené une vie active, s’est opposée au pouvoir, a soutenu les opprimés et a combattu pour le respect de la nature.
Wangari Maathai est née le 1er avril 1940 dans le village de Ihithe, près de Nyeri, au Kenya. Elle a fini son cycle secondaire à l’école des filles de Loreto Girl’s High School en 1959, pour ensuite aller poursuivre ses études au Mount Scholistica (maintenant le Benedictine College) à Atchison (Kansas), où elle est a obtenu une licence en biologie. En 1966, elle obtint un Master de l’université de Pittsburgh. Toujours en quête de savoir, elle va obtenir un doctorat en médecine vétérinaire de l’université de Nairobi en 1971. Pour la première femme en Afrique de l’Est et du Centre, une femme réussit alors un tel parcours. Elle a également été la première à être nommée professeur dans son domaine.
Alors qu’elle était impliquée dans des organisations humanitaires et écologistes dans les années 1970, Maathai a pris conscience de la détérioration des conditions sociales et environnementales qui affectaient les pauvres des zones rurales. Elle découvre à quel point les femmes manquent de bois de feu pour cuisiner et chauffer. La lutte qu’elles mènent pour trouver de l’eau potable et la pénurie de denrées de hautes valeurs nutritives l’interpellent également. C’est là que lui est venue l’idée que la plantation d’arbres était une solution à la multitude de problèmes auxquelles les femmes et les pauvres des zones rurales étaient confrontés.
C’est là qu’a germé l’idée qui, par la suite, est devenu le Green Belt Movement (Mouvement de la ceinture verte) vers 1977. Les femmes ont appris que les arbres fournissaient du bois de feu, de la nourriture pour le bétail, des matériaux pour ériger des palissades, de même qu’ils stabilisaient le sol et protégeaient les sources d’eau. Maathai a ainsi mobilisé des hommes et des femmes qui ont planté plus de 47 millions d’arbres au cours de sa vie. Des arbres qui ont contribué à la restauration d’un environnement dégradé et à améliorer la qualité de vie de beaucoup de gens.
La lutte pour un environnement meilleur a poussé Maathai dans l’arène politique où elle a affronté le régime dictatorial de Daniel Arap Moi dans les années 1980 et 1990. Un combat qui le pousse en particulier à mener campagne contre l’érection d’un gratte-ciel dans le Uhuru Park à Nairobi et contre l’accaparement de terrains publics dans la forêt de Karura près du centre de Nairobi. Solidaire à la cause des mères de prisonniers politiques, elle participe pendant une année à des veillées qui ont fini par aboutir à la libération de 51 personnes détenues par le gouvernement.
Dans son combat pour la démocratie au Kenya, Mathai a subi des attaques personnelles, des arrestations, des incarcérations et des insultes. En 2002, elle gagne les élections parlementaires pour la région de Tetu, élections célébrées par certains comme étant la première consultation libre et juste au Kenya depuis une génération. Sa carrière politique s’est poursuivie par sa nomination en 2003 au poste de vice ministre pour l’environnement par le président Mwai Kibaki. Pendant la période de violence qui a suivi les élections contestées de 2007, elle a fait entendre sa voix pour la paix, la responsabilité et la justice. Mais aussi, avec d’autres alliés, pour garantir que la nouvelle constitution kényane, ratifiée par un vote public en 2010, soit élaborée selon un processus consultatif et qu’elle intègre le droit de tous les citoyens à un environnement sain et propre.
En 2006, Maathai a rejoint le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en vue de lancer une campagne de plantation d’un milliard d’arbres dans le monde entier. Ayant atteint cet objectif en moins d’une année, un nouveau défi porté sur 14 milliards d’arbres est alors fixé.
Maathai était une femme hors du commun qui a donné un lustre positif à l’Afrique tout en luttant pour améliorer le sort de la population et de l’environnement. En 2004, elle a été la première lauréate africaine du prix Nobel de la Paix. Ecologiste notoire, scientifique, parlementaire, la fondatrice du Green Belt Movement a défendu la justice sociale et les droits humains. Elle a promu la paix et a reçu plusieurs prix, dont certains lui ont été octroyés par des gouvernements : Ordre of the Rising Sun (Japon 2009), Légion d’Honneur (France 2006), Elder of the Burning Heart et Elder of the Burning Spear (Kenya 2004,2003). Maathai a aussi reçu de nombreux prix de la part d’organisations et institutions de par le monde : Nelson Mandela Award for Health and Human Rights (2007), Kenya National Commission of Human Rights Lifetime Achievement Award (2006), Sophie Price (2004), Goldman Price (1991), Right Livelihood Award (1984) et des honoris causa d’institutions académiques de l’université de Yale, de Morehouse College aux Etats-Unis, de l’université d’Ochanomizu au Japon, de l’université de Norvège, parmi d’autres.
Ses livres révèlent les étapes de sa vie et de sa lutte, notamment "The green belt movement : sharing the approach and the experience" (2003), "Unbowed"(2006), son autobiographie, "The challenge for Africa" (2008) et "Replenishing the earth : spiritual values for healing ourselves and the world" (2010)
Maathai laisse trois enfants: Waweru, Wanjira, et Muta ainsi qu’une petite-fille, Ruth Wangari
"Quiconque a réalisé quelque chose est tombé plusieurs fois. Il s’est relevé et a poursuivi son chemin et c’est ce que j’ai toujours essayé de faire".
"Vous ne pouvez pas protéger l’environnement si vous ne donnez pas de pouvoir aux gens. Vous les informez et les aidez à comprendre que ces ressources sont les leurs et qu’ils doivent les protéger"
Si personne n’acclame cette grande dame africaine, les arbres le feront sûrement.
* Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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