Plan d’action pour un Etat fédéral africain
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, deux écoles de pensées dominaient les débats chez les militants des indépendances africaines. Il y avait, d’un côté, les «modérés», alliés des occidentaux, qui étaient partisans du maintien des frontières artificielles héritées du colonialisme, et de l’autre, les «progressistes» qui militaient pour des indépendances devant conduire à la mise sur pied d’un gouvernement continental devant présider aux destinées des Etats-Unis d’Afrique. Les premiers l’ayant remporté sur les seconds, l’Afrique s’est ipso facto dotée d’un environnement économique impropre au développement, comme cela s’est vérifié depuis les indépendances.
En effet, pris individuellement, les pays concernés, à l’exception d’une petite minorité, n’étaient pas viables économiquement, ce qui explique que l’Occident ait pu perpétuer sa mainmise exclusive sur l’Afrique sub-saharienne, en dépit des longues luttes entreprises pour mettre fin au colonialisme et à l'apartheid. Même indépendants, les pays de la région sont demeurés otages des occidentaux à travers une combinaison d’accords qui se sont révélés spécieux à l’application et des artifices de tous ordres (restrictions d’accès à leurs marchés, manipulations politiques, interventions militaires, interdiction de lever des fonds sur les marchés financiers internationaux, accoutumance à l’ « aide » d’où accumulation gigantesque de dettes relatives à des projets et programmes qui n’étaient ni économiquement viables, ni financièrement justifiés.
Parallèlement et par le bais de leurs agences d’exécution que sont les institutions de Bretton Woods (FMI & Banque mondiale), les occidentaux n’ont eu de cesse d’élaborer des stratégies de développement inadaptées en direction de l’Afrique sub-saharienne, et qui ont fait l’objet de ce qu’il est convenu d’appeler le «Consensus de Washington».
Celui-ci se définit par :
• la minimalisation du rôle des gouvernements dans l’élaboration des politiques de développement et la vente des actifs publics au secteur privé;
• la libéralisation du commerce et celle du marché des capitaux, i.e., la levée des barrières douanières et des contrôles des mouvements de capitaux ;
• la dérégulation de toutes les entraves à la conduite des affaires, i.e., réduction des dépenses publiques et augmentions des taxes et taux d’intérêts.
A cet égard et paradoxalement, il est particulièrement navrant de constater que les pays occidentaux sont ceux-là mêmes qui ont battu en brèche les principes dictés par le «Consensus de Washington», en prônant et en imposant aux autres un libéralisme économique tous azimuts. En effet :
• ils bafouent les règles du commerce mondial en subventionnant massivement leurs exportations et en recourant au protectionnisme pour barrer l’entrée sur leurs territoires des exportations en provenance des pays pauvres. Aussi, l’ouverture et la libéralisation des marchés africains sans réciprocité ont-elles conduit à la faillite les agriculteurs et les entrepreneurs africains. Les privatisations quant à elles, ont été, dans la plupart des cas, synonymes de liquidations pures et simples. Cela fut notamment le cas dans les pays de la zone franc où la dévaluation de 100 pour cent du franc CFA en janvier 1994 avait réduit à la portion congrue le prix d'achat des actifs publics des Etats concernés (1).
• Sur le plan financier, les occidentaux sont les tenants de la politique du déficit budgétaire, de la réduction des taxes et des taux d’intérêts.
L’Afrique peut, cependant, se donner les moyens de mettre fin à l’exploitation institutionnalisée à laquelle elle est ainsi soumise depuis des temps immémoriaux.
Pour cela, il lui faut :
• S’engager résolument dans un processus révolutionnaire de renouveau identitaire et idéologique ;
• adopter une conception révisée de l’exercice du pouvoir ;
• formuler une nouvelle stratégie de développement;
• impliquer la société civile et résoudre les litiges en suspens, comme ceux relatifs à la dette.
Renouveau identitaire et idéologique
Des siècles d’esclavage et de colonialisme ont fortement et durablement affecté l’identité des Noirs. A cet égard, le cas de Simón Bolívar, le libérateur et l’unificateur des pays d’Amérique latine, est assez révélateur : il est, en effet, représenté sous les traits d’un blanc, alors qu’il était, comme on le sait, notoirement métissé. Témoins également ces brésiliens qui, exilés aux Etats-Unis, subissent le traumatisme de leur vie lorsqu’ils se voient assimilés aux Noirs. Le phénomène de la décoloration de la peau pratiquée en Afrique est aussi très révélateur d’un complexe forgé par l’histoire ainsi que l’est la propension des élites à se considérer comme étant des francophones, des anglophones ou des lusophones.
