Avec l’Afrique, il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé. » Cette profession de foi, vous l’avez reconnue, a été prononcée à Cotonou, le 19 mai 2006 par le candidat Sarkozy qui l’avait même gravée dans le marbre en l’inscrivant dans son programme. Une fois de plus, mensonges et compagnie,
Avec l’Afrique, il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé. » Cette profession de foi, vous l’avez reconnue, a été prononcée à Cotonou, le 19 mai 2006 par le candidat Sarkozy qui l’avait même gravée dans le marbre en l’inscrivant dans son programme. Je le cite de nouveau : « Je favoriserai le développement des pays pauvres, en cessant d’aider les gouvernements corrompus. [...] On ne fera pas bouger les choses par le seul tutoiement entre le chef de l’État français et ses homologues du continent, mais par la conscience collective d’un intérêt commun. »
Une fois de plus, mensonges et compagnie, le président est pris la main dans le sac. Rien n’a changé, je dirai même que tout s’est aggravé. Le discours de Dakar a accru le fossé entre les peuples africains et la France. Les rapports incestueux entre la France et l’Afrique, que l’on a désignés sous le nom de Françafrique, se passent au plus haut niveau, comme l’ont montré tout récemment les voyages d’agrément en Tunisie, Libye, Maroc, Égypte de nos dirigeants.
Décidée à partir de l’Élysée, contrôlée longtemps par M. Jacques Foccart puis par ses adjoints, et ensuite par M. Jean-Christophe Mitterrand, la politique subsaharienne est gérée maintenant encore par une cellule organisée autour de M. Robert Bourgi, aidé par M. Patrick Balkany, et dirigée jusqu’à ces derniers jours par M. Claude Guéant. Vous y avez même adjoint une pièce maîtresse en la personne de Dov Zerah, le directeur général de l’Agence française de développement.
Ce système, même s’il a évolué, repose sur trois piliers : la cellule de l’Élysée, l’état-major, qui dispose dans plusieurs pays de bases militaires d’intervention d’où il peut soutenir les dictateurs locaux, comme il l’a fait encore il y a très peu au Tchad, et un réseau de grandes entreprises, à commencer par Total, Bouygues, Bolloré et Areva.
La Françafrique, c’est aussi un réseau composé d’agents de renseignement, de barbouzes, de personnages hauts en couleurs qui n’ont pas disparu avec Bob Denard, et, surtout, un groupe de dictateurs qui se reproduisent de génération en génération, comme au Gabon ou au Togo, où les fils succèdent aux pères avec la bénédiction des autorités françaises.
Cette situation d’un autre âge ne permet pas de construire avec les peuples africains un système de partenariat équilibré. Elle donne le sentiment que la France continue à entretenir une sorte de mythe colonial et gaulliste d’une Union française reposant sur des caciques mis en place et armés par notre pays.
Plus généralement, je voudrais dire un mot sur ce qu’on pourrait appeler le néo-impérialisme de la France et des pays riches vis-à-vis de l’Afrique, dont le système que je viens de décrire rapidement est l’agent opérationnel.
Cet impérialisme, c’est l’appropriation, le pillage, la prédation des richesses naturelles de ce continent par les pays du Nord, accompagnés de la spoliation des populations africaines, ce que certains historiens ont appelé l’échange inégal.
Cet échange inégal ne se réduit pas à une comptabilité monétaire de l’échange, comme le pensent les néo-classiques ou les marxistes. Il s’étend à la captation du temps, à la captation de l’espace et du sous-sol, dans une analyse plus écologiste de la théorie de l’exploitation.
Ce qui s’est passé en Tunisie, puis en Égypte et en Libye, a déjà des conséquences dans plusieurs pays d’Afrique. Si vous espérez contenir longtemps les mouvements de population en soutenant à bout de bras les Ali Bongo, Idriss Déby, Sassou N’Guesso, Faure Ngassinbé et autres dictateurs, vous allez au-devant de graves ennuis comme en Tunisie ou en Libye.
Le monde change. Seul un rapport nouveau entre les anciennes colonies et l’Europe permettra de définir un cycle vertueux.
Cela passe par le départ des troupes françaises et la fermeture des bases militaires sur le continent, dont on sait à quoi elles ont servi ; par la redéfinition d’une politique de solidarité cadrée par une loi de coopération et l’annulation de la dette odieuse qui maintient l’Afrique sous la coupe de la politique définie par le FMI, la Banque mondiale et l’OMC ; enfin par l’arrêt de la recolonisation des terres agricoles dans de nombreux pays comme Madagascar, où des millions d’hectares sont gérés par des entreprises.
Cela nécessite aussi une politique de transparence sur les biens mal acquis. J’évoquerai simplement le plus grand scandale de cette région du monde, l’Angolagate. Nous avons tout de même réussi à vendre notamment 420 chars, 150 000 obus, douze hélicoptères et six navires de guerre. L’affaire est toujours en jugement, au moins pour les lampistes, les autres y ayant, hélas, échappé.
Une étude du Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, publiée en mars 2007, évalue à une somme comprise entre 100 et 180 milliards de dollars les avoirs détournés par des dirigeants au cours des dernières décennies. Je le dis en toute clarté ici, ce que vous avez fait ces dernières années en Afrique, notamment pour protéger les intérêts d’Areva, contre la volonté des populations touaregs du Niger, ou pour protéger les intérêts de votre ami Bolloré dans plusieurs ports et forêts de pays africains a et aura des conséquences pour la France et pour les expatriés. Vous jouez avec le feu en Afrique comme vous l’avez fait avec les dictateurs des pays arabes. Vous devrez en rendre compte devant l’Histoire.
* Yves Cochet est député Vert français
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