Stephen Marks introduit les articles dans cette publication en passant en revue les manifestations éclatantes et brillantes évaluées en milliards de dollars qui ont été organisées lors du sommet entre les dirigeants chinois et africains au début du mois de novembre de l’année dernière. Mais derrière le spectacle flamboyant, scintillant et coruscant, l’on se pose la question de savoir ce que tout ceci signifie pour l’Afrique ? Est-ce une réédition du colonialisme ; une course effrénée vers les ressources minières et pétrolières de l’Afrique? Y a-t-il un modèle de développement chinois que l’on peut suivre ? Quelle est la véritable nature de l’implication de la Chine en Afrique?
Les chefs d’état d’Afrique et d’autres dignitaires de 48 pays se sont rendus en grand nombre à Beijing au mois de novembre 2006 pour participer au plus grand sommet international jamais tenu dans la capitale chinoise. Et la Chine a fait tout son possible non seulement pour que ses invités d’honneur se sentent les bienvenus mais aussi pour ne laisser aucun doute auprès des Chinois, voire du monde entier, à propos de l’importance de cette réunion. Des banderoles rouge vif affichées le long des avenues portaient des slogans comme “ Amitié, Paix, Coopération et Développement”. L’Agence officielle de presse chinoise Xinhua a déclaré que les visiteurs emmenaient «un élément du mystérieux continent dans la capitale chinoise». Sur les panneaux publicitaires de la capitale le long des grandes artères et sur les ronds points on pouvait voir des images de girafes et d’éléphants rodant dans les savanes.
Mais derrière ‘l’Afrique Chic’ officielle et les mots des communiqués officiels chaleureux mais prévisibles, quelque chose de substantiel se passait. Les déclarations adoptées à la fin de la réunion le dimanche 5 novembre ont utilisé des paroles ‘doucereuses et mielleuses’ -une forte rhétorique promettant un nouveau type de partenariat stratégique fondé sur ‘l’égalité politique, la confiance réciproque, une coopération économique mutuellement bénéfique et des échanges culturels.’ Mais il y avait aussi une substance impressionnante.
Le samedi 4 novembre, le premier ministre chinois Wen Jiabao a proposé que la Chine et l’Afrique tentent d’augmenter leur volume de commerce à la valeur d’US$100 milliards d’ici l’an 2010. Ce qui serait plus du double du niveau de l’année 2005, qui, lui, s’élevait à approximativement US$39.7 milliards. Au cours des neuf premiers mois de 2006, le volume de commerce sino africain avait déjà atteint US$40.6 milliards, une augmentation annuelle de 42 pourcent.
Le même jour, le président chinois, Hu Jintao a annoncé une enveloppe d’aide et diverses mesures d’assistance pour l’Afrique y compris US$3 milliards sous forme de prêts préférentiels au cours des trois années à venir ainsi que la suppression d’autres dettes de la part des pays pauvres d’Afrique. Il a déclaré que la Chine s’engageait à :
. doubler son niveau d’assistance de l’an 2006, d’ici l’an 2009
. accorder des prêts préférentiels de l’ordre de US$3 milliards en plus d’une ligne de crédit acheteur de l’ordre d’US $2 milliards en faveur de l’Afrique au cours des trois prochaines années
. établir un fonds de développement sino africain, qui atteindra US$5 milliards pour assister et encourager les sociétés chinoises à investir en Afrique
. annuler les dettes, contractées sous forme des prêts gouvernementaux sans intérêt qui auront atteint la maturité à la fin de l’an 2005 dues par les pays pauvres fortement endettés et les pays africains les moins développés qui ont des relations diplomatiques avec la Chine
. augmenter de 190 à plus de 400 le nombre des produits pouvant être exportés vers la Chine sans frais douaniers par les pays africains ayant des relations diplomatiques avec la Chine
. établir trois à cinq zones de commerce et de coopération économique en Afrique au cours des trois années à venir
. au cours des trois prochaines années, former 15 000 cadres africains ; envoyer en Afrique 100 experts agricoles de haut rang; établir 10 centres spéciaux de démonstration technologique en Afrique, construire 30 hôpitaux en Afrique et accorder une subvention de RMB 300 millions pour fournir l’artemisinine et construire 30 centres de prévention et de traitement pour lutter contre la malaria en Afrique; envoyer 300 jeunes volontaires en Afrique, construire 100 écoles rurales en Afrique et augmenter le nombre de bourses gouvernementales chinoises pour étudiants africains du chiffre actuel de 2000 par an à 4 000 d’ici l’an 2009.
