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« Femme, ta place est à la cuisine ; femme, ton rôle est de faire des enfants ; femme, laisse la politique et soit une bonne épouse ; femme, laisse toi faire pourquoi tu résistes ? De toute façon je peux faire de toi ce que je veux »… Des phrases comme celles-ci on en entend souvent car la femme est mère et épouse, elle est femme objet ou femme distraction. Des phrases comme celles-ci, traduisent l’infériorisation, la marginalisation de la femme et la négation de ses droits. C’est pour remédier à cette situation qu’ont pris corps plusieurs initiatives internationales (Pactes internationaux, CEDEF, Plates formes de Beijing), parmi lesquelles le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits de la Femme encore appelé Protocole de Maputo.

Le Protocole de Maputo, adopté le 11 juillet 2003, au Second Sommet de l’Union Africaine à Maputo (Mozambique), garantit la promotion, la réalisation et la protection des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des femmes en Afrique. S’il s’imposait à cause de la persistance de la discrimination et des pratiques néfastes à l’égard des femmes en Afrique, il est surtout la résultante de la forte implication des ONG de protection des droits de la femme et d’une volonté politique d’intégrer la dimension genre à tous les niveaux. Le Protocole de Maputo a suscité une forte implication, mais aussi de vives polémiques qui poussent à s’interroger sur sa portée. Au-delà de tous les espoirs placés en son adoption et au-delà des polémiques qu’il continue de susciter, quel peut bien être l’importance du Protocole de Maputo ?

Pour juger de l’importance du Protocole de Maputo, il faut considérer son influence dans le changement de la situation de marginalisation et d’infériorisation des femmes en Afrique qui se manifeste sur le plan juridique (I) et au niveau de la lutte contre les inégalités de genre (II).

LE PROTOCOLE DE MAPUTO : UNE AMELIORATION DE LA SITUATION DES FEMMES EN AFRIQUE PAR LE DROIT

Le Protocole de Maputo marque la fin du « non-droit » et avec lui, la fin des discriminations, des violences fondées sur le sexe tout comme la fin des pratiques néfastes à l’égard des femmes en Afrique qui jusque-là étaient sans possibilité de recours. Il trouve toute son importance dans la reconnaissance des droits de la Femme africaine (1) et dans la condamnation des violations de ces droits (2).

La reconnaissance des droits des Femmes

La reconnaissance des droits fondamentaux de la femme en Afrique par le Protocole de Maputo est un préalable à la lutte contre la marginalisation et les violences faites aux femmes en Afrique. C’est un premier pas appréciable, tant il est vrai que la discrimination, les pratiques néfastes et les violences faites aux femmes en Afrique ont été longtemps favorisées par les us et coutumes africains maintenus par les résistances au changement et le système patriarcal qui prévaut. Ce qui n’était pas reconnu à la femme africaine hier, lui est aujourd’hui reconnu et garanti.

Le Protocole reconnaît aux femmes le droit à l’accès à la justice et l’égale protection devant la loi (article 8) ; le droit au mariage libre et consenti. Comme on peut le lire dans le Protocole, les Etats « veillent à ce que l’homme et la femme jouissent de droits égaux et soient considérés comme des partenaires égaux dans le mariage » (article 6); donc qu’aucun mariage ne soit célébré sans le consentement libre et entier des deux parties. Ce qui remet en cause la pratique du mariage forcé. Il ne se contente pas de les reconnaître mais il les garanti et s’assure que tous les Etats signataires prennent des mesures pour la réalisation de ces droits. Ce qui était hier légitime passe donc aujourd’hui pour illégal et illégitime aux yeux de la loi.

CONDAMNATION DE LA DISCRIMINATION ET DES PRATIQUES NEFASTES A L’EGARD DES FEMMES

Le Protocole sur les droits des femmes fournit un cadre juridique exhaustif permettant de tenir les gouvernements africains pour responsables des violations des droits des femmes qu’ils commettent. Il marque ainsi la fin de l’impunité face aux pratiques néfastes et la discrimination à l’égard des femmes car ces actes deviennent des délits et donc deviennent répréhensibles. Les Etats Parties s’engagent à éliminer les discriminations à l’égard des femmes (article 2), à éliminer toutes les pratiques néfastes à l’égard des femmes (article 5), à protéger la femme en cas de conflits armés (article 11).

Ces quelques exemples montrent qu’avec le Protocole de Maputo les femmes peuvent demander et obtenir réparation d’un tort subi ou que toute violation de ces droits sera punie. Surtout que les Etats parties sont tenus, conformément aux dispositions du Protocole, de prendre toutes les mesures pour mettre sur pied un cadre juridique avec des sanctions appropriées qui protégeraient et apporteraient un soutien aux victimes de ces pratiques.

Avec le Protocole de Maputo, on reconnaît des droits aux femmes africaines. Ce qui implique qu’en cas de violation, elles peuvent intenter une action légitime en justice. Au-delà, le protocole de Maputo offre l’opportunité d’arriver à une non-discrimination envers les femmes et ainsi offrir aux deux sexes une égalité dans leur chance de développement. En cela, il participe de l’amélioration de la situation des femmes en Afrique.

