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A l’heure où l’Afrique occupe une place peu dynamique dans l’espace économique mondial, la taille modeste des Etats apparaît comme un obstacle au développement des activités d’échanges. L’importance de l’intégration régionale tient essentiellement aux possibilités qu’elle offre pour le développement. Elle permet d‘élargir les marchés locaux en tirant profit de l‘échelle de production rendue possible par l’élargissement des débouchés. C’est d’autant plus vrai que la plupart des marchés nationaux sont trop étroits ou incapables de supporter des activités économiques de grande envergure. Cas du Niger.

Conscient de l’exiguïté de son marché extérieur, de la faiblesse de ses ressources et de son niveau de développement, le Niger a, depuis les premières heures de l’indépendance, affirmé, avec constance, la nécessité de s’engager dans la voie de l’intégration régionale. L’objectif visé est de permettre le renforcement et l’accélération de son développement économique et social.

Cette attention portée par le Niger à la question régionale est encore rendue plus nécessaire par sa position géographique au carrefour entre, d’une part, l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud du Sahara et, d’autre part, l’Afrique de l’Ouest et celle du Centre.

Le Niger dispose de beaucoup de potentialités, notamment agro-pastorales et minières, dont l’exploitation dans un cadre sous-régional représente un véritable atout. Les secteurs les plus importants de l’économie restent l’agriculture et l’élevage. Ils représentent 44 % du total des exportations du pays en 2004 et participent au Pib respectivement à 27 % et 10 %, selon les statistiques officielles. Mais il faudrait prendre en compte d’autres secteurs telles les mines, l’artisanat et le tourisme. L’intégration économique peut être ainsi un axe de développement du Niger pour peu que les secteurs intégrateurs constituant les piliers de l’économie soient identifiés et exploités en conséquence.

Ce livre sur le Niger est édité par Waziri Mato Maman, maître-assistant de Géographie à l’université Abdou Moumouni de Niamey (1). Il est organisé en 10 chapitres qui cherchent à faire ressortir les particularités du Niger par rapport à son intégration en Afrique de l’Ouest.

Le premier chapitre, intitulé « Position géographique du Niger et intégration régionale en Afrique de l’Ouest », montre que le Niger est occupé dans sa grande majorité par le Sahara, qui constitue une contrainte physique évidente. Les auteurs montrent que la position géographique du Niger, pays continental sahélien et désertique aux deux tiers, joue ou peut jouer un rôle, d’une part dans le processus d’intégration en Afrique de l’Ouest, d’autre part dans l’intégration de deux parties du continent et dans l’ouverture au reste du monde (Cf. Waziri Mato Maman, géographe)

Le deuxième chapitre, « L’intégration régionale : un processus millénaire au Sahel dans le cadre de l’espace de circulation », montre que le concept d’«intégration régionale» n’est pas une nouveauté en Afrique de l’Ouest. La période coloniale opère une sorte de rupture dans ce processus en cassant le schéma de l’espace de circulation (notamment au Niger par la fermeture de l’espace au Nord et à l’Est) et en opérant une fixation de l’espace de production. Au Niger, les deux conceptions de l’espace semblent portées par les deux figures emblématiques de la société : les fonctionnaires et les commerçants. (Malam Moussa Ahmad Tijani, géographe)

Le troisième chapitre, « La problématique des compétences de l’Etat entre intégration régionale et décentralisation territorial : le cas du Niger », présente les fondements théoriques de la remise en cause des compétences de l’Etat moderne. (Cf. Malam Kandine Adam, juriste)

Le quatrième chapitre, intitulé « Diversité culturelle comme fondement de paix et d’intégration régionale en Afrique », plaide en faveur de la diversité culturelle qui assure la valorisation de la différence. Ainsi, parce que chaque peuple accepte et assimile les valeurs exogènes, l’Afrique vivait en réalité dans une diversité culturelle qui favorise aujourd’hui le processus d’intégration dans lequel sa partie occidentale s’est engagée depuis plus de trente ans. (Cf. Daouda Diallo Boubacar, littéraire maître-assistant à l’université de Niamey).

Le cinquième chapitre, « Le secteur privé nigérien face au défi de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest », présente les différentes contraintes auxquelles est confronté le secteur industriel au Niger, avant de s’arrêter au schéma et aux caractéristiques de l’Uemoa, de la Cedeao et des Ape en dégageant leur impact sur ce secteur. (Cf. Chaîbou Laouati, juriste).

Le sixième chapitre, « Insécurité alimentaire au Niger : rôle des politiques sous-régionales et régionales », dresse un état des lieux des opportunités, des forces, des faiblesses et des insuffisances existant depuis la dernière crise alimentaire de 2004-2005 prouve, si besoin est, que l’insécurité alimentaire est devenue, en dépit des interventions publiques, un phénomène structurel caractérisant les systèmes de production contemporaine en Afrique sahélienne. (Cf. Motcho Kokou Henri, géographe).

