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Les inégalités sociales au Sénégal naissent de la pratique de privilèges ainsi que de l’impunité en faveur de groupes minoritaires, souvent escrocs et magouilleurs, qui écument et pillent.

Il est très surprenant et regrettable de constater combien, tous les pouvoirs, qui se sont succédé à la tête du Sénégal, sont hantés jusque-là, par cette peur incompréhensible et irresponsable, de rompre résolument et une bonne fois pour toutes, avec cette pratique inégalitaire : accorder des privilèges à tour de bras, à des groupes « influents » et des individualités, maîtres chanteurs, tous membres d’une bourgeoisie bureaucratique et compradore. Cette pratique, qui perdure, constitue maintenant une sorte de méthode de gouvernance. Ce qui est absolument inadmissible et condamnable, car elle est contraire à la justice sociale, aux aspirations des couches populaires, et qui plus est, ne repose sur aucune justification logique valable. Voilà ce qui est à la base du maintien inacceptable, des pratiques des inégalités sociales. Par conséquent, face à cette absence notoire de courage et volonté politique de rupture, il faut une prise de conscience effective des responsabilités et de la situation sans équivoque des gouvernants. Bien entendu, le tout, sous-tendu par une justice sociale irréprochable.

En effet, de tous les présidents sénégalais, seul Macky Sall, avait eu à proclamer ouvertement et devant son peuple, des promesses fermes quant au fait de rompre définitivement avec toutes ces pratiques malsaines, tant décriées par les honnêtes Sénégalais. Macky Sall : «Plus rien ne sera plus comme avant ». Ensuite : «Une gouvernance sobre de 25 membres, vertueuse, efficiente, efficace avec la prise en compte des conclusions des Assises nationales» ; il ne protégera « personne » ; « la patrie passera avant le parti » ; son mandat sera réduit à 5 ans et les institutions seront fondamentalement révisées pour les conformer à notre avancée démocratique et les rendre pérenne, etc. Avec un tel discours à l’entame de son magistère, l’espoir était permis.

Hélas ! Les faucons de la proximité, la bourgeoisie bureaucratique et compradore, l’aristocratie maraboutique, tous favorables à ces pratiques des privilèges et autres partages du gâteau avaient déjà pris leurs marques et le président en otage. Ainsi, par manque de courage et de volonté politique affirmée pour satisfaire prioritairement les intérêts supérieurs de la nation, le président a cédé, lâchant ainsi prise sur certaines questions, laissant les faucons prendre le dessus sur lui ou le pouvoir.

A QUOI JOUE NOTRE PRESIDENT ?

Macky Sall a fait une reculade ou marqué le pas, comme par exemple sur la traque des biens mal acquis et sur bien d’autres questions d’importance capitale qu’il a mises en jachère ou renvoyées sine die. Ce qui a déçu les attentes d’une partie importante des 65% qui lui avaient apporté leur vote. Or, en 2012, le Sénégal avait nécessairement besoin d’un capitaine d’équipe curateur intrépide, qui n’avait pas comme point de mire sa réélection mais plutôt le nettoyage des « caniveaux du Sénégal infestés de rats humains ravageurs ». Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? En tout cas, les tergiversations et hésitations à n’en plus finir ne laissent plus de doute, sur l’absence de volonté du président Macky Sall à satisfaire l’essentiel de ses propres engagements. Alors, au regard du temps qui nous sépare de la prochaine présidentielle, l’échéance est encore floue et indécise : 2017 ou 2019, pour l’heure, nul ne le sait alors que le référendum règle judicieusement, souverainement, démocratiquement et définitivement, la question de la réforme des institutions de la République, mettant du coup, à l’abri, le président d’être accusé, de toute tentative d’entraver l’expression populaire.

Cette décision capitale tarde à se dessiner encore avec précision. Tout cela à cause de l’influence négative de conseillers spéciaux qui, eux-mêmes, laconiques, n’ont pas une claire conscience dans les solutions préconisées, parce que manquant cruellement de précision, de netteté et de clarté.

Voilà pourquoi, le président Macky Sall doit absolument et dans les plus brefs délais, prendre toutes ses responsabilités et se prononcer pour éclairer les Sénégalais. Car, il se fait très tard. Et, au-delà de tout, c’est quand même bien lui, qui est élu par le peuple, sur la base de ses promesses. Il est aussi, le seul responsable devant ses mandants, à qui, il devra rendre compte demain par rapport à ses promesses.