De même, l’antagonisme entre les Noirs d’Afrique subsaharienne et les ressortissants d’Afrique du Nord demeure toujours une réalité. Il est la résultante d’un séparatisme voulu et d’un racisme affiché à l’égard du Sud. Les exemples foisonnent qui illustrent cette situation. En déclarant que l’Egypte était une république arabe, le président Gamal Abdel Nasser falsifiait délibérément l’histoire, en effaçant 3.000 ans d’une culture incontestablement liée à l’Afrique noire. Encore plus significatif : les Egyptiens ont refusé que les Américains produisent un film sur la vie d’Anouar el- Sadate, sous prétexte que l’acteur choisi pour interpréter le rôle du président était Noir.
C’est aussi le lieu de rappeler qu’en quittant l’OUA en 1984, le Maroc aspirait rien moins qu’à devenir membre de l’Union européenne.
La classe dirigeante soudanaise, descendante d’esclaves arabes, n’hésite pas, avec la caution de la Ligue arabe, à commettre les atrocités que l’on sait à l’encontre de millions de concitoyens noirs au Darfour.
De même, lorsque le dirigeant libyen Kadhafi, déçu par le panarabisme qu’il prônait, s’est érigé en champion du panafricanisme, ses compatriotes ne se sont pas faits faute de chasser de leur pays les immigrants noirs.
Enfin et pour clore ces tristes évocations, la Mauritanie a quitté la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest pour rallier l’Union du Maghreb Arabe (UMA).
Comme on le voit, le problème de l’identité risque de constituer l’obstacle majeur à la réalisation d’un Etat fédéral. Il faut donc, pour conjurer ce mal pernicieux, revisiter l’idéologie du panafricanisme qui devra être le vecteur de l’identification et de l’unification du continent. Cette idéologie devra notamment définir un programme d’éducation des masses devant conduire à l’émergence d’une culture d’autosuffisance, de renaissance culturelle, d’une transformation radicale des mentalités et d’un recouvrement de la dignité et du respect des Noirs. C’est à cette condition que les Noirs assumeront pleinement et fièrement leur négritude et la revendiqueront au lieu de la rejeter.
Une conception révisée de l’exercice du pouvoir
Parmi les autres maux qui gangrènent nos sociétés, une conception viciée de l’exercice du pouvoir n’est pas le moindre. Sur ce point, il semble que les seuls « termes de référence » de la grande majorité des dirigeants africains, outre l’incompétence, soient l’enrichissement personnel au détriment des intérêts de leurs administrés, le népotisme, la corruption, la gabegie et la courtisanerie pour ne citer que ces turpitudes.
Toutefois, ces temps de grande détresse et d’injustices sociales à très grande échelle devraient constituer un terreau favorable à l’émergence de grands visionnaires et meneurs d’hommes qui, à l’instar de Simon Bolivar, Martin Luther King Jr., Georges Padmore, W.E.B. Dubois, Kwame Nkrumah et Cheikh Anta Diop ont refusé l’ordre établi et l’ont combattu au nom de la justice et de l’équité. De tels hommes auraient à tache de privilégier une politique de régionalisation devant mener, par touches successives, à la constitution d’une fédération des Etats d’Afrique noire, seule garante de leur indépendance et de leur capacité à peser sur les affaires du monde.
Une nouvelle stratégie de développement
Les africains se doivent d’élaborer leurs propres stratégies de développement.
