Les Britanniques sont sortis des élections législatives du 6 mai sans majorité. Un consensus est devenu obligatoire pour dégager une équipe à même de gouverner. Ce qui a donné lieu, ce week-end, des tractations entre deux des trois formations politiques en courses. Les conservateurs de David Cameron, sortis vainqueurs des urnes, essayent ainsi de s’accorder avec les libéraux-démocrates, troisième parti politique en Grande Bretagne. En attendant le nouveau gouvernement qui doit être mis en place le 25 mais, Alex Free rappelle combien l’Afrique et les questions relatives au Sud ont été absentes de cette campagne et préfigure ce que pourraient être les relations futures avec Londres.
Le 6 mai 2010, le Royaume Uni a vécu le summum d’une fièvre électorale, avec des millions de personnes partis voter dans le cadre des élections locales et générales. Ces élections vont aboutir à une redistribution significative des cartes dans les sphères politiques locale, régionale et nationale. Que ce soit lors de débats télévisés entre les chefs de parti ou la couverture par la presse dominante, il y a eu peu de discussions sur la façon dont le résultat des élections affecteront l’Afrique et le Sud en général.
La Grande Bretagne, c’est bien connu, a historiquement joué un immense rôle en Afrique étant une puissance coloniale dominante, une puissance dont la présence sur le continent a reposé sur la construction d’une infrastructure économique à ses fins propres et pour l’exploitation et la soumission des peuples et des ressources. Alors que la Grande Bretagne doit faire face à un déficit budgétaire de plus de 160 milliards de livres et à une énorme dette nationale, les chefs de partis qui se sont engagés dans la campagne pour les élections du 6 mai se sont concentrés sur les moyens de rendre au pays sa grandeur. Ce qui signifie que le gouvernement du Royaume Uni travaille d’abord pour ses propres intérêts.
Bien que depuis la période de la décolonisation, le Royaume Uni a vu son rôle s’amenuiser, de force impériale globale à celui moindre de pays riche, sa position géopolitique dans le monde économique, ses intérêts commerciaux et ses relations actuelles avec l’Afrique continuent d’avoir des implications significatives pour le continent et sa population. Malgré son rôle amoindri, le Royaume Uni joue sur la scène internationale un rôle important en tant que membre de l’Union européenne (UE), de l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) et du G8. Ses interactions avec des institutions comme les Nations Unies, la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International (FMI), et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont d’importantes conséquences pour beaucoup de monde, tout comme ses politiques dans le domaine du commerce, de l’aide, du changement climatique, des conflits et du terrorisme.
En fait, à une époque où le Royaume Uni est toujours aux prises avec une sévère récession, le développement international - qui est le chapitre dans lequel les questions relatives à l’Afrique sont souvent discutées - n’a pas vraiment figuré dans la couverture médiatique électorale du pays (même si chacun des partis s’est engagé à ne pas couper dans l’aide internationale). La discussion sur les affaires internationales s’est limitée à l’implication de la Grande Bretagne en Afghanistan et le rôle du pays dans la guerre en Irak. Et ce, dans le cadre du discours sur la sécurité et la défense contre le terrorisme.
Lorsqu’il a été question de question nationale à caractère international, l’immigration a été un sujet chaud. Toutefois, et curieusement, ceci a été fait en évitant de discuter ouvertement la question de façon approfondie avec les électeurs britanniques et sans saisir l’occasion de reconnaître la contribution sociale, économique et culturelle des immigrants qualifiés ou non qualifiés. L’accent mis actuellement par les Travaillistes sur un système à points qui sert à n’accepter que les immigrants qualifiés, est un exemple éhonté d’encouragement de la fuite des cerveaux encouragée par l’Etat qui pille les ressources humaines des pays les plus pauvres, une démarche qui n’est reconnue ni par le Royaume Uni ni par l’Occident comme servant à perpétuer les conditions économiques qui encouragent les gens à émigrer en quête d’opportunité.
Bien que la Grande Bretagne ne soit plus la puissance qu’elle a été, et en dépit du fait que l’Afrique n’est plus ‘’ son préau’’, le Commonwealth représente la mémoire institutionnelle de son ancienne influence coloniale. Bien que le Commonwealth ne cherche pas ouvertement à exercer une influence postcoloniale à l’instar de l’autre ancienne puissance coloniale, la France, par le canal de Françafrique, une bonne part de l’interaction de la Grande Bretagne avec l’Afrique a été, au mieux paternaliste (au travers d’interventions charitables malencontreuses et de projets de développement douteux), au pire ( par des compagnies pétrolières dévastatrices de l’environnement, de dettes odieuses et de fuites des capitaux) un soutien à des structures qu’il n’est pas déraisonnable de qualifier de ‘’néocoloniales’’. Quelque 50 ans après l’indépendance de nombreux pays africains anglophones, il semble judicieux d’examiner comment les forces politiques du Royaume Uni contemporain affectent les relations qu’il continue d’entretenir avec le continent africain.