PERENNITE DE LA TOUCHE WADE ?

Il me revient toujours à l’esprit, comme un refrain, cette terrible déclaration et extrêmement grave de conséquences, de l’ancien président de la République, Me Wade, disant sans frémir ceci : «J’ai créé dans ce pays beaucoup de milliardaires et riches artificiels » (sic). Une véritable aberration dont lui et ses militants, malgré tout, se glorifient encore. Comme si la mission ou l’objectif assigné, véritablement, à un chef d’Etat, se circonscrivait strictement à cela. Et non, bien au contraire, au développement économique et social rationnel et harmonieux du pays, sur la base de l’égalité des chances et du mérite de chaque citoyen d’abord et acteur économique ensuite.

Assurément, ce choix manifeste et délibéré de ce président haut en couleur n’était qu’un tour de passe-passe parmi tant d’autres, pour favoriser l’enrichissement illicite, de façon discriminatoire, d’une bourgeoisie compradore et bureaucratique déterminée, à son service. Par conséquent, sur une base d’inégalité sociale inacceptable et injustifiable du point de vue économique, comme social.

Il est dès lors évident qu’une bourgeoisie artificiellement créée dans de telles circonstances ne peut être que parasitaire, à cause de l’absence quasiment totale d’apports personnels propres. Elle ne peut être également qu’antinationale et compradore, au service ou de connivence avec des intérêts étrangers. Généralement, elle est sans réelle ambition pour l’économie nationale. Sa préoccupation essentielle, comme sa nature artificielle, c’est de vivre dans un mirage, en dilapidant comme des pachas, les biens malhonnêtement acquis ; sans nullement, penser ou se soucier un seul instant à assurer la production nationale à suffisance, ou la reproduction du tissu économique national en mauvais état.

Une telle bourgeoisie ne vit en fait que pour elle-même, parce que parasitaire, cupide, sectaire et égoïste à souhait. Elle tue l’économie d’un pays et ne lui est d’aucune utilité au plan global et national. La formation, des capitaux de cette bourgeoisie bureaucratique et compradore est, pour l’essentiel issue de source douteuse, parfois étrangère, de corruption, d’escroquerie, de magouilles, d’enrichissement illicite, de blanchiment d’argent, de spéculation foncière et de fraudes en tous genres, etc. Elle est d’essence artificielle au regard de sa constitution, elle est antipatriotique par son désintéressement à l’intérêt national, par voie de conséquence, antinationale.

Cette bourgeoisie-là, généralement, ne paie pas correctement ses impôts et taxes. Elle surfacture les marchés en échange de commissions occultes. Elle n’embauche presque pas le personnel nécessaire qualifié pour ses besoins, ne paie pas ses employés en conformité avec la législation en matière de salaire et bien entendu elle sous-évalue ses déclarations ou ne les fait pas du tout. Elle est abonnée aux médias pour une publicité mensongère ou est en train de se lamenter sur son sort au lieu de travailler durement, honnêtement et correctement, comme le fait si bien la vraie bourgeoisie nationale patriotique, sans tambour ni trompette. Elle et l’aristocratie maraboutique constituent les collabos permanents de tous les pouvoirs passés et présents. Elle ne modernise presque pas ses infrastructures. Elle se cantonne plutôt dans leur vétusté déplorable, qui ne permet évidemment, aucune performance. Mais elle veut malgré tout gagner des marchés immérités qu’elle est incapable d’exécuter correctement dans les normes et délais requis.
Pour autant il existe bel et bien une faible bourgeoisie nationale, pétrie de qualités, de valeurs de la République et de patriotisme économique. Celle-là fut une victime de toutes sortes de sanctions et discriminations négatives, de la part du régime précédent. Tout a été tenté contre elle pour l’écraser, à défaut de la contraindre à une indécente collaboration. Mais malgré tout, elle a résisté jusqu’au bout. C’est cet embryon de bourgeoisie nationale qui doit se renforcer par un regroupement ou association de capitaux, en vue de la création d’une société de grande envergure dans tous les domaines importants et de pointe de l’économie. Une société avec un capital bien consistant et une maitrise technique et scientifique sur l’évolution de la technologie des dernières générations.