Cela nécessite :
• une volonté réelle d’intégration économique et politique. Une priorité absolue doit être donnée à la création d’une zone de libre-échange et d’un marché commun pour faire du commerce intra-régional le premier levier de croissance économique pour le développement de la région. Les pays d’une même région dont les échanges internes sont supérieurs aux échanges externes disposent d’économies plus performantes. C’est le cas des pays d’Europe, d’Asie et de plus en plus d’Amérique latine, particulièrement au sein du Mercosur (2), contrairement aux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique où les échanges externes sont disproportionnellement plus importants que leurs échanges internes (cf. graphique en Annexe);
• Une re-nationalisation des actifs publics bradés au secteur privé et une réglementation des investissements étrangers qui doivent être au service exclusif des économies et non des spéculateurs ;
• L’adoption de la même stratégie de développement à laquelle ont eu recours tous les pays avancés. Selon une étude publiée en 2003 durant toute la phase préliminaire de leur développement, les Etats-Unis, les Etats membres de l'Union Européenne et les pays d'Asie de l'Est ont tous réglementé les investissements étrangers pour garder le contrôle de leurs actifs stratégiques, et mis en place des systèmes de contrôle des mouvements des capitaux. Les partenariats avec les entreprises étrangères ont été élaborés pour favoriser les transferts de technologies et la formation afin d’ajouter de la valeur à la production locale et créer au bénéfice des producteurs locaux les conditions requises pour faire face à la concurrence. Ils ont mis en place des politiques de subventions et de soutien pour les secteurs clefs de l’éducation, de la santé, de la production vivrière, de l’industrie, de l’habitat et de la recherche scientifique (3) ;
• Un appui au commerce régional, à l’exportation et aux petites et moyennes entreprises pour créer une classe moyenne locale, vecteur essentiel de tout processus de développement;
• une allocation massive de crédits à bon marché aux opérateurs du secteur informel pour les faire passer de l’informel au formel ;
• Une politique d’industrialisation basée sur la durabilité et la justice sociale. Dans cette optique, la politique énergétique au niveau régional est d’une importance cruciale. L’Afrique noire est riche en énergie hydraulique. Ses réserves estimées à des milliers de milliards de kilowatts-heure représentent environ la moitié des réserves mondiales.
Le Congo, second fleuve du monde en terme de débit (30 000 à 60 000 mètres cubes par seconde) détient à lui seul plus de 600 milliards de kilowatts-heure de réserve annuelle.
La Sanaga au Cameroun et l’Ogooué au Gabon en possèdent la moitié. Les pertes importantes qui étaient liées au transport de l’électricité sur un réseau de courant alternatif sont désormais maîtrisées grâce aux percées technologiques réalisées en matière de courant continu à haute tension, moyennant quoi les pertes dues à l’acheminement de l’électricité sur de longues distances ne représentent plus que de 3% tous les 1000 kilomètres.
Les problèmes liés au transport de l’électricité étant techniquement résolus, l’exploitation de l’énergie hydro-électrique du seul fleuve Congo avec l’aménagement des barrages d’Inga et de Kisangani pourrait suffire à satisfaire les besoins en électricité du continent noir pour un programme d’industrialisation rationnelle devant conduire à un processus de développement respectueux de l’environnement.
Mieux encore, quelle que soit l’ampleur des ressources hydro-électriques que recèle l’Afrique, elle semble négligeable comparée à celle qu’offre l’énergie solaire. Le soleil déverse sur la terre tous les ans l’équivalent de 1,5 millions de barils d’énergie pétrolière au kilomètre-carré. Grâce à une technologie appelée «Energie solaire concentrée», deux scientifiques allemands, les docteurs Gerhard Knies et Franz Trieb, ont calculé qu’il suffirait de concentrer l’énergie solaire sur une superficie équivalente à 0,5% des déserts chauds, en l’occurrence celui du Sahara pour couvrir les besoins du monde en énergie sans compter les bénéfices additionnels que représenterait la possibilité de freiner l’avancée du désert et de fournir de l’eau dessalée à ces régions désertiques.
Mobilisation de ressources internes et externes
Comme déjà évoqué, les pays africains, empêchés de lever des fonds sur les marchés financiers internationaux n’ont eu d’autre choix que de sous-traiter leur développement auprès des pays occidentaux et des institutions de Bretton Woods, avec les résultats désastreux que l’on connaît. On en veut pour preuve le pourcentage de leurs populations qui vivent dans la pauvreté. Il s’est accru de 41,6 pour cent en 1981 à 46,9 pour cent en 2001 passant de 164 millions à 316 millions d’âmes (4).
L’on constate que ce rapport de force jusqu’ici favorable aux occidentaux est maintenant en train d’être mis à mal par l’entrée tonitruante de la Chine dans l’arène africaine. La stratégie chinoise de pénétration du marché africain s’appuie sur deux piliers : la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et une action tous azimuts dans les domaines clés : politique, diplomatie, investissements, accords commerciaux, énergie, aide, annulation de la dette, assistance militaire, santé, éducation et tourisme.
