Cameroun : Réflexion sur les postures de la diaspora politique

Le mur de silence et d’incompréhension érigé par le régime de Paul Biya face à la société civile camerounaise a favorisé l’émergence d’une floraison d’associations contestataires à l’extérieur du pays (C.O.D.E, CAMDIAC, CDD, etc.). Ces associations se sont illustrées ces dernières années par l’organisation de conventions, de conférences, voire de manifestations radicales et extrémistes sur l’alternance politique au Cameroun. A l’aube de la prochaine élection présidentielle, ces associations contestataires peuvent-elles dépasser le stade de l’activisme politique et articuler un discours lisible ? Quelle crédibilité peut-on leur accorder aujourd’hui ?


Les associations contestataires de la diaspora camerounaise ont choisi l’activisme comme mode d’expression politique, manifestant devant les représentations diplomatiques du Cameroun à l’étranger ou dans les lieux de résidence préférés du président de la république. De cette nébuleuse la sonorité est forte, mais la lisibilité du discours politique est faible. Et pour cause, ces associations sont incapables de se prononcer sur des grands sujets tels : le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi de Philemon Yang, la réforme de l’éducation au Cameroun, la question de la souveraineté monétaire, le poids de l’aide au développement dans le financement de l’Etat, la reforme de l’Etat, l’effondrement du système des retraites au Cameroun…
Du coup l’image qu’elles donnent d’elles-mêmes c’est celle de groupuscules d’agitateurs à classer dans le registre du folklore politique tropical.

DE LA CREDIBILITE DE CES ASSOCIATIONS

Les associations contestataires de la diaspora ont le mérite de donner à celle-ci une existence politique. Mais on n’attend pas seulement de la diaspora qu’elle existe politiquement, il faut qu’elle contribue à la participation du débat politique, à la clarification des enjeux majeurs du devenir économique du Cameroun. Or ces organisations ne créent pas le débat. Par ailleurs, il est extrêmement difficile de les classer : Est-ce des associations de défense des droits de l’homme ? Est-ce des mouvements d’idées ? Est-ce des antichambres des structures politiques ?

Elles semblent survoler ces différents registres sans parvenir pour autant en assumer aucun pleinement.
L’année 2011 doit être une année de renaissance politique pour le Cameroun. L’insurrection populaire ou armée, prônée par certains politiciens en mal de sensation et l’exigence du départ de Paul Biya ne sauraient constituer des revendications alternatives.

Loin de nous l’idée de cautionner ou d’occulter de quelque manière que ce soit, le délabrement perpétuel des institutions dont nous avons fait l’examen en temps opportun. Il est plutôt question de rompre avec une certaine conspiration du silence dont l’opposition est coutumière lorsqu’elle doit prendre la mesure de ses propres difficultés. Ce n’est ni plus ni moins qu’un devoir d’inventaire.

Ce qu’on attend de ces organisations, c’est qu’elles arrivent à s’identifier à des idées fortes et qu’elles travaillent à les faire passer dans l’opposition et le corps national. L’opinion progressiste a besoin d’un leitmotiv capable de catalyser les énergies dispersées de l’opposition. La conférence nationale souveraine fut un de ces leitmotivs dans les années 90.
Tant que les leaders de ces organisations de la diaspora persisteront dans leur incapacité à proposer des solutions alternatives, ils contribueront plutôt à freiner l’émergence des démarches plus créatrices et consolideront de ce fait le régime qu’ils prétendent combattre.

* Jean-Marie Moukam est président de CCL-Libération

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