A peine le permis d’exploitation de la mine accordé par le gouvernement burkinabè, la compagnie décidait de licencier des salariés. Certains des travailleurs congédiés ont accepté de partir contre paiement de leurs droits légaux ; les autres, en union avec les travailleurs reconduits, ont entamé une série de négociations. Mais l’affaire a fini en justice.
La mine de Banfora promettait d’être un gisement de travail et de prospérité. En 2012, la société Gryphon Minerals assurait vouloir créer «97 emplois permanents, 200 à 600 emplois temporaires», sur le site de Niankorodougou, où elle venait de prouver l’existence d’importantes réserves aurifères.
Visitant cette localité située dans la région des Cascades (sud-ouest), à proximité de la frontière ivoirienne, le ministre en charge des Mines, Salif Kaboré, se réjouissait alors de la création de la neuvième mine d’or du pays. Il en profitait pour adresser une mise en garde à la société australienne : «Il faut que les sociétés minières travaillent en parfaite intelligence avec les populations riveraines. C’est un cri du cœur que je lance.» (Cf. «Exploitation minière : L’or brillera bientôt à Niankorodougou», Le Faso.net, 19 février 2012).
Pourtant, à peine le permis d’exploitation de la mine accordé par le gouvernement burkinabè, la compagnie décidait de licencier des salariés. Dans une note d’information du 29 juillet 2014, le directeur général, Philippe Aupy, annonçait une «restructuration organisationnelle de la société Gryphon Minerals, consécutive au développement de Gryphon vers la phase de construction de la mine. (…) La direction, écrivait-il, a décidé de procéder au licenciement d’une partie du personnel (…) dont les emplois seront pour la plupart supprimés au sein de Gryphon Minerals Sarl».
Nouveau permis d’exploitation et nouvelle dénomination donc pour la mine de Niankorodougou. La société Gryphon Minerals devient Gryphon Minerals Sarl, et remercie quinze employés. Elle ira jusqu’à procéder au paiement des droits légaux prévus par la législation en vigueur au Burkina pour les quinze travailleurs exclus.
Problème, ces derniers contestent la note de restructuration et la liste du personnel proposée au licenciement. Et pour cause, un mois avant cette note du directeur général, le directeur du projet, Roux Terblanche, s’adressant aux délégués du personnel et délégués syndicaux, évoquait pour sa part un «changement dans la gestion des ressources humaines». Il annonçait que, dans le contexte de la création de la nouvelle société, «quelques employés se verront offrir de nouveaux contrats de travail – essentiellement des contrats à durée déterminée (Cdd) -au sein de cette nouvelle compagnie».
Comment comprendre qu’à peine un mois après cette annonce, l’administration parle de licenciements ?
DISCRIMINATION SYNDICALE ?
Certains des travailleurs congédiés ont accepté de partir contre paiement de leurs droits légaux ; les autres, en union avec les travailleurs reconduits, ont entamé une série de négociations avec la direction. Les premiers pour recouvrer leur travail, les autres pour dénoncer des conditions de travail «inhumaines», notamment pour les employés sous Cdd. Ils dénoncent l’absence de rotation qui permettrait aux travailleurs venant de loin de rentrer voir leurs familles, la décomposition anormale des salaires, un temps de travail trop long et des heures supplémentaires imposées.
«Avec la nouvelle compagnie, le système de rotation du personnel a changé. Avant, il consistait en trois semaines de travail continues, une semaine de repos, applicables à certains employés». Désormais, il est question d’une organisation de six jours de travail continus par semaine, avec un jour de repos hebdomadaire. Ce qui signifie que les travailleurs dont les familles sont installées à Ouagadougou, à 500 km, ne peuvent rentrer chez eux «rendre visite à leurs familles qu’après avoir demandé et obtenu un congé», explique Hamadé Ouédraogo.
Pour les besoins de la nouvelle compagnie, certains ouvriers permanents ont été transférés à des prestataires, sans aucune garantie de maintien de leur emploi. Les expatriés de la mine ont pour leur part un rythme de travail de six semaines, suivi de deux semaines de repos. Ce qui leur permet de rentrer voir leurs familles. Notons aussi que selon le rapport 2011 du Conseil économique et social (Ces) sur «L’expansion du secteur minier et développement durable au Burkina Faso : cas de l’exploitation aurifère», remis au président du Faso le 9 octobre 2013, l’écart entre un salaire moyen d’un employé local et celui d’un expatrié est estimé à 3,2 millions de francs (environ 5 000 euros).
Nul ne conteste le principe de la réorganisation lors du démarrage de l’exploitation d’une mine. Mais, en lieu et place d’un transfert de personnel, qui aurait permis aux travailleurs de conserver leurs acquis - et de continuer à payer les traites des prêts bancaires contractés -, Gryphon leur a servi des contrats précaires. Pour résoudre ce différend, une médiation a été organisée par la Direction régionale du travail de Banfora. Ces démarches se sont soldées par un échec et le dossier sera transmis en arbitrage au ministère du Travail. Mais devant l’Inspection du travail de Banfora, la direction de Gryphon a été sommée de s’expliquer. Première victoire pour les plaignants : l’inspection a confirmé deux entraves au Code du travail, l’une sur les heures supplémentaires imposées et l’autre sur les termes du contrat signé ; celui-ci ne répondant pas aux attentes des travailleurs. Face à une société qui ne voulait pas s’y plier, le dossier a été porté en justice.
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