Une ou des sociétés, gérées dans les normes, de manière saine, vertueuse, rigoureuse et débarrassées de tout esprit clanique, magouille ou malversation financière est un souhait à réaliser. Une telle bourgeoisie nationale, réellement porteuse d’un esprit indiscutable de patriotisme économique, à la tête de telles sociétés, mériterait bien le soutien de l’Etat et la préférence nationale en cas d’égalité avec une société étrangère. Elle pourra ainsi se battre avec le sérieux requis, pour le contrôle des secteurs essentiels et clés de l’économie nationale. Elle pourra aussi se mesurer valablement avec d’autres sociétés étrangères dans des faits concrets et non par un appui inconditionnel manifeste immérité, synonyme de chauvinisme étroit, qui ne mène pas la bourgeoisie nationale à la maturité pour jouer son véritable rôle majeur.

Le Sénégal, pays des paradoxes et de l’impunité doit revenir aux fondamentaux d’une gestion orthodoxe des finances du pays et au rétablissement des égalités rompues injustement. Voici un pays où, quasiment, les lois sont faites pour ne pas être appliquées aux grands délinquants de la république. Ces auteurs des graves délits de crimes économiques tels que les malversations financières, les gravissimes corruptions, les escroqueries et spéculations foncières, les trafics de drogue, de blanchiment d’argent, les mauvaises gestions des sociétés nationales, parapubliques, des services publics et des projets et agences, les détournements de deniers publics et biens sociaux, etc., restent pratiquement impunis. La preuve nous est fournie par les différents rapports des organismes de contrôle d’Etat, tel que l’Inspection générale d’Etat (Ige), qui demeurent très souvent lettres mortes. Ces rapports, ne semblent être à la limite, rien qu’une simple formalité et de simples notes d’information et de lecture envoyées au président de la République. Celui de l’Ige de 2015 vient d’être déposé sans que l’on sache ce que sont devenus les précédents !

Rares sont ceux qui se rappellent depuis l’indépendance, exception faite d’une courte séquence de 1960 à 1962 avec le président Dia, de sanctions exemplaires à la hauteur de la gravité des délits de la sorte, à l’encontre des incriminés. Nous en relevons encore et chaque jour à travers la presse, les uns plus graves que les autres. Mais, ils finissent tous et toujours, en eau de boudin. Ceci, confirme l’assertion selon laquelle, « les lois sont faites pour les pauvres, les petits délinquants et auteurs de larcins ». Alors, n’en déplaise à certains invétérés, sans rupture profonde et décisive dans la pratique de gouvernance actuelle et des sanctions très sévères à l’encontre de tous ces voleurs qui s’enrichissent illicitement et sans aucune honte sur le dos des contribuables, nous ne ferons que du surplace et le pays n’émergera pas.

Voilà une raison plus qu’évidente de poursuivre avec fermeté la traque des biens mal acquis, afin de mettre tous ces individus reconnus coupables de malversations hors d’état de nuire, sans faiblesse coupable ni cruauté inutile. Nous savons tous que la prison de Reubeuss compte peu de détenus dont les délits se rapportent aux malversations citées plus haut. Nous pensions qu’avec le déclenchement de la traque des biens mal acquis, les écuries d’Augias allaient être nettoyées proprement. Et à cet effet des sanctions exemplaires aux contrevenants serviraient de cas d’école et de jurisprudence pour, à défaut d’éradiquer le fléau de la malversation financière, atténuer tout au moins le nombre et la cadence des cas.

Enfin, il est illusoire de penser un seul instant que le Sénégal émergera simplement sur la base d’un plan, sans adéquation avec d’autres facteurs de développement tel que l’esprit de patriotisme en général, économique et d’entreprise en particulier. Le tout, débarrassé de l’individualisme borné et exacerbé, rompant avec les pratiques si décriées, qui tournent le dos à l’intérêt général et à l’égalité des citoyens devant la loi et les biens de la nation. Il s’agit de ces inégalités sociales persistantes, qui se traduisent par des privilèges et de l’impunité en faveur d’une minorité, composée d’un cartel de délinquants au col blanc, d’escrocs, de magouilleurs, etc., toujours de connivence, avec tous les pouvoirs en place.

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** Mandiaye Gaye est membre de la société civile sénégalaise

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