Dire que la Feuille de route tracée pour Madagascar va échouer serait faire figure d’oiseau de mauvais augure au moment où l’enthousiasme gagne les hommes politiques et la communauté internationale, mais l’accepter c’est prendre un risque d’apprendre aux Malgaches de prendre le pouvoir par la force
Une bonne partie de la classe politique et la communauté internationale se félicite de la signature de la feuille de route du 19 septembre 2011. Elle est censée permettre une sortie de crise et débuter une Transition enfin reconnue. Elle comporte pourtant des entorses graves aux principes des Droits de l’homme et aux principes démocratiques.
La procédure de nomination du président de la Transition semble provenir d’aucun raisonnement ni d’aucun processus connu. Il semble qu’il est juste maintenu à son poste parce qu’il est déjà au pouvoir. D’où la formule « président de fait ». Dans une situation de crise où aucune élection ne peut se tenir pour identifier un chef, « le partage de pouvoir » ou « power sharing » est prescrit par le droit constitutionnel et la science politique. Le but est de ne pas laisser le pouvoir à une et une seule personne. Ce partage de pouvoir est censé aboutir à des élections libres et acceptées par tous car co-organisées.
C’était le cas à Maputo, où le président de la Transition était nommé par les quatre numéro Un malgaches à savoir Zafy Albert (élu en 1993), Didier Ratsiraka (élu en 1975- 1993 et 1997-), Marc Ravalomanana (au pouvoir de 2002 à 2009) et Andry Rajoelina (qui a succédé à Marc Ravalomanana). La démarche de nomination était claire.
Deuxième grande entorse par rapport aux Droits de l’homme est le fait d’avoir mentionné noir sur blanc que le Premier ministre ne doit être « originaire » de la même province que le président. La notion d’origine est discriminatoire. Force est de constater que l’exégèse de cet article a des relents tout simplement ethniques. Il faut donc remonter aux origines (aux parents !) d’un homme/femme avant de le nommer.
Certes les critères ethniques ont toujours été considérés en politique pour un développement harmonieux et une représentation fidèle de toutes les composantes de la nation mais cela n’a jamais été aussi explicite ni mentionné dans les textes de lois.
Voilà pour les grands principes. S’il fallait entrer dans les détails, la feuille de route donne au président de la Transition plus de pouvoir qu’a un président élu.
Il nomme :
- le Premier ministre (art.5)
- les membres du Congrès de la Transition (art.7)
- le Conseil supérieur de la Transition (art.7)
- la Commission électorale nationale indépendante (art.7)
Concept très éloigné du principe de séparation des pouvoirs. A cela s’ajoute l’interdiction faite aux organes tenant lieu de parlement de porter des motions de censure contre le gouvernement et d’empêchement du président de la Transition. Ces deux interdictions auraient pu avoir un sens s’il y avait un véritable équilibre au sein du pouvoir.
Il est vrai que les Accords de Maputo conféraient des pouvoirs semblables, à ceci près qu’au moment de la conclusion de ces accords le nom du président de la Transition n’était pas connu ; que le partage de pouvoir était clair : quatre parts égales donc un équilibre parfait. Présentement, le mode de partage de pouvoir est inconnu. Le risque est toujours d’aboutir à un pouvoir qui ne trouve pas en face de lui un contrepoids (suffisant) ; à aboutir à des élections où les moyens des candidats sont inégaux car les tenants du pouvoir ont le loisir d’utiliser la puissance publique. Un autre grand danger est celui de la détermination de celui qui peut être candidat et de celui qui ne peut l’être. Car la démocratie, en amont c’est d’abord la faculté de tout citoyen libre de se porter candidat. Sans passer par la case Vérité, avec un organe de justice crédible car équilibré, il est difficile avec les procès politiques de 2009 mais aussi de 2002, de déterminer qui est ou non au-dessus de tout soupçon.
Ensuite la feuille de route ne mentionne pas la durée autorisée pour cette Transition. Or le mandat est un des éléments fondamental de la circonscription d’un pouvoir.
Dire que la Feuille de route va échouer serait faire figure d’oiseau de mauvaise augure au moment où l’enthousiasme gagne les hommes politiques et la communauté internationale, mais l’accepter c’est prendre un risque d’apprendre aux Malgaches de prendre le pouvoir « per fas » et « nefas » et de négocier tout en se maintenant au pouvoir ensuite. Une fois encore, la realpolitik est préférée à la démocratie.
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** Toavina Ralambomahay est auteur de l’ouvrage « Madagascar dans une crise interminable » - Ed l’Harmattan.
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