Gabon : Il y a des moments historiques où l’opposition doit parler d’une seule voix !
Dans un Gabon qui se dirige vers des législatives pour le 17 décembre, la mort de l’opposant historique gabonais Pierre Mamboundou est survenue, le 16 octobre, pour déstabiliser les stratégies d’union qui auraient pu permettre de lieux faire au régime de Bongo. Mengue M'Eyaà s’en inquiète et rappelle les exigences ainsi que les voies de changement dans un Gabon captif d’un pouvoir « illégitime » et prédateur.
Le conseil exécutif du Mouvement Civique du Gabon déplore le désordre interne à l’Union du Peuple Gabonais, consécutif à la disparition, dans des conditions suspectes, de Pierre Mamboundou, charismatique leader de l'Union du Peuple gabonais. Sa mort est une “aubaine” pour le régime, puisque l'Union nationale a été dissoute ; comme si l'on pouvait dissoudre la volonté du peuple. Il savait aussi que la question de la succession et celle du leadership allaient se poser, comme elle se pose chaque fois qu'un responsable d'un parti d'opposition disparaît brutalement. On le voit notamment avec les stratégies divergentes de ceux qui se jettent, tels des vautours, sur la succession faisant fi des dernières positions de Pierre Maboundou sur les conditions de transparence et de sincérité des élections, dont les législatives.
N’oublions pas que le parti-Etat est lui-même en crise avec l’incapacité interne à rassembler ses partisans tenus par les postes, l’argent ou par la résignation. Si elle avait eu lieu, l’entrée au gouvernement de Pierre Mamboundou était le défi que le régime s’était donné pour se donner un semblant de crédit au plan international.
Ce désordre est préjudiciable à tous les démocrates gabonais. Une infime minorité des membres de l'UPG est partisane de la participation aux élections, l'important pour elle étant d’être « élue » à l’Assemblée nationale. La majorité de la population gabonaise et des militants de l’UPG considèrent, à juste titre, qu’il est, au contraire, temps de mettre un terme à une participation électorale dont les résultats sont systématiquement faussés par le régime. Ce n’est pas « pratiquer la politique de la chaise vide » que de refuser d’aller aux élections, il s’agit simplement d’imposer un haut niveau d’exigences démocratiques.
Les temps ont changé. Instaurées par le régime quarantenaire, les vieilles recettes de la corruption sont terminées. La majorité des Gabonais souhaite le changement y compris de la part des responsables politiques de l'opposition. Encore une fois, l'utilisation des différences ethniques est improductive. Le tribalisme est la maladie infantile du régime depuis sa naissance, or il est une forme de racisme. Sans distinction d'ethnies, les populations ont conscience que la misère les touche tous, alors que le Gabon est producteur de pétrole et compte un pleu plus d'un million d'habitants
Il ne faut donc pas laisser croire qu'il y a, au Gabon, un “danger fang” contre lequel les autres ethnies doivent se coaliser. Cette “géopolitique”, tentante pour les opportunistes, ne fait que dissimuler les intérêts du clan. Il faut au contraire “détribaliser l'Etat “… et “détribaliser” la façon de penser la politique au Gabon. Il y a aussi une exigence de sincérité des scrutins et, dans cet objectif, il a été demandé que la biométrie soit mise en œuvre. Comme à son habitude, le régime a tergiversé puis a finalement préféré organiser les élections dans la précipitation, comme il l’avait déjà fait au moment des élections présidentielles. Sans doute, la crainte de perdre la majorité à l’Assemblée nationale gabonaise lui a fait faire ce choix afin de profiter de la présence de Nicolas Sarkozy et de Guéant, leurs protecteurs, au pouvoir en France pour quelques mois encore. Ils ne seront pas trop regardant sur les fraudes du pouvoir illégitime.
Depuis 1990, et la conférence nationale, le parti-Etat n’a cessé de revenir sur les quelques acquis en matière de libertés publiques. Encore une fois, les institutions sont occupées au plus haut niveau par des gens qui sont redevables au clan Bongo avec d’énormes conflits d’intérêts financiers, moraux, professionnels, ou familiaux et ethniques…
Comment a-t-on pu croire que l’on ait pu avoir une élection présidentielle à un seul tour ? Existe-t-il dans le monde un pays semblable et quel peuple peut l’accepter ? Le fétichisme du droit n’est pas non plus d’une grande utilité, car il n’y a pas d’Etat de droit, même si de temps en à autre des juristes remarquables considèrent insensées les décisions rendues par ce que l’on ose plus qualifier de « cour constitutionnelle ». Comme le régime est en deçà du droit, il est donc logique que les démocrates sincères refusent de participer à de nouvelles élections, puisqu’elles sont fausses du début à la fin, et qu’il est insupportable pour eux d’être des cautions à usage des bailleurs internationaux, de la France, du FMI et de l’Union européenne.
Le conseil exécutif du Mouvement Civique du Gabon souhaite également rappeler qu’il ne peut y avoir une action politique efficace sans que les responsables politiques aient une idée de leurs missions face aux manquements moraux et à l’incompétence liberticide du régime. L’opposition doit retrouver le chemin de « l’intelligence », et faire des propositions de développement, comme elle le faisait au début du gouvernement formé par André Mba Obame.
Les populations gabonaises sont épuisées par les coupures d'électricité, les routes sinistrées, l'urbanisme anarchique, la santé dévastée, l'abandon de 99 % du territoire pour 1 % richement dévolu au bien-être du pouvoir illégitime alors que le régime prétend à l'extérieur qu'il fait des “réformes”. De qui se moque t-on ? Seul un contexte démocratique permettra de contrarier le non-développement actuel et ses conséquences en matière de pouvoir d'achat, d'environnement et de qualité de vie des Gabonais. C’est en effet par le combat de l’intelligence que le régime illégitime sera écarté Il est anormal qu’un régime puisse régulièrement réussir à subvertir les membres des partis constitutifs des oppositions exclues du pouvoir au Gabon. Cette situation est d’autant plus dommageable que la chute de Nicolas Sarkozy est prochaine.
Le MCG est donc pleinement solidaire des milliers de militants et de la population gabonaise désireuse d’un changement, constitutifs d’un front de refus au régime illégitime ! Il y a des moments historiques au Gabon où il est important de parler d'une seule voix. Nous avons déjà gagné le pari de la non-participation aux élections législatives précipitées.
* Mengue M'Eyaà est présidente du conseil exécutif du Mouvement civique du Gabon
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