Un évènement grave s’est produit dans notre pays. Des militaires français seraient arrivés nuitamment chez nous entre le 20 et le 21 septembre 2010. C’est secrètement que les choses se sont faites et vraisemblablement dans l’illégalité totale, car à notre connaissance l’Assemblée nationale qui n’était pas en session n’a pu autoriser cette présence des troupes françaises sur notre territoire.
Cette présence des troupes étrangères sur notre sol dans le cadre d’une mission décidée par les dirigeants français s’exécutant sur notre sol ne peut se faire sans l’autorisation de la représentation nationale. C’est l’Assemblée qui autorise les missions de nos troupes à l’étranger, et il nous semble que son avis doit être requis pour la présence de troupes étrangères sur notre territoire.
Quelles sont les missions que ce détachement militaire français doit exercer ? Quel appui nos troupes doivent elles leur apporter ? Qui a autorisé cette utilisation de notre territoire par l’armée française et à quels fins ? Pourquoi nos autorités ne nous disent rien sur cette affaire de pré-positionnement des troupes françaises dans notre pays ? Le peuple veut savoir si nous sommes en guerre contre Al-Qaida, nous qui jouons les gentils médiateurs et libérateurs d’otages.
Si Sarkozy a déclaré la guerre à Al Qaida, notre pays ne peut s’engager à ses côtés clandestinement, dans le secret de quelques alcôves ministérielles ou présidentielles. C’est une grave affaire qui peut affecter la sécurité des Burkinabè et ils doivent en être informés. Ce que l’on peut lire dans la presse française sur cette arrivée des soldats français dans notre pays indique que cela est loin d’être une arrivée de quelques formateurs, comme veulent le faire croire des sources proches des autorités burkinabè. C’est une armada étrangère qui a débarqué sur le sol national pour mener la guerre à AQMI, dans le but de libérer les otages français.
«Ce dispositif est déployé “au cas où”, c’est-à-dire si des renseignements suffisamment précis permettaient de déclencher une opération de vive force pour la libération des otages. Il pourrait s’agir d’une opération aéroportée (OAP), avec largage de parachutistes.» (Confère le blog de Jean Dominique Merchet : http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/.)
La France est de retour, un millier de soldats français sont descendus sur Ouagadougou selon certaines sources. Est-il besoin encore de se rendre à Bobo Dioulasso pour fêter le cinquantenaire de l’indépendance ? C’est la première fois depuis l’indépendance que notre pays accueille sur le sol national des troupes étrangères. Car un des véritables actes de souveraineté fait par le pouvoir de la Première République a été de chasser les troupes françaises de notre pays. Le Président Maurice Yaméogo a fait partir les français du camp de Bobo qui a été récupéré par les forces armées nationales. Depuis cet évènement fondateur, la patrie n’a pas accueilli de troupes françaises jusqu’à ces jours-ci.
C’est une des « réussites » rétrogrades du pouvoir de la IVème République qui fait des prouesses pour nous mettre à l’arrière des nations africaines. Au moment où le Sénégal fait partir les troupes françaises de chez lui, qui leur ouvre les bras ? Le Burkina Faso. Les pères de l’indépendance du pays ne doivent pas être contents. Voilà 50 ans que le pays s’est affranchi de la tutelle française et des militaires français arrivent, au moment où on s’apprête à célébrer le cinquantenaire. Ils reviennent par centaine avec des moyens importants
« Ce détachement interarmées - sans doute quelques centaines d’hommes - dispose d’importants moyens aériens : huit (ou dix, selon d’autres sources) avions de transport tactique, de type Transall C-160 ou Hercules C-130, ainsi que deux hélicoptères. » Cette nouvelle est bouleversante parce que l’Assemblée nationale n’a pas été consultée puisque les députés ne sont pas encore en session. Qui a autorisé l’arrivée des troupes françaises dans notre pays ?
SUIVRE UN FOU !