Ainsi, en l’espace d’une décennie, la Chine a modifié l'équilibre des forces en Afrique, menaçant du coup la première place détenue par la France en tant que principal partenaire économique et commercial du continent, et reléguant les USA et le Royaume-Uni respectivement à la troisième et quatrième place.
Il faut dire qu’une histoire commune de résistance à l’occupation étrangère et une complicité historique durant les périodes de lutte de libération ont donné un contour différent à la coopération entre les pays d’Afrique subsaharienne et la Chine. Celle-ci est basée, non sur une exploitation institutionnalisée comme c’est le cas avec les pays occidentaux, mais sur un respect mutuel. Dans ses rapports avec l’Afrique, la Chine poursuit trois objectifs: sécuriser son approvisionnement en pétrole et en ressources minières, amoindrir l'influence de Taiwan (six des 26 pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec Taiwan sont africains) et accroître son influence sur la scène internationale.
Pour ce faire, elle a investi des milliards de dollars en Afrique dans les secteurs du pétrole, des mines, des transports, de l'électricité et des télécommunications, ainsi que dans différentes infrastructures.
Les données concernant les échanges commerciaux traduisent également l’influence croissante de la Chine en Afrique. Les échanges sino-africains ont approché les 40 milliards de dollars en 2005 et ont été de l’ordre de 60 milliards de dollars en 2006. Les échanges commerciaux et les investissements chinois ont favorisé la croissance économique du continent qui a atteint le taux record de 5,2% en 2005.
A ce sujet, si les dirigeants Chinois ont bien défini les termes de leur coopération avec l’Afrique, il n’en est pas de même des Africains. En effet, quelque 46 chefs d'Etat africains se sont réunis avec les dirigeants chinois à Pékin en Novembre 2006 lors du Forum de coopération Chine-Afrique. On peut regretter que pour discuter d’échanges commerciaux et d’investissements, les responsables africains ne se soient pas présentés sous le front uni de l’Union africaine, mais en ordre dispersé comme ce fut le cas, chacun ne se préoccupant que de ses propres intérêts. Une stratégie d’union aurait permis aux africains d’exiger de la Chine, en contrepartie des innombrables bénéfices qu’elle tire de sa coopération avec l’Afrique, un appui politique, diplomatique et économique pour une intégration devant mener, à terme, à une fédération des pays de la région.
Cependant, les investissements conséquents de la Chine en Afrique ne doivent pas être considérés autrement que comme un appoint qui ne doit pas empêcher les pays africains de mobiliser leurs ressources internes pour financer leur unité. Pour ce faire, ils doivent impérativement s’approprier leurs ressources. Selon le département américain de l'Energie, au cours de cette décennie, les importations américaines de pétrole d'Afrique atteindront 770 millions de barils/an pour des revenus estimés à plus de 600 milliards de dollars.
A cette manne, il faut ajouter les recettes d’exportation provenant des autres acheteurs du pétrole africain et celles engrangées à partir des autres transactions relatives à d’autres matières premières telles que le cobalt, le nickel et le cuivre dont les cours ne cessent de grimper. Il est probable que cette embellie ait un caractère durable en raison de la forte demande provenant du Japon, de la Chine et de l’Inde, mais aussi des incertitudes qui pèsent sur le Moyen Orient.
D’où l’intérêt de la mise sur pied d’une confédération panafricaine pour la gestion des matières premières, un cartel dont le pétrole constituerait la principale composante. La Chine, sous réserve d’un contrat d’approvisionnement sans limite pour toutes les ressources du continent africain dont elle aura besoin et à des prix garantis d’avance sur une longue période, aurait tout intérêt à être partie prenante d’un tel projet.
Rôle de la société civile
Le désir d'une union politique, économique et monétaire des peuples d'Afrique est né au 19ème siècle aux Etats-Unis, au sein des membres de la diaspora noire. Il est à l’origine du mouvement panafricain. Il s'est à ce point ancré dans la conscience collective que tous les dirigeants du continent l'ont placé, par conviction ou par opportunisme, en tête de leur agenda politique. Il est, de fait, la parade appropriée aux humiliations subies depuis des lustres. Malheureusement, les résultats enregistrés jusqu'ici dans la voie de l'unité ne sont pas encore à la hauteur des espoirs suscités par le projet.