Le président Hu a même promis de construire un centre de conférence pour l’Union Africaine afin de ‘soutenir les pays africains qui fournissent des efforts pour se consolider en s’unissant à travers le processus d’intégration africaine’. Ceci était peut-être une démonstration claire de la promesse contenue dans la déclaration finale visant à soutenir les organisations régionales et sous régionales dans leurs efforts de promouvoir l’intégration économique, et à soutenir les pays africains dans la réalisation des «objectifs du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique» (NEPAD).
Tôt le dimanche matin, la 2ème conférence des Entrepreneurs Chinois et Africains venait de clôturer ses travaux avec la signature de 14 protocoles d’accord entre d’une part 11 entreprises chinoises et d’autre part des gouvernements et firmes africaines pour une valeur totale de US$ 1.9 milliard. Ces protocoles d’accord couvrent la coopération dans le domaine du développent des infrastructures, de la communication, de la technologie et des équipements, de l’énergie, du développement des ressources, des finances et des assurances.
Il y avait d’autres bonnes nouvelles encore. Le sommet a été suivi d’une exposition commerciale africaine tenue à Beijing. Selon l’agence de presse Xinhua, le lundi, ‘plus de 170 entreprises venant de 23 pays africains ont rempli le hall d’exposition avec des variétés de leurs spécialités locales, y compris minerais, bijoux, textile, fourrures, épices, thé et café.’
Mais à l’exception peut-être du textile, qui est bien connu comme étant la plus importante des exportations chinoises, tous les autres articles exposés étaient des produits que l’Afrique exporte traditionnellement depuis l’époque coloniale. Ceci a peut-être influencé Xinhua dans son choix d’entrepreneurs chinois à interviewer sur leur opinion concernant les éventuelles perspectives commerciales avec l’Afrique.
‘Wang Jianping, président de la société Hashan Company de la province orientale de Zhejiang, a dit à Xinhua qu’après le sommet, il a décidé d’augmenter son investissement de la valeur actuelle de deux millions de dollars à six millions de dollars pour stimuler le développement de l’industrie locale de fabrication des chaussures au Nigeria.’
‘Sheng Jushan, directeur général du groupe Guoji de la province centrale de Henan a déclaré que sa société venait à peine d’établir en Sierra Leone une zone de coopération économique qui attire à peu près 20 petites et moyennes entreprises chinoises’.
Des zones de traitement similaires au Nigeria, lorsque achevées et rendues opérationnelles, permettront de stimuler des activités économiques dans l’état par la transformation des matières premières en produits manufacturiers, plus particulièrement les produits qui, actuellement sont importés vers ce pays.
Est-ce un nouveau type de colonialisme ?
La ruée de la Chine vers l’Afrique est certainement due, dans une large mesure, aux mêmes causes qui étaient à la base du partage de l’Afrique par l’Europe au 19ème siècle – le besoin des matières premières qui allaient alimenter l’industrialisation. Le journal Economist l’a ainsi résumé avant le sommet : Son économie s’est accrue à une moyenne de 9% au cours des 10 dernières années, et son commerce extérieur a quintuplé. Elle a besoin de toutes sortes de produits- minerais, produits agricoles, bois, pétrole, et encore du pétrole. Entre 2000 et 2004, la Chine a contribué à elle seule à l’augmentation de la demande mondiale du pétrole de 40%.
L’augmentation du prix des denrées qui en résulte, a eu un effet bénéfique pour la plupart des pays africains. Les prix élevés combinés à une plus forte production ont aidé les économies locales. Le PNB réel des pays d’Afrique sub-saharienne a augmenté en moyenne de 4.4% durant la période 2001-2004 par comparaison au taux de croissance de 2.6% des trois années précédant cette période.
