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MSF

La rage vengeresse gagne les villes et les campagnes et plonge la République centrafricaine dans un océan de sang, de mutilations, de destructions, d’exactions, de tortures, de lynchages, dont il se relèvera difficilement, lorsque les passions se seront tues. Devant cette tragédie, le Sénégal, avec son exemplaire dialogue islamo-chrétien doit-il rester les bras croisés ? Je ne le pense pas.

La République Centrafricaine est plongée, depuis quelques mois, dans une violence inhumaine, féroce et indescriptible. Des bandes organisées, au nom de la haine, de la vengeance, du règlement de comptes, ou du rejet de l’autre, ont mis le pays en coupe réglée, tuant, pillant, saccageant, violant, s’attaquant aux personnes et aux biens, avec une furie, une horreur et une barbarie qui fournit l’occasion au reste du monde, de se désoler, une fois de plus, de notre pauvre continent, de le vouer aux gémonies et de brocarder sa classe politique, sa société civile, ses intellectuels et ses chefs religieux tous réunis, dans une condamnation sans appel.

L’image de l’Afrique, celle de l’Africain en prennent, tout naturellement, un sacré coup.

En dépit des efforts qui ont été entrepris, ici ou là, le mal, loin de régresser, continue de plus belle. Notre pays a même été contraint d’exfiltrer certains de ses ressortissants, ainsi que ceux des pays voisins.

La rage vengeresse gagne les villes et les campagnes et plonge le pays dans un océan de sang, de mutilations, de destructions, d’exactions, de tortures, de lynchages, dont il se relèvera difficilement, lorsque les passions se seront tues.

Devant cette tragédie, notre pays doit-il rester les bras croisés ? Je ne le pense pas.

Le Sénégal a une histoire, dont on ne trouve l’équivalent nulle part en Afrique. Peuplé, selon le dernier recensement, de 95% de musulmans et de 4,5% de chrétiens, il offre l’exemple d’une stabilité inoxydable et l’archétype d’un havre de paix, de tolérance, de convivialité, dans le respect mutuel entre communautés musulmane et chrétienne.

Du 17 juin 1951 au 31 décembre 1980, Léopold Sédar Senghor a exercé sur le pays un leadership total, avec le soutien de l’écrasante majorité des chefs religieux musulmans. Il n’a, jamais, été discriminé, ni pour sa religion ni pour son ethnie, pas plus que ne l’ont été d’autres leaders non musulmans, qui ont exercé un leadership total sur la présidence du Conseil général de 1840 à 1920, celle des mairies de 1763 à 1925, celle de la fonction de député de 1848 à 1934.

En tout, sur une séquence temporelle qui, de 1833 à 2014, couvre une période de 181 années, le leadership politique municipal, parlementaire ou présidentiel, n’a été exercé que pendant 47 années seulement, par les musulmans (Galandou Diouf : 7 ans ; Lamine Guèye : 6ans ; Abdou Diouf : 20 ans; Abdoulaye Wade : 12 ans ; Macky Sall : 2 ans).

Nous avons, là, l’exemple le plus édifiant de la tolérance, qui sévit dans notre pays, où musulmans et chrétiens vivent dans la paix, la confiance, le respect mutuel, l’amour réciproque, la fraternité sincère et la solidarité agissante. Cette expérience unique au monde est un viatique puissant que notre pays doit enseigner partout dans la planète, où sévissent le rejet de l’autre, la haine raciale, les guerres religieuses, les violences tribales ou ethniques. C’est pourquoi, je m’interroge. Notre peuple doit-il continuer de se taire devant la tragédie centrafricaine? En a t-il le droit ? N’a-t-il pas un message à délivrer, alors qu’il a su concevoir et mettre en application un modèle de dialogue islamo-chrétien, qui fonctionne à merveille, modèle qu’il a le devoir de faire connaitre et partager par tous les peuples frères qui en ont besoin ? Nos leaders religieux chrétiens et musulmans ne devaient-ils pas lancer un appel au peuple centrafricain, pour que cessent les tueries et que s’apaisent les passions et les haines ?

Notre jeunesse chrétienne et musulmane ne devrait-elle pas s’adresser à la jeunesse centrafricaine, pour lui dire qu’elle vit dans notre pays une situation que la jeunesse centrafricaine devrait découvrir, pour s’en inspirer, plutôt que de s’entredéchirer, au moment où l’Union africaine travaille en faveur de l’intégration de notre continent?

Notre classe politique, nos organisations syndicales, nos mouvements de femmes, nos intellectuels, nos artistes, nos journalistes, notre société civile, nos associations de défense de droits de l’homme (Raddho, Amnesty International, Ligue sénégalaise des droits humains), ne devraient-ils pas proposer le modèle sénégalais du “vivre ensemble“, pour sortir la Centrafrique de la furie meurtrière dans laquelle, elle semble s’être durablement engouffrée.

Il y a des situations devant lesquelles, se taire ou faire preuve d’indifférence équivalent à une complicité ou à une approbation. C’est pourquoi, j’interpelle toutes les consciences, pour que le Sénégal prenne la tête d’un puissant mouvement panafricain et mondial, pour un retour, sans délai, de la paix en République Centrafricaine, pour la fin de la violence, pour la réconciliation et la promotion d’une culture de tolérance, de cohabitation harmonieuse entre musulmans et chrétiens, afin que la nouvelle présidente de la République, qui vient d’être installée, puisse mettre en application, les nobles ambitions qu’elle a publiquement déclinées pour son pays.

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** Iba Der Thiam est Agrégé de l’Université, Docteur d’Etat, Ancien ministre, ancien 1er vice-président de l’Assemblée nationale, député

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