Les manifestes des partis politiques
Les Travaillistes
Les Travaillistes sont au pouvoir depuis 1997 au Royaume Uni, depuis qu’ils ont gagné les élections sous Tony Blair. Ils sont actuellement dirigés par le Premier ministre Gordon Brown. Malgré leur rôle historique de parti des ouvriers et son enracinement dans ce que beaucoup associeraient avec des changements socioéconomiques progressistes, les ‘’Nouveaux Travaillistes’ (New labour) sont communément perçus comme ayant amorcé un virage à droite significatif depuis qu’ils sont au pouvoir. Malgré la récession globale, qui a largement discrédité le libre échange déréglementé de l’hyper capitalisme, plutôt que de rendre à la gauche sa légitimité, les Travaillistes en ont surpris plus d’un en allant docilement à la rescousse des banques du Royaume Uni et en soutenant un système qui va à l’encontre des intérêts des gens ordinaires. Par rapport à l’Afrique, les travaillistes ont été à l’avant des efforts concentrés sur ‘’ le développement international’’ et la pauvreté, sur la scène globale, bien que souvent dépourvu de réflexions, dans une approche paternaliste ‘’d’aider l’Afrique’’ avec peu d’implication des gouvernements africains et des dirigeants de la société civile.
Bien que les détails soient minces, le manifeste des travaillistes de 2010 commente un certain nombre de domaines en relation avec l’Afrique. Il souligne la nécessité de réformer le budget de l’UE, en particulier concernant des ’’changements de la politique agricole commune en passe de mettre un terme aux subsides à l’exportation’’. Ils soulignent aussi la nécessité de réformer les organisations humanitaires des Nations Unies et de soutenir le Tribunal Pénal International (TPI) en déferrant devant la justice les dirigeants impliqués dans des violations de Droits de l’Homme (y compris probablement Omar Al Bashir du Soudan, mais en excluant Tony Blair et l’ancien président américain Georges W. Bush).
Le manifeste souligne aussi l’aspect central des Droits de l’Homme et de la démocratie dans sa politique étrangère. Il met l’accent sur la responsabilité des démocraties ‘’mûres’’ dans le soutien au développement de sociétés libres de par le monde, sans toutefois expliciter les implications pratiques de ce soutien, offert afin que les gens soient libres de s’organiser, de défendre et de se représenter eux-mêmes sans crainte de représailles. De même, il reste à voir, si les Travaillistes vont continuer à soutenir les Etats Unis de manière aussi inconditionnelle dans la ‘’guerre global contre la terreur’’, comme ils l’ont fait dans le cas de l’Irak, une guerre qui en Afrique risque de voir une escalade de l’AFRICOM, initiative méricaine de militarisation et de soutien aux Etats qui répriment les éléments ‘’dissidents’’.
En matière de commerce, les Travaillistes annoncent grandement qu’ils favorisent le commerce équitable (‘’pas de libéralisation forcée pour les pays pauvres’’) et privilégient l’accès au marché du Royaume Uni, sans quota et sans taxe d’importation, pour les produits provenant de ces pays. Ce sont là des idées positives, mais il est peu vraisemblable que l’opposition à la libéralisation des pays pauvres soit autre chose que des doutes émis dans le cadre des institutions financières internationales. Sur le plan de l’aide, les engagements financiers des Travaillistes se montent à 8,5 milliards de livres sur 8 ans et doit contribuer à améliorer l’accès des enfants à l’école, 6 milliards pour la santé entre 2008 et 2015, 1 milliard par le biais du Global Fund afin de soutenir la lutte contre le Vih/sida, la tuberculose et la malaria, 1 milliard pour l’eau et l’assainissement jusqu’en 2013 et 1 milliard pour la sécurité alimentaire et l’agriculture.
Reconnaissant un monde changeant, les Travaillistes veulent assurer un changement global en étendant le G8, même s’il est peu clair de savoir si cela signifie introduire davantage de pays ou s’il s’agit de donner plus de pouvoir aux membres existants du club. Ils souhaitent aussi un mandat plus clair pour la Banque Mondiale qui devrait se concentrer sur les pays les plus pauvres, aux plus faibles émissions de carbone et pour que le FMI se concentre sur la stabilité financière. On penserait toutefois que la plupart des forces progressistes en Afrique préfèreraient tenir ces institutions à l’écart, lorsqu’il s’agit de faire face à ces défis.