LE PROTOCOLE DE MAPUTO : UNE AVANCEE DANS LA LUTTE INTERNATIONALE CONTRE LES INEGALITES DE GENRE

Le Protocole de Maputo rejoint un ensemble d’initiatives internationales en faveur de la lutte contre les inégalités de genre. En tant que tel, il participe de l’action publique internationale articulée sur la mobilisation régionale contre les discriminations et les pratiques néfastes envers la femme (1) et l’intégration de la dimension genre par le droit (2).

La mobilisation régionale contre les discriminations et les pratiques néfastes à l’égard des femmes en Afrique

Le protocole de Maputo est un instrument juridique qui permet de lutter contre les discriminations et les pratiques néfastes à l’égard des femmes au niveau de tous les Etats africains, par le mécanisme de la ratification qui implique que chaque Etat signataire incorpore dans sa constitution des dispositions en conformité avec le Protocole. En effet le Protocole exige des Etats qu’ils prennent des dispositions et des mesures législatives pour la réalisation des droits reconnus dans ce protocole.

En son article 2 alinéa 1, le Protocole dispose : « les Etats combattent la discrimination à l’égard des femmes, sous toutes ses formes, en adoptant les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel et autre ». En d’autres termes, les Etats s’engagent à intégrer une perspective de genre dans leurs décisions politiques, leurs lois, leurs plans de développement, leurs programmes et leurs activités. Le Protocole de Maputo est donc une initiative majeure qui permet l’harmonisation des lois nationales des pays africains en faveur de la lutte contre les inégalités de genre. Il permet l’intégration de l’égalité de genre non seulement par la voie juridique mais aussi au niveau international africain.

Intégration de la dimension genre par le droit

Il y plusieurs modalités de l’intégration de la dimension genre : elle peut se faire par les politiques publiques, les institutions (ONU Femmes, Ministère de la promotion de la Femme et de la famille, etc.) et par le droit (Déclaration universelle des droits de l’homme, Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples ; etc.).

L’intégration de la dimension genre consiste à évaluer l’implication des hommes et des femmes dans chaque action planifiée comportant la législation, les programmes, les procédures dans tous les domaines et à tous les niveaux. L’objectif étant la distribution équitable de ressources et des bénéfices. Car l’intégration de la dimension genre favorise le développement économique et social. Dans un contexte où la marginalisation de la femme reste une réalité prégnante, la nécessité de cette intégration devient un enjeu de taille. Ainsi, le Protocole de Maputo contribue à la promotion et à la protection effective des droits des femmes dans le système international africain. Car il permet de s’assurer que l’égalité de genre est une priorité dans tous les secteurs et dans tous les aspects surtout ceux spécifiques à la femme africaine.

Dans un contexte marqué par la marginalisation et l’infériorisation de la femme, le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des Femmes est un instrument juridique sans précédent dont il était question de montrer l’importance. L’adoption de ce Protocole est la manifestation de la prise en compte dans les hautes sphères de représentation africaine (Union africaine) des spécificités de la situation de la femme africaine.

En effet, bien que les femmes africaines partagent les mêmes problèmes qu’ailleurs dans le monde, elles ont des préoccupations qui leur sont spécifiques et qui sont peu ou pas couvertes au niveau international telles que la polygamie, le mariage coutumier, l’héritage, etc. Il marque également la prise en compte de l’aspect genre nécessaire dans la marche vers le développement.

A travers le Protocole de Maputo, les Etats font un grand pas dans la reconnaissance de droits des femmes africaines et la condamnation de toute violation de ces droits. Ce qui contribue à l’amélioration de sa situation sur le plan juridique. Les Femmes africaines sont désormais protégées par un droit qui leur donne l’occasion de réclamer justice en cas de tort. La portée du Protocole de Maputo est bien plus grande encore. Il permet de poursuivre cette lutte non seulement au niveau microsocial, mais aussi au niveau macrosocial, c’est-à-dire au niveau du continent africain. A ce titre c’est un instrument d’action publique internationale, entendue ensemble d’actions définies comme solution à un problème commun à plusieurs Etats.

S’il est admis que le Protocole de Maputo est un instrument sans précédent et qu’il est important pour nous, le combat contre la discrimination et les pratiques néfastes à l’égard des femmes en Afrique n’est pas gagné pour autant. Reste encore à vulgariser ce Protocole afin que nul n’ignore la loi, et surtout à l’appliquer pour l’efficacité de la lutte. Ne serait-ce pas là tout l’enjeu et l’importance du Protocole de Maputo, son application ?

* Nguegan Nelly Farah s’illustre par un parcours brillant et singulier. Camerounaise âgé de 21 ans, elle est titulaire d’une licence en sociologie obtenue à l’Université de Yaoundé I en 2009. Elle poursuit actuellement ses études à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun en Master Professionnel de Communication et action publique internationale. Elle est présidente du Club Union Africaine de l’IRIC. Un club de sensibilisation des jeunes élèves et étudiants sur l’impératif de l’intégration par le débat, les conférences, les voyages d’étude et d’agrément et les émissions TV.

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