Le septième chapitre, « Migrations internationales et intégration en Afrique de l’Ouest », a d’abord signalé l‘intensification, ces dernières décennies, des migrations internationales dans les pays d’Afrique de l’Ouest soumis à d’importantes transformations démographiques, socio-économiques, politiques et culturelles. Il présente ensuite les relations entre les migrations internationales et l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Les migrations internationales en Afrique de l’Ouest, qui sont essentiellement intra-régionales, jouent un rôle intégrateur en ce sens qu’avec elles s’opère une dynamique d’intégration par le bas, qui se construit indépendamment des Etats et des politiques inter-étatiques d’intégration régionale (Cf Alpha Gado Boureima, historien et socio-économiste, Mounkaila Harouna, géographe).

Le huitième chapitre, « Dynamisme urbaine et intégration régionale en Afrique de l’Ouest », montre que l’urbanisation est l’un des phénomènes démographiques majeurs actuels en Afrique occidentale. Cette concentration démographique stimule l’agriculture et les échanges. L’analyse montre qu’au cours des années à venir, l’importance des villes ouest-africaines va s’accentuer et se traduire par une augmentation de la demande urbaine qui va, à son tour, exacerber les échanges intra-régionaux et donner naissance à un marché régional. Le Niger, de par sa position géographique et sa forte croissance urbaine, jouera un grand rôle dans le marché. (Cf. Moukoula Harouna, géographe)

Le neuvième chapitre, « Une institution particulière d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest : le cas de la commission mixte nigéro-nigériane de coopération, se présente comme un exemple d’intégration bilatérale. La commission mixte a contribué à faire de la frontière nigéro-nigériane la plus paisible de toutes les frontières des deux pays. Pour cela, la commission mixte peut constituer un cadre de consultation et de concertation entre les deux pays pour faire avancer la politique d’intégration sous régionale au niveau de la Cedeao. L’intégration africaine en général et sous-régional en particulier est fondamentalement politique. Par conséquent dans le contexte démocratique actuel, tous les auteurs doivent être impliqués à tous les stades du processus. (Cf. Sandi Yacoubo, économiste et diplomate)

Dixième chapitre, « Standardization of regional African language and its importance on regional intégration in West Africa : the case of Hausa in Niger and Nigeria », examine deux tentatives d’harmonisation de la langue hausa qui, depuis les années 30 au moins, à une variété standard basée sur le dialecte de Kano au Nigeria. La première tentative est le décret de 1981 fixant l’orthographe du hausa au Niger. Le document bien qu’étant un bon exemple de coopération internationale n’a cependant pas abordé d’autres problèmes fondamentaux de l’orthographe du hausa.

La deuxième tentative est présentée dans le livre d’Ahmed et Daura, de 1970, qui essaie de caractériser ce qui est le hausa standard. L’analyse montre que le livre n’a pas les bases empiriques nécessaires pour atteindre les objectifs. Elle procède à un réexamen de ces questions et indique des voies nouvelles pour aborder les problèmes de l’orthographe du hausa et la relation entre la variété standard et les autres dialectes (cf Abdou Myinguini Mahamane, linguiste, L. Abdoulaye, linguiste).

Les débats ont fait l’objet d’une synthèse. Pour le professeur Boubacar Barry, la continentalité du Niger n’est pas un handicap. Le problème posé, c’est celui de savoir si le Niger doit être considéré comme une centralité ou une marginalité. Qu’elle frontière faut-il privilégier ? Du côté de la mer, du Maghreb ? Nassare Issaka s’est demandé s’il fallait parler de continentalité ou d’isolement. L’isolement est évoqué généralement par rapport à l’Europe. Mais pour lui, la position du pays doit être perçue par rapport à l’Afrique.

Pour le professeur John Igue, la problématique doit être perçue en termes de discontinuité de l’espace et non pas portée sur la continentalité. Une étude a déjà montré que le Niger risque à long terme de s’éclater en quatre pôles (pôle Niger pôle Tchad, celui du Maghreb et celui du Burkina Faso). Ce risque est fondé sur les aléas climatiques. Niamey, la capitale du pays, est excentré par rapport au reste du pays. De ce fait, le Niger a tout à gagner à créer les conditions d’une intégration avec le Nigeria. Il est temps, aussi, d’aborder le problème du déplacement des capitales en Afrique de l’Ouest.
Ce livre contient des réflexions fort intéressantes. Mais beaucoup d’études ont été menées par des géographes qui ne sont pas ouverts aux autres disciplines.

Notes
1) Les Etats nations face à l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest : ke cas du Niger

* Amady Aly Dieng, docteur ès sciences économiques et ancien fonctionnaire international à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, est actuellement enseignant à l'Université Cheikh Anta Diop. Il a été parmi les dirigeants de l'Association des étudiants de Dakar (AGSD) créée en 1950 et devenue en 1956 l'Union générale des étudiants d'Afrique occidentale (UGEAO). Il a été aussi président de la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France pendant deux ans en 1961 et 1962.

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