La cause en est qu’une réelle union africaine n’est pas dans l’intérêt des dirigeants africains. Leurs pouvoirs sont issus de la fragmentation du continent et l’on ne peut attendre qu’ils renoncent à leurs positions au profit des masses. Le processus devra être initié conjointement par les peuples, la diaspora, et les institutions idoines de la société civile.
L’on se souvient en effet, que l’union d’États la plus pérenne de l’histoire, celle des Etats-Unis, a été mise sur pied par les militants politiques, et non par les chefs des États de l’union. Le rôle mobilisateur des différents mouvements qui composent la société civile (associations professionnelles, syndicats, ONG, intellectuels, étudiants, mouvements de jeunesse, etc.) et leur implication dans la formulation des politiques et des stratégies est indispensable au processus devant conduire à la création d’une fédération des états d’Afrique noire.
Il serait indiqué, à cet égard, de mettre sur pied des «Clubs d'Union Panafricaine» tant au niveau du continent que dans les diasporas africaines. Ils seraient reliés, non seulement entre eux, mais aussi avec les organisations sous-régionales et le siège de l'Union Africaine grâce à un usage intensif de l’Internet et ils favoriseraient ainsi la naissance d’un esprit et d’une identité communautaires.
Résolution des litiges en suspens
C’est Alexander Nahum Sack, ancien ministre de Nicolas II et professeur de droit à Paris, qui en 1927 a formulé la doctrine de la dette odieuse, qui postule ce qui suit : «si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée. Par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir».
Partant de ce principe et s’agissant de la dette africaine, un audit et un avis juridique doivent être réclamés auprès de cabinets internationaux sur les montants réels et le bien-fondé des dettes contractées auprès du FMI et de la Banque mondiale. La question serait inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée générale des Nations Unies pour obtenir, dans un premier temps, le gel des remboursements pendant le déroulement des procédures d'arbitrage.
L’octroi de crédits obéit à des règles internationales. Les institutions financières qui les outrepassent doivent assumer leurs responsabilités. Ainsi, le refus d’honorer des dettes qui n’étaient ni économiquement justifiées ni financièrement viables serait conforme à la logique économique et à la loi internationale.
Il faut rappeler à ce propos deux précédents historiques et jurisprudentiels:
1. en 2001, l’Argentine s’est déclarée en état d’incapacité de payer le service et l’amortissement de 100 milliards de dollars de dettes et a refusé de mettre en place les recettes de sortie de crise imposées par le FMI (augmentation des taux d’intérêt et des prix des services publics, austérité budgétaire et maintien destructeur de l’ancrage du peso argentin au dollar). Mieux, en 2003, l’Argentine a bravé tous les interdits en refusant tout bonnement d’honorer ses dettes vis-à-vis du FMI. Une sortie massive de capitaux en guise de représailles par les bailleurs de fonds aggrava la crise que connaissait déjà le pays. Mais, le président argentin, Nestor Kirchner, pur produit de l’aile gauche du parti péroniste, tint bon. Le FMI finit par céder. L’argentine n’eut à payer que vingt cinq cents pour chaque dollar dû.
Elle parvint ainsi, non seulement à redresser rapidement son économie mais à lui imprimer une vigueur nouvelle.
2. à la fin du 19ème siècle, suite à la guerre hispano-américaine qui a débouché sur la saisie de l’île de Cuba par les Etats-Unis, ces derniers ont cru devoir s’affranchir des dettes alors dues par Cuba à l’Espagne, au motif que celles-ci, loin d’avoir été contractées dans l’intérêt du peuple cubain, n’ont, en réalité, servi qu’à financer son oppression par le gouvernement colonial espagnol.
Conclusion
L’Afrique ne peut continuer à laisser l’Occident piller de façon éhontée et quasi gratuitement ses ressources, fomenter chez elle des troubles et s’en prévaloir pour justifier le déploiement de forces militaires propres à perpétuer, en toute impunité, une politique d’occupation pratiquée depuis des siècles.
Les pays du continent doivent donc s’affranchir du diktat des marchés pour rejoindre le camp de la résistance aux tenants du capitalisme sauvage qu’est la mondialisation, au nombre desquels figurent au premier rang les Etats-Unis.
C’est seulement au sein de l’Union Africaine, que les pays d’Afrique, groupés et solidaires au sein de leurs propres groupements sous-régionaux, peuvent relever le défi en privilégiant, cela a été dit, une politique de régionalisation devant mener à l’unification du continent et à la naissance d’une fédération des Etats subsahariens.