Alors que la répression contre les opposants se poursuit au Tchad, quatre ans après la disparition d’Ibni Oumar Mahamet Saleh, Idriss Déby est accueilli triomphalement à Marseille par Nicolas Sarkozy. Les promesses de rupture avec la Françafrique du président-candidat tombent définitivement à l’eau.
Le député d’opposition tchadien Gali N’Gothé Gatta a été arrêté le 4 mars par les forces de défense et de sécurité de son pays et placé en garde à vue. Jugé le 6 mars pour braconnage et tentative de corruption, il a été condamné à un an d'emprisonnement ferme malgré des vices de forme dans la procédure et surtout, en dépit de son immunité parlementaire.
L'arbitraire de cette inculpation suscite l’émotion et la colère au sein de l'opposition tchadienne, régulièrement victime d’intimidations, menaces et même d’exactions. Rappelons en particulier l'arrestation et la disparition en 2008 d’Ibni Oumar Mahamet Saleh, très probablement assassiné sans que l'enquête internationale diligentée n’ait à ce jour permis de faire complètement la lumière sur cet épisode, ni à ce que cette affaire soit jugée.
Si Nicolas Sarkozy s'était engagé à peser sur l'État tchadien pour que la vérité sur cette disparition apparaisse enfin, il n'y a eu à ce jour aucune démarche engagée à l'initiative du gouvernement français.
Le harcèlement des parlementaires est une technique récurrente du pouvoir tchadien, comme l’atteste la procédure de levée de l’immunité parlementaire qui pèse sur un autre député tchadien, Saleh Kebzabo.
L'État français et son président actuel, qui n'ont jamais marqué la moindre réticence face à ces atteintes manifestes aux droits humains, ont accueilli comme un «héros du bien commun» le président Déby au Forum Mondial de l’eau, à Marseille, ce lundi 12 mars 2012. Ce dernier, comble de l’ironie, était censé mener un débat international sur la sauvegarde du Lac Tchad, lui qui n’a jamais défendu que les intérêts de son clan, et accessoirement ceux de la France.
Les intérêts stratégiques et militaires français au Tchad sont, il est vrai, très anciens, et défendus en toute opacité par l'opération Epervier, « provisoire » depuis 1986, qui a permis à plusieurs reprises à Idriss Déby de conserver le pouvoir par la force.
Cette collaboration ostentatoire de l'État français avec une dictature criminelle qui se moque des aspirations de son peuple suscite de nombreuses réactions de protestation, y compris au sein de la classe politique et du Parlement français, car elle ne fait pas honneur à notre pays.
La période électorale que la France traverse actuellement doit être l'occasion d'une remise en cause profonde de la politique africaine menée depuis 50 ans, afin d'établir enfin une relation équilibrée et respectueuse des droits humains.
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* Stéphanie Dubois de Prisque est chargée de communication de Survie
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