Les Travaillistes proposent aussi une réforme radicale des Nations Unies et l’accession de nouveaux membres permanents au Conseil de Sécurité, sans toutefois suggérer qui pourrait être invité encore moins remettre en cause la légitimité de ce groupe élitaire en premier lieu. Ils soulignent aussi la nécessité de réformer l’OTAN en sa qualité de force de sécurité et font mention de l’importance qu’il y a à renforcer la capacité des organisations de sécurité régionales y compris l’Union africaine - bien qu’ils ne précisent pas si c’est dans une position subordonnée ou dans un rôle autonome - en même temps qu’ils soulignent le rôle que le Commonwealth continue de jouer comme élément de compréhension et de confiance pour environs un quart de la population mondiale.
Les Conservateurs
Le Parti Conservateur, l’autre grande force politique traditionnelle de la politique britannique, est un parti de droite en faveur de faible taux d’imposition, du peu d’Etat et de solutions provenant du secteur privé. Actuellement dirigé par David Cameron, le parti des Conservateurs est déterminé à rendre à la Grande Bretagne sa grandeur d’antan, le manifeste des Conservateurs est construit autour des affaires internationales avec une section intitulée ‘’promotion de nos intérêts nationaux’’ et décrit le siège permanent du Royaume Uni au Conseil de Sécurité des Nations Unies comme un ’’atout’’.
Le manifeste reconnaît l’émergence de la Chine et de l’Inde avec qui des alliances doivent être contractées et se propose de se faire le champion du Japon, de l’Inde, de l’Allemagne, du Brésil et de représentations africaines comme membres permanents au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ils concourent avec les Travaillistes pour identifier le Commonwealth comme le centre de la promotion des valeurs démocratiques, néanmoins avec une pointe d’impérialisme revivifié lorsqu’ils soulignent son rôle dans le ‘’développement’’.
Chose intéressante, le manifeste des Conservateurs fait mention d’une ’’zone de libre échange panafricaine’’ laquelle – quels que soient vos sentiments en ce qui concerne la validité de l’orthodoxie du libre échange- a une résonance progressiste en ce qui concerne les pays africains qui pourraient faire du commerce entre eux plus facilement. Pour ce qui est des sommes allouées à l’aide internationale, le manifeste des Conservateurs est plutôt discret et fait seulement mention d’‘’au moins £500 millions par an pour lutter contre la malaria’’
Mais c’est dans les généralités concernant l’aide que le manifeste des Conservateurs donne les meilleures indications quant à leur attitude à l’égard des pays pauvres. Tout en promettant l’indépendance du Département pour le Développement international (DfID) et une aide non liée à des considérations commerciales, le manifeste révèle des nuances de paternalisme et de néocolonialisme dans sa vision des relations de la Grande Bretagne avec le monde en développement.
Faisant la part du besoin de rendre des comptes et dans un souci de transparence dans le domaine de l’aide, le parti promet de créer un nouveau fond ‘’My Aid Fund’’ qui permettrait aux contribuables britanniques de déterminer comment l’argent de l’aide sera dépensé. La raison pour laquelle les Britanniques devraient avoir davantage de contrôle sur la façon dont l’argent est dépensé dans d’autres pays n’est pas claire, à moins que ce ne soit le souci de voir certains bénéficiaires de l’aide complètement exclus.
Les Conservateurs ont promis que les pays en voie de développement auront davantage voix au chapitre. De même, ils soulignent : ’’ Notre marché avec les contribuables est le suivant : en échange de l’argent gagné à la sueur de votre front et avec lequel vous contribuez à l’aide aux pays les plus pauvres du monde, il est de notre devoir de dépenser chaque sou effectivement’’. Est-il besoin de souligner que ceci est une représentation de l’aide provenant des riches qui donnent généreusement, avec la responsabilité de la gestion qui incombe exclusivement au donateur plutôt qu’aux pays bénéficiaires où l’aide peut entraîné un tel dysfonctionnement ?
Ces politiques forment la base du plan du ‘’One World Conservatism’’, l’idéal harmonieux globalement unifié, d’un bénéfice mutuel qui est quelque peu dévalorisé par des affirmations comme’’ nous ferons ainsi parce que c’est notre intérêt national’’. Les Conservateurs identifient le commerce, la croissance économique comme étant les seuls moyens durables qui permettent aux pays de sortir de la pauvreté et promettent de faire tous les efforts en faveur d’un commerce global propice au développement. Les détails de ce programme ne sont pas connus, mais il semble peu vraisemblable qu’un pays qui opère dans’’ l’intérêt national’’ donnerait la priorité à ce que les pays africains estimeraient être le mieux pour eux en ce qui concerne le commerce global. Lorsqu’on aborde le changement climatique dans le monde, les Conservateurs promettent seulement ‘’d’explorer les moyens d’aider les pays en voie de développement les plus pauvres à participer aux négociations sur le changement climatique’’. Ce qui, en réalité, semble un engagement à simplement perpétuer la marginalisation de ceux qui sont le plus affectés et qui portent le moins de responsabilité dans la crise globale.