A Beijing en 2005 Moeletsi Mbeki, directeur adjoint de l’Institut sud-africain des Relations Internationales, lors d’une conférence organisée par le parlement chinois, avait décrit ainsi le résultat que plusieurs redoutaient : l’Afrique vend les matières premières à la Chine, la Chine vend les produits finis à l’Afrique. C’est une dangereuse équation qui reproduit les vieilles relations entre l’Afrique et ses puissances colonisatrices. L’équation ne peut pas tenir longtemps pour un certain nombre de raisons. D’abord l’Afrique a besoin de préserver ses ressources naturelles, qu’elle utilisera à l’avenir pour sa propre industrialisation. Deuxièmement, la stratégie d’exportation de la Chine est à la base de la désindustrialisation de certains pays à revenus moyens… Il en va de l’intérêt et de l’Afrique et de la Chine de trouver des solutions à ces stratégies.
En termes clairs, la plupart des décisions annoncées lors du sommet, reflètent la reconnaissance par la Chine de ces craintes à propos du ‘néo-impérialisme.’ Ainsi bien avant le sommet l’article du quotidien People’s Daily avait dénoncé, ‘la fausse accusation selon laquelle la Chine est en train d’exercer un “néo-colonialisme” en Afrique’, accusation qui apparemment visait à semer la discorde entre la Chine et l’Afrique.’
Et la veille du sommet, le Conseil d’état qui est le cabinet chinois avait promulgué ‘Neuf Principes’ visant à ‘encourager et harmoniser l’investissement étranger des entreprises.’ Ces principes exigent aux entreprises chinoises opérant à l’étranger d’ ‘observer les lois locales, de faire leurs soumissions dans la transparence et l’équité en respectant les droits des employés locaux, en protégeant l’environnement, en assumant les responsabilités des entreprises etc.’
Existe-t-il un modèle chinois ?
Comme le Japon et les petits ‘tigres asiatiques’, la Chine ne s’est pas développée en suivant les règles du consensus de Washington. Les pays occidentaux et africains ont critiqué la manière dont la Chine a évité de conditionner sa coopération par l’insistance sur les aspects tels que la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme, aspects sur lesquels les pays occidentaux insistent, et ceci se trouve sans doute en arrière plan de l’enthousiasme dont jouit le modèle chinois de la part des pays africains ayant des régimes plus répressifs’
Mais il y a aussi de la substance à l’idée selon laquelle, la coopération sud-sud a un mérite intrinsèque. Dans les domaines tels que le développement rural et la technologie intermédiaire, l’expérience chinoise a beaucoup de choses utiles à offrir, précisément parce que la Chine est, elle aussi, un pays en voie de développement.
Il n’était pas prévu qu’un code comme le mécanisme africain d’évaluation par les pairs (APRM) soit une condition pour l’octroi de l’assistance, et la perception selon laquelle c’est l’extérieur qui impose de telles conditions, a lésé son importance même aux yeux des militants et activistes qui en soutiennent les objectifs.
Inversement, le fait que la Chine évite de poser des conditions signifie qu’elle peut aller très vite et produire des résultats palpables sur le terrain. L’étatisme qui caractérise encore l’économie chinoise signifie que la Chine pourrait offrir une approche “solutions en point unique”, qui garantirait à la Chine l’accès désiré au pétrole ou à certains minerais clés, par exemple en Angola ou au Nigeria. Cet accès pourrait être combiné avec des prêts souples et des projets de développement des infrastructures dont l’Afrique a tellement besoin tels que les autoroutes, le chemin de fer et des projets de développement rural, la construction de parques industriels pour petites firmes ainsi que des stages et bourses d’études qui sont des éléments additifs moins coûteux, mais d’un grand impact.
Cette approche intégrée peut être un véritable point de plus et ce, non seulement pour des régimes comme ceux du Zimbabwe ou du Soudan. Comme dans cet exemple tout le paquet peut être conclu et livré moyennant d’une part quelques visites de la part des hautes figures gouvernementales, et d’autre part l’accueil offert aux dirigeants africains reçus en grands hôtes de marque comme lors du récent sommet de Beijing.