La nouvelle a été d’abord annoncée par les médias étrangers et personne au plan national ne l’a encore confirmée. Sauf une source militaire sous le couvert de l’anonymat toujours à l’AFP. Lisons une partie de cette dépêche : « Des militaires français sont arrivés au Burkina Faso pour une “formation” à la lutte anti-terroriste, a affirmé à l’AFP sous couvert d’anonymat un haut responsable militaire burkinabè, démentant toute relation avec l’enlèvement de Français au Niger voisin. Nous avons des militaires français qui sont arrivés dans le cadre d’une mission (...) de formation de nos éléments pour la lutte contre le terrorisme”, a indiqué cet officier. Dénommé “détachement d’instruction opérationnelle”, cette forme de coopération militaire franco-burkinabè fait partie des “opérations classiques de formation de nos hommes”, a-t-il ajouté, faisant état d’une “coïncidence” avec l’enlèvement de Français dans la région. Toutefois, l’officier burkinabè a refusé de révéler, “pour des raisons de sécurité”, le nombre de soldats français présents dans le pays. »
Le fait qu’il se refuse à dire le nombre de soldats montre bien que le nombre est important et dépasse celui de quelques formateurs. Depuis l’enlèvement des Français au Niger, il se dit que les militaires burkinabè seraient en alerte et surveilleraient le nord du pays particulièrement la frontière avec le Mali et le Niger dans le but d’intercepter tout ravisseur ou tout preneur d’otages. Pourquoi maintenant des soldats français chez nous ?
La coïncidence est troublante et fait penser que l’arrivée des militaires français n’est pas dû au hasard, mais à l’urgence de cette situation provoquée par AQMI. Notre pays avait au mois de juillet été placé dans les tablettes des USA et de la France sous menace terroriste, ce qui a donné lieu à l’évacuation des expatriés européens et américains du nord du pays. Le prétexte de la formation à la lutte anti-terroriste est fallacieux. Car les militaires burkinabè viennent de suivre une formation à la lutte anti-terroriste sous l’égide des militaires américains, il n’y a pas longtemps. Et sans vouloir offenser nos amis français, les yankees connaissent un rayon à la lutte contre les terroristes, car ils y sont engagés depuis plus longtemps qu’eux et les déboires de leurs troupes en Afghanistan leur interdisent de faire école.
Le Burkina vient de faire encore une pirouette dans sa politique étrangère chaotique, changeant avec les vents d’ouest des puissances occidentales. Si le médiateur est engagé d’un côté, sa position est intenable. Nous pensions que notre pays prônait la négociation alors que tous les autres pays prônaient la fermeté. Allons-nous faire maintenant la guerre ? Nous disons, dans « l’Indépendant » N°886 du 31 août 2010 : « Nous pensons que les accointances avec AQMI ne feront que nous attirer des ennuis. Jouer les utilités pour les pays occidentaux ne peut pas être la politique de base de nos relations avec nos voisins. C’est opportuniste et aventuriste. Il est important que notre président sache ce qui est bon pour son peuple et en fasse une priorité avant ce qui est bon pour la notoriété du président Blaise Compaoré. »
A l’évidence, ce choix d’accueillir les troupes françaises n’a pas été bien mûri. Car dans cette affaire, le Mali qui est le refuge d’AQMI, ne fait pas trop le va-t-en guerre et est très mesuré. ATT pense que la question est bien plus une question de développement que de terrorisme. Voilà qui est sage. S’engager aux côtes d’un président français qui est de plus en plus fou comme le dit le président Fidel Castro, ne nous paraît pas une bonne chose. Ce monsieur est bien préoccupé par sa réélection et il est capable de faire une guerre pour avoir des voix de l’extrême droite comme il chasse les Roms de son pays pour cela.
Pour ne pas se tromper en politique, il faut tenir compte de l’histoire de son pays. Ce précepte est valable pour l’accueil des troupes françaises dans notre pays et pour la révision de l’article 37 (Ndlr : à propos du mandat présidentiel). Notre pays a toujours été contre la présence de troupes étrangères sur notre sol national et la coutume en matière de mandat présidentiel est la limitation des mandats.
* Sana Guy a publié cet article de le quotidien burkinabé « L’Indépendant »
(http://www.independant.bf/article.php3?id_article=1710?&sq=arti)
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