Les Libéraux Démocrates
Les Libéraux Démocrates (LibDems) représentent la troisième force politique britannique et sont un parti aux nombreux adhérents répartis dans tout le pays. Ils n’ont encore jamais réussi à arracher les rênes du pouvoir, que ce soit aux Travaillistes ou aux Conservateurs. N’exerçant aucun pouvoir au plan national, les LibDems ont toujours échappé aux turpitudes qui accompagnent l’exercice du pouvoir. Ce qui les laisse purs et sans taches, mais laisse aussi l’électeur dans le doute quant à leurs capacités de gouverner. L’avènement du débat télévisé durant la campagne électorale a permis au chef du parti, Nick Clegg, de profiter de cette nouvelle vitrine nationale et a tenté de présenter les LibDems comme une force politique libre des vieux encombrements des deux partis traditionnellement les plus forts. Les LibDems sont communément considérés comme étant pro-européens, en faveur de gouvernements locaux, un parti centriste susceptible d’obtenir un nombre beaucoup plus élevé de votes que par le passé, profitant de la perte de popularité des Travaillistes et de la méfiance à l’égard des Conservateurs.
Du point de vue des relations internationales, les LibDems sont très critiques à l’égard de l’implication du Royaume Uni dans la guerre en Irak et de son rôle dans la campagne menée par les Américains dans la ‘’guerre contre le terrorisme global’’, en particulier la façon dont sont traitées les personnes suspectées de terrorisme, et n’apprécient pas outre mesure la relation servile avec les Etats-Unis. Suite à cette prise de position, le parti a été accusé d’antiaméricanisme. En réalité c’est le seul des trois partis qui a été prêt à critiquer les Etats-Unis pour les violations des Droits de l’Homme systématiques, non sans faire preuve d’une curieuse myopie lorsqu’il se réfère au passé irréprochable et glorieux de la Grande Bretagne. (Les Britanniques étaient fiers de ce que notre pays représentait)
Comme les Travaillistes, le parti souligne la nécessité de remettre les Millenium Development Goals (MDG) à l’ordre du jour et reconnaît que le changement climatique est ’’le plus grand défi auquel cette génération doit faire face’’. Ceci fait partie du chapitre ‘’Your World’’ (votre monde). Bien que le Manifeste 2010 des LibDem ne fasse pas directement référence à l’Afrique, sa section concernant les affaires internationales est à beaucoup d’égard la plus détaillée de toutes, principalement en raison du fait qu’elle se concentre sur la question du changement climatique.
Le parti propose que l’Union Européenne, unisse ses forces afin que la question de l’environnement fasse partie intrinsèque des objectifs des institutions financières internationales comme la Banque Mondiale et le FMI, dès lors qu’il est question de faire face aux défis environnementaux. Apparemment, le parti reconnaît la responsabilité du monde industrialisé à l’égard des pays en voie de développement en ce qui concerne le changement climatique, soulignant qu’il garantira que l’adaptation et l’atténuation des effets de la crise soient financées par les pays riches.
Il s’engage aussi à réformer la Banque Mondiale et le FMI - sans donner de détails. Il propose également un fond global de protection sociale dont le but est de soutenir le développement d’un système d’assistance sociale viable dans les pays en voie de développement. Malgré l’usage du mot ‘’fair ’’ (juste) tout au long de la campagne, qui semble être le fil conducteur des LibDems, il y a une omission curieuse concernant l’importance de la réforme du commerce globale, une absence qui contribue à l’impression générale que les pays en voie de développement sont considérés comme des objets à qui l’on doit la charité et la protection.