Mais tous ces attributs ne sont pas uniques à la Chine, et une analyse ultérieure pourrait être utile si elle examinait l’approche chinoise dans un contexte plus large au lieu de la comparer de manière unilatérale avec le modèle conventionnel de la mondialisation libérale qui caractérise les approches conventionnelles occidentales.
Chris Melvile et Molly Owen ont indiqué que la Chine n’est pas la seule actrice du théâtre africain, ni la seule partenaire à promouvoir l’idée d’un marché gagnant-gagnant. L’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont établi leurs propres liens de coopération sud-sud. Chacun de ces accords a été salué comme alternative valable aux anciennes puissances impérialistes. Et chacun à son tour a été accusé de poursuivre son propre sous-plan impérialiste.
Et comme Chris Alden et Martyn Davies l’ont indiqué : les compagnies multinationales chinoises sont à plusieurs égards semblables aux compagnies multinationales opérant en Afrique, par exemple les compagnies françaises Elf-Aquitaine ou la compagnie sud africaine Eskom. Dans le cas de la France, Elf Aquitaine a été fortement politisée, en influençant ou définissant la politique française en Afrique et plus particulièrement dans les pays comme le Gabon et l’Angola.
L’étroite proximité entre les intérêts commerciaux et les intérêts politiques de la France manifestée par la présence des hauts cadres des compagnies pétrolières dans le près carré de l’Elysée ainsi que la circulation de membres de l’élite politique comme Jean-Christophe Mitterrand dans les cercles politiques et les cercles des affaires a été dès le départ une caractéristique essentielle de la politique française en Afrique postindépendance.
Bien plus, le modus operandi des instigateurs de la politique étrangère à Paris a toujours été construit autour d’un réseau de relations personnelles avec les leaders africains, et renforcé par une toile d’accords bilatéraux dans des domaines tels que le commerce, les finances, l’assistance au développement et la défense.
Nature des compagnies multinationales chinoises
Si le rôle de l’état chinois n’est pas différent de celui des pays occidentaux ou des pays austraux, comment les multinationales chinoises diffèrent-elles de leurs rivales dans la manière de fonctionner en tant que firme ?
Le gouvernement chinois a clarifié sa position dans sa déclaration politique officielle concernant l’Afrique : ‘ le gouvernement chinois encourage et soutient l’investissement et les affaires des entreprises chinoises en Afrique et continuera à octroyer des prêts préférentiels et des crédits-acheteurs à cette fin’.
Mark Sorbara l’a dit comme suit : ‘ investir dans l’industrie d’extraction en Afrique est une affaire risquée, mais la Chine a désespérément besoin de matières premières pour alimenter son économie en plein essor, aussi le gouvernement est-il prêt à supporter la plus grande partie des risques pour les entreprises chinoises voulant investir en Afrique’.
Mais l’objectif de ce soutien étatique n’est pas seulement de sécuriser l’accès de la Chine aux matières premières. Comme Alden et Davies l’ont démontré, dans la poursuite de ses ambitions mondiales, Beijing ‘a l’intention de sélectionner les compagnies d’avant-garde’ qui, avec l’appui actif et le soutien généreux du gouvernement, se préparent à joindre les rangs des 500 sociétés les plus fortes du monde publiées annuellement par le magazine Fortune. A peu près 180 compagnies ont déjà été désignées par l’état pour bénéficier d’une assistance financière préférentielle, des concessions fiscales, et du soutien politique ‘go global’ et devenir ainsi de véritables multinationales.
Cet objectif de devenir des joueurs mondiaux à proprement parler a été exprimé clairement par Fu Chengyu, directeur exécutif du géant chinois du pétrole CNOOC après que le congrès américain avait bloqué sa tentative d’acquisition d’Unocal, la neuvième grande compagnie américaine du pétrole : ‘nous cherchons à devenir des participants à l’industrie mondiale, comme toutes les autres grandes compagnies internationales, afin aussi d’alimenter le marché mondial.’
Le même principe s’applique à l’accord sino sud-africain, conclu au sommet de Beijing pour former une société mixte qui augmentera la production du ferro-chôme en Afrique du Sud. Le rapport de l’agence de presse Reuters sur cet accord a commenté que ‘la Chine est devenue un grand investisseur dans le domaine minier et des ressources naturelles en Afrique dans sa recherche des matières premières pour alimenter sa croissance économique, mais à l’exception des autres accords sino-africains, l’objectif de Tubatse Chrome est de gagner de l’argent et non de fournir des métaux à la Chine’. Et le président de la société partenaire sud africaine a déclaré : ‘Sinosteel est une organisation commerciale, et Tubatse Chrome bénéficiera d’une société orientée vers le bénéfice. Si la Chine offre le meilleur prix, nous vendrons à la Chine, mais nous vendrons à quiconque offre le meilleur prix.’
Les optimistes peuvent voir que c’est un bon signe. Ndubisi Obiorah le dit ainsi : comme le label mondial et la réputation deviennent de plus en plus importants pour les compagnies chinoises, celles-ci ne veulent plus être associées aux violations des droits de l’homme ni aux régimes répressifs d’Afrique ou d’ailleurs.
Comme résultat, suggère-t-il, les compagnies chinoises deviendront plus vulnérables à ‘la dénonciation et à l’effronterie’ de la part des ONG des pays occidentaux et d’ailleurs.
Les optimistes peuvent aussi en voir certains signes sur les sites web de Sinopec et Petrochina, qui mettent en vedette les prix qu’ils ont décrochés grâce à leur bonne gouvernance en affaires et leur politique modèle pour la santé, la sécurité et la protection de l’environnement.
Est-ce que ceci établit le besoin d’un organisme qui serait chargé de la surveillance des sociétés chinoises, organisme au travers duquel les activistes africains et d’ailleurs puissent faire peser des pressions ? Mais dans ce cas, pourquoi pointer du doigt la Chine seule ? Comme Alden et Davies ont conclu : en effet, même les critiques admettent que si l’on passe outre les cas du Soudan, de l’Angola et de la Guinée Equatoriale, ‘le reste des activités de Petrochina et Sinopec sur le continent africain ne sont pas autrement répréhensibles’ ou du moins pas plus que leurs concurrents occidentaux.
Peut être qu’il n’ y a pas vraiment de distinction entre les capitalismes chinois et occidental mais que la différence réside plutôt en ce qui sépare les rapaces bruts des plus ou moins sophistiqués. Mêmes ces deux catégories ne sont pas des classifications bien distinctes, mais deux faces différentes, dont chacune peut être présentée comme la plus convenable.
Dans ce contexte, ceux qui s’occupent de la recherche dans les corporations feraient bien d’examiner la possibilité que les multinationales chinoises opérant en Afrique incorporent elles-mêmes des capitaux occidentaux, peut-être passés au peigne fin non seulement par les canaux habituels des entreprises mixtes et des actionnaires, mais aussi dans les fonds en provenance de Hong Kong et de Taiwan.
Neil Tottman, directeur de la branche chargée des banques commerciales de HBSC Chine, a élaboré des plans agressifs pour les affaires de sa banque commerciale en Chine, par anticipation à une nouvelle dérégulation du secteur cette année. ‘Le volume total d’aiguillage d’affaires entre Hong Kong et la Chine continentale a augmenté au taux annuel de 175 pourcent par an entre 2002 et 2005. A la même date cette année, le volume des transactions entre Taiwan et la Chine continentale a augmenté de 512 pourcent par comparaison à la même période l’année dernière.’
En route vers l’anti-démocratie ?
Mais il y a d’autres aspects concernant le concept du modèle distinctif de la Chine qui sans doute doit être attrayant pour les régimes les plus répressifs de l’Afrique - l’idée que la Chine désapprouve l’argument selon lequel la démocratie est une pré condition essentielle au développement. L’opinion générale est que la Chine prouve le contraire – en démontrant le besoin d’un gouvernement fort.
Ndubisi Obiorah a cité un exemple nigérian de cette invocation d’un modèle chinois: ‘ les ténors de la faction d’Obasanjo ont déclaré que l’absence de stabilité et de dirigeants visionnaires était la principale cause du sous développent en Afrique et que c’étaient exactement ces mêmes qualités qui avaient permis à la Chine et au Singapour de se développer et de devenir des miracles économiques contemporains.’