Néanmoins, le manifeste des LibDems est explicite sur son intention de revitaliser l’action internationale, sur le thème de la dette des pays en voie de développement et de soutenir une annulation à 100% des dettes impayables des pays les plus pauvres. Il reconnaît aussi la nécessité de prendre des mesures à l’encontre des ‘’fonds vautours’’. Ces politiques reflètent des intentions largement plus progressistes, et même plus radicales que celles des deux principaux partis. Mais comme il est fort probable que les LibDems ne gagneront pas la majorité requise pour les faire adopter (ou peut être leur sera-t-il épargné d’avoir à les mener à bien), ces politiques resteront marginales. Compte tenu du fait qu’aucun parti n’obtient une majorité parlementaire, les LibDems seront sollicité aussi bien par les Travaillistes que par les Conservateurs afin de former un gouvernement de coalition. En raison d’une plus grande visibilité des LibDems au cours de ces élections, il est possible que ces politiques prennent un certain poids et il sera intéressant de voir ce qui finira dans les tiroirs si le parti entre dans un gouvernement de coalition qui le contraindra à faire des compromis par rapport à son manifeste
L’Afrique et les élections au Royaume Uni : une préoccupation secondaire
Dans le sillage d’une profonde crise économique d’une part et, d’autre part, suite à sa graduelle déchéance en tant que grande puissance suite de la deuxième guerre mondiale, le Royaume Uni a vu décroître considérablement sa capacité d’influer sur les affaires mondiales et d’exercer son influence. Il n’en reste pas moins que le rôle global du Royaume Uni reste considérable. Et quel que soit le parti qui triomphe lors de ces élections, il sera responsable de la poussée idéologique et politique du pays, de son attitude à l’égard du commerce, des relations économiques, des Droits de l’Homme, du terrorisme et de la politique au niveau national, de la question du changement climatique à l’immigration.
Alors que de nombreux électeurs de Grande Bretagne remarquent l’absence de différences politiques claires entre les partis, chaque manifeste - en dépit du manque de détails - suggère une tendance politique différente en relation avec d’autres parties du monde. Soulignant les réalisations des Travaillistes pendant qu’ils étaient au pouvoir, leur manifeste mentionne leur rôle éminent dans l’annulation de la dette pour quelque 28 pays dans le monde. En effet, au-delà de la question de l’aide, c’est celle de la justice économique qui a peut-être la plus grande signification pour l’Afrique. Bien que les initiatives concernant l’annulation de dettes odieuses soient encourageantes, celle-ci ne devrait n’être, en fin de compte, qu’un des aspects pour extraire l’Afrique de sa position injuste de sous-fifre.
Un rapport sur l’intégrité financière ‘’ Illicit financial flows from Africa’’ (Flux financier illicite provenant d’Afrique) révèle, selon des estimations, que le total des flux illégaux hors de l’Afrique se monte à 854 milliards de dollars pour la période de 1970-2008. Ces montants seraient suffisants pour éponger la dette de la région qui se monte à environs 250 milliards de dollars (chiffre de décembre 2008) tout en laissant une réserve de 600milliards.
Mais vu que les Travaillistes et les autres partis sont incapables de maîtriser le secteur bancaire de leur propre pays (ou de contrôler les dépenses des parlementaires), il est peu probable que s’attaquer à la fuite des capitaux et au paradis fiscaux soit une priorité. De même, avec le déclin du rôle global du Royaume Uni, il reste à voir où chacun des partis va tirer la force pour donner suite aux déclarations qui apparaissent dans leur manifeste et qui consistent à introduire des réformes graduelles au niveau de la Banque Mondiale et du FMI et à s’opposer aux dirigeants non élus des institutions financières internationales dont les décisions et le pouvoir ont un tel impact sur la vie des gens dans le monde entier.
Compte tenu de la dette et du déficit national auxquels le Royaume Uni doit faire face, les capacités des Travaillistes de conseiller et d’influer sur d’autres gouvernements, dans la façon de gérer leur économie, semblent plutôt réduites, tout comme sa capacité de convaincre les institutions financières internationales. Les Conservateurs sont apparemment sans vergogne dans leur désir de vouloir contrôler les dépenses des pays recevant de l’aide tout en proposant de promouvoir le libre-échange, en l’absence de toute volonté d’offrir aux gouvernements des pays pauvres une meilleure représentation sur la scène internationale.
Même s’il est vrai que les LibDems proposent les politiques les plus progressistes, des trois principaux partis britanniques, étant le troisième parti, il reste à voir ce qu’il restera de la dynamique requise pour mener à bien ces nouvelles approches. Hormis les engagements des partis à ne pas dénoncer les promesses d’aide, le déficit du Royaume Uni, la crise économique, la diminution des dépenses publiques vont faire que le parti victorieux va se préoccuper d’abord et prioritairement de la ’’guérison’’ nationale et de rendre à la Grande Bretagne sa grandeur d’antan. Une orientation qui ne laissera guère d’espace à une réévaluation réfléchie de la relation du Royaume Uni avec l’Afrique et le Sud en général.
* Alex Free est éditeur assistant de Pambazuka News
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