Selon Obiorah, la montée de l’Inde peut contredire cette vogue de gouvernements autocratiques égoïstes. Peut-être aussi qu’avant 1946 certains des obstacles majeurs au développement de la Chine se trouvaient dans le fait que l’élite dirigeante, en connivence avec les forces à l’intérieur tout comme à l’extérieur du pays, étaient opposées à la modernisation ; mais il y avait aussi un modèle archaïque de propriété foncière et d’autorité ; une désunion nationale chronique et un nombre élevé de seigneurs de guerre dont l’équivalent actuel en Afrique pourrait être la République Démocratique du Congo (RDC). Tout ceci a été balayé par la grande vague de la révolution populaire – situation qui ne se ferait pas accepter par l’élite des régimes répressifs de l’Afrique actuelle en tant que voie plus graduelle et réformiste vers la démocratisation !
Mais l’antidote le plus puissant à l’idée selon laquelle la Chine valide une voie autocratique vers le développement, est l’agitation de plus en plus croissante en Chine des masses contre le coût du modèle économique actuel et son impact sur les droits des travailleurs, l’environnement, l’inégalité croissante et l’exclusion sociale.
Comme Dorothy Guerrero l’a indiqué : la Chine est actuellement la quatrième puissance économique du monde et plusieurs pays en voie de développement envient ses progrès économiques record. Néanmoins, la croissance phénoménale de la Chine est en train de produire une fausse conception selon laquelle l’on croit qu’elle est la plus grande gagnante de la mondialisation.
Même s’il est vrai que les réformes du marché et l’ouverture de la Chine face à la mondialisation ont donné à des millions de personnes un standing de vie élevé, il y a encore un nombre élevé de Chinois qui souffrent des conséquences de la rapide transition vers une économie de marché.
La majorité des Chinois ne se préoccupe pas de savoir quand la Chine deviendra la première puissance économique du monde. Au contraire ils se demandent quand les avantages de la montée de la Chine en tant que puissance mondiale commenceront à avoir un impact positif sur leur vie.
Même les sources officielles en Chine et à l’étranger sont conscientes du coût social du grand bond en avant accompli par la Chine vers le marché libre. Les membres du parlement ont tiré la sonnette d’alarme à propos de la crise d’emploi imminente et la banque mondiale a confirmé que les pauvres de la Chine deviennent de plus en plus pauvres.
Quant à l’environnement, aucun chiffre avancé par Pan Yue, directeur adjoint de l’Organisme d’état chinois chargé de l’administration et de la protection de l’environnement, n’a manqué de susciter une grande controverse dans son récent essai sur la civilisation écologiste socialiste lorsqu’en ouverture il a accusé : ‘Les inégalités économiques et environnementales causées par une compréhension imparfaite de la croissance et des réalisations politiques de la part de certains officiels, sont allées à l’encontre des objectifs de base du socialisme et ont poussé à l’abandon les succès du socialisme chinois’.
L’avancée du néolibéralisme en Chine et son impact sur le peuple chinois sont allés main dans la main avec le rôle croissant de l’impérialisme chinois à l’étranger. L’anomalie apparente d’une puissance impérialiste sujette elle-même à une exploitation impérialiste grandissante en alliance avec le capital local n’est pas nouvelle – elle a aussi caractérisé la Russie tsariste. Même s’il est pour le moment difficile d’agir suivant cette idée, la corrélation suggère que l’allié évident de l’activiste de base et des groupes de la société civile africains sera de plus en plus son homologue chinois.
Stephen Marks est un rédacteur et chercheur indépendant spécialisé en matière de développement et des droits de l’homme.
Ceci est une version abrégée d’un article publié par Stephen Marks. La version complète, y compris les références, sera disponible dans un livre qui sera publié par Fahamu en janvier sous le titre Perspectives Africaines sur la Chine en Afrique. La version complète des articles est disponible en ligne en format PDF sur le site de Pambazuka News.
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Ce texte a d'abord paru dans l'édition n° 282 de Pambazuka News English